Dans l’exposition Back Side [Dos à la mode], les collections du Palais Galliera se sont invitées au Musée Bourdelle. Les vêtements des grands couturiers dialoguent avec les sculptures souvent monumentales d’Antoine Bourdelle. Back Side résonne avec l’exposition monographique Dos et profils d’Antoine Bourdelle, qui avait été présentée à l’été 1968 au musée éponyme. Dans la mode et la sculpture, on travaille trois dimensions – le devant, le profil et le dos. Et pour Antoine Bourdelle, le dos avait une importance primordiale, il l’affirmait à ses élèves de La Grande Chaumière :
« Un dos courbé n’est pas seulement un dos courbé. C’est le monde entier. »1
Dans l’atelier de sculpture d’Antoine Bourdelle, en visiteurs familiers, deux robes de Rei Kawakubo, Comme des Garçons côtoient un bronze du dos de Bourdelle. À vingt-trois ans, Bourdelle avait fait un moulage en plâtre de son dos pour s’en servir comme outil de travail et c’est sa fille qui, en 1960, en a fait réaliser un bronze.
Le catalogue présente des photos de mode de très grands photographes – Boris Lipnitzky, Irving Penn, Lucien Hervé, Sarah Moon, Peter Lindberg, Guy Bourdin, etc… Alexandre Samson, commissaire de l’exposition et auteur de l’ouvrage nous délivre un historique du traitement du dos dans la mode du XVIIIe siècle à nos jours. La destination du dos en Occident, était de mettre en valeur le devant du costume. Après les années 1930, le corset est définitivement jeté aux oubliettes, le corps se libère et le dos se dénude. De nombreux couturiers on réalisé un travail complexe et délicat sur les dos de leurs créations – Jeanne Lanvin, Cristóbal Balanciaga, Yves Saint Laurent, Jean Paul Gaultier, Azzedine Alaïa…
« Le dos, c’est aussi pour moi le point focal de ma construction. Juste là, près des clavicules. C’est ce qui va décider de l’émotion d’un vêtement. » Yohji Yamamoto, Back Side, 2019.
L’exposition parle de l’allure, du sillage, des capes qui camouflent, des ornements et messages apposées au dos des vêtements. Une salle est également consacrée à Jeanloup Sieff, qui a photographié avec un talent tout particulier le dos des femmes, leur pouvoir de séduction et leur vulnérabilité. Une place spéciale est réservée à la robe inoubliable de Mireille Darc créée par Guy Laroche, au décolleté dans le dos très profond dévoilant le haut des fesses. Mireille Darc la porte somptueusement dans le film d’Yves Robert, Le Grand blond avec une chaussure noire, 1972. Dans l’atelier du peintre sont aussi présentées des créations d’Alexander McQueen, automne-hiver 2010-11. Cette collection posthume « Anges & démons », théâtrale et imagée, nous entraîne dans un monde féérique :
« […] parce que nous ne voyons jamais que l’envers des destinées, l’envers même de la nôtre » Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, 1893.
Poursuivant la visite, on croise un mannequin portant une robe de Martine Sitbon contemplant la sculpture Le Centaure mourant, une robe de Balanciaga au décolleté savamment bouffant se penche sur Le Torse d’Adam, un manteau de Yohji Yamamoto au dos ailé, frôle Bethoveen dans le vent avec drapeaux.
La scénographie de Jean-Julien Simonot, comme dans un ballet ou un opéra, insuffle une étonnante dynamique à l’exposition et entraîne le visiteur dans une traversée onirique, dont le catalogue nous retransmet l’émotion.
Nathalie Laberrigue
Back Side / Dos à la mode, catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Back Side / Dos à la mode » présentée hors les murs au Musée Bourdelle du 5 juillet au 17 novembre 2019 ; ouvrage dirigé par Alexandre Samson (commissariat, textes), Harold Koda (introduction), Miren Arzalluz et Amélie Simier (préfaces), Yohji Yamamoto (préambule), éditions Paris Musées, 2019
Back Side / Une exposition du Palais Galliera
References