D’où vient la fascination séculaire et assidue de l’humanité pour les oiseaux ? Des grecs anciens qui lisaient l’avenir dans leurs vols aux luttes contemporaines pour leur conservation, les oiseaux sont restés un des sujets d’émerveillement de l’homme.
Les éditions Xavier Barral ont su depuis 2018 tirer parti de cette fascination, et proposer une collection dédiée à un genre très répandu mais plutôt négligé par la critique : la photographie d’oiseaux. En chargeant un photographe de nous offrir sa vision du monde des oiseaux, la collection se charge de légitimer le thème et de le faire entrer dans le monde de l’art. Le thème est imposé, et chaque photographe y répond avec les spécificités de sa pratique. De Penti Sammallahti à Michael Kenna en passant par d’autres photographes réputés (la collection comporte à ce jour 9 ouvrages, le 10e est à paraître en Mai), l’ensemble propose ainsi une iconologie photographique des volatiles.
Mais le principe ne s’arrête pas là : pour chaque tome les photos sont accompagnées d’un texte de Guilhem Lesaffre, ornithologue chevronné, qui observe depuis plus de trente ans les agissements de ces animaux qui nous surplombent. Chaque parution est l’occasion pour le spécialiste d’aborder un thème de la vie aviaire : la migration avec Plossu, l’instinct grégaire avec Mizutani, la cohabitation avec l’homme chez Iturbide… Chaque photographe, sans le savoir, montre des oiseaux un comportement spécifique, et qui résonne peut-être avec son propre travail.
Les oiseaux, rien de plus consensuel et neutre, n’est-ce pas ? Mais au lieu d’un thème innocent, dont on se contenterait d’explorer la fibre poétique, le résultat offre un propos beaucoup plus profond. Car si les récits d’anticipation post-apocalyptiques décrivent des mondes sans oiseaux, ce n’est peut-être pas uniquement pour dénoncer les changements climatiques, mais aussi parce que les mondes des futurs inquiétants sont des mondes sans liberté, et que l’oiseau est le symbole de celle-ci. Si cette collection connaît un succès grandissant, c’est peut-être justement parce que l’oiseau est la figure la plus représentative des interrogations de notre époque.
Camille Moreau
Série “Des oiseaux” / Éditions Xavier Barral