Après une rétrospective parlée de Yona Friedman, le magazine présente Welcome Charliemoon de Raffaella della Olga et Je ne me tourne vers la théorie qu’après avoir réalisé que quelqu’un a consacré toute sa vie à une question qui m’avait à peine traversé l’esprit jusqu’alors, 2012 de Kenneth Goldsmith. Ces deux lectures-performances furent produites dans le cadre d’« Une exposition parlée », proposée par Mathieu Copeland. Le texte lu permet son interprétation, et en devient ainsi autant sa partition que sa mémoire. « Une exposition à être lue » génère des figures à être dites, l’abstraction du langage permettant à une forme d’exister et, naturellement, une fois dite, de se dissoudre. Enfin, la lecture de filibuster par la poète Vanessa Place a été réalisée dans le cadre d’une carte blanche à l’artiste et poète Franck Leibovici pour « Une exposition sans textes » à la Maison d’art Bernard Anthonioz. filibuster est une publication issue d’une réflexion engagée par Franck Leibovici avec Valérie Pihet et Mathieu Copeland autour des formes de la parole politique.
Welcome Charliemoon
Raffaella della Olga, 2013
Le texte Welcome Charliemoon de Raffaella della Olga figure dans une publication distribuée dans « une exposition à être lue ». Ici l’oeuvre se compose de textes écrits par les artistes pour être lus à haute(s) voix. L’exposition devient une forme vivante, intellectuelle et corporelle. L’utilisation orale du mot questionne la gestuelle de la parole et son inscription dans l’espace d’exposition. L’interprétation des oeuvres écrites révèle l’architecture sensible de l’espace ainsi qu’une réalité abstraite et éphémère portée par la voix. Le travail de Raffaella della Olga s’inscrit dans cette recherche, en mettant en jeu la relation entre les mots, les images et l’espace. Sa poésie concrète et la figuration des mots sur la page participent à la création d’images mentales, constitutives d’une exposition immatérielle.
Je ne me tourne vers la théorie qu’après avoir réalisé que quelqu’un a consacré toute sa vie à une question qui m’avait à peine traversé l’esprit jusqu’alors
Kenneth Goldsmith, 9 juin 2013, Jeu de Paume
Pour « Une exposition parlée », Mathieu Copeland a invité l’écrivain et poète nord-américain Kenneth Goldsmith à publier une nouvelle œuvre « Je ne me tourne vers la théorie qu’après avoir réalisé que quelqu’un a consacré toute sa vie à une question qui m’avait à peine traversé l’esprit jusqu’alors, 2012 ». L’auteur y affirme sa conception radicale d’une écriture non créative et prône la nécessité d’une écriture conceptuelle contre l’expression.
filibuster (une lecture)
franck leibovici, 2013.
Lecture par Vanessa Place.
« un filibuster est une technique d’obstruction parlementaire qu’utilisent les sénateurs américains pour empêcher le vote d’une loi. le filibuster consiste simplement à garder la parole sur une durée excessive pour retarder le moment fatidique du vote, tout en espérant que les discours menés pendant ces jours et ces nuits accroîtront le nombre d’opposants à la loi. durant certains filibusters, ont pu être lus des oeuvres de shakespeare ou de victor hugo, l’annuaire téléphonique, des recettes de cuisine. le record à ce jour est de 24 heures 18 minutes ininterrompues (conquis par strom thurmond lorsqu’il tenta vainement de s’opposer au civil right act en 1957).
celui du sénateur huey long, le 12 juin 1935, dura plus de 15 heures.
contrairement à la représentation qu’en fait capra dans mr smith goes to washington, il ne s’agit pas réellement d’un long et continu monologue, empli de pathos, mais d’un dispositif collectif où de nombreux sénateurs interviennent, au moyen d’un ensemble de règles complexes qui autorisent la prise de parole sous certaines conditions. tout le jeu consiste alors à faire tomber sournoisement l’adversaire dans un piège pour lui faire “perdre le floor”. filibuster (une lecture) est une tentative de montrer un type de parole politique qui, loin des clichés et des grandes envolées rhétoriques, assume néanmoins sa dimension de performance. une véritable duration piece.
en 1937, le dessinateur al taliaferro nomma l’un des neveux de donald duck (riri, fifi et loulou en français) “huey” en référence à huey long (les deux autres s’appelant “dewey” en référence au gouverneur républicain de new york thomas edmund dewey, et “louie” en référence à un animateur de disney, louis schmitt). »
(franck leibovici)
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