Le Jeu de Paume présente du 16 octobre 2012 au 20 janvier 2013 les photographies de Manuel Álvarez Bravo. Père de la modernité photographique au Mexique, Don Manuel a développé un univers étrange et fascinant, qui dépasse largement l’étiquette d’artiste surréaliste et mexicain qu’on lui a trop souvent attribuée. Les commissaires de l’exposition, Laura González Flores et Gerardo Mosquera, présentent ici des images poétiques et troublantes, qui se révèlent des clichés soigneusement construits et d’une grande sobriété, où se répètent divers motifs iconographiques (les corps gisants, les décors minimalistes à l’harmonie géométrique, les objets à la signification ambiguë…). Doit-on voir dans cette grande qualité formelle un Manuel Álvarez Bravo qui se rêve aussi cinéaste, et élabore ainsi patiemment les images fixes d’un film imaginaire, ou encore les syllabes d’un langage visuel propre ?
Quand on parle de photographie, comment aborder l’invisible, l’indicible ? Il ne fait plus aucun doute désormais que la qualité magique et surréelle attribuée à la photographie d’Álvarez Bravo est une construction rhétorique ; essentiellement, un contrepoint entre ce qui se trouve dans l’image et ce qui ne s’y trouve pas. C’est en ce sens que l’oeuvre d’Álvarez Bravo peut se comprendre comme une dialectique de la vision : un imaginaire rempli de motifs où il y a une tension entre ce qu’on montre et ce qu’on cache.
Laura González Flores, Manuel Álvarez Bravo. Syllabes de lumière.
Manuel Álvarez Bravo. A photographer on the alert.
From 16 October 2012 au 20 January 2013 Jeu de Paume is presenting photographs by Manuel Álvarez Bravo, father of modern Mexican photography. As the exhibition shows, the clichéd “Mexican Surrealist” label often applied to his work is far from doing justice to the strange and fascinating world conjured up by “Don Manuel.” The curators of this exhibition, Laura González Flores and Gerardo Mosquera, present a set of troubling, poetic images which turn out to be extremely restrained and carefully constructed pictures, characterised by a number of recurrent motifs (lying bodies, spare, geometrical settings, ambiguous objects, etc.). Is this formal perfectionism indicative of the cinematic imagination cultivated by Manuel Álvarez Bravo, making his images stills from some imaginary film, or are these images the syllables of a personal visual language?
“When talking about photography, how do we evoke the invisible and the unsayable? There is no longer any doubt that the magic, surreal quality attributed to the photography of Manual Álvarez Bravo is the result of a rhetorical construction, based on the counterpoint between what is seen in the image and what is not seen. It is in this sense that his work can be understood as a dialectics of vision: an imaginary filled with motifs in which there is a tension between what is shown and what is hidden.” Laura González Flores in Manuel Álvarez Bravo. Syllabes de lumière.
Biographie
1902 Naissance de Manuel Álvarez Bravo le 4 février à Mexico.
1915-1916 Quitte l’école pour aider au soutien financier de sa famille. Sera employé de nombreuses années dans diverses administrations.
1917-1918 É tudie la littérature, la musique et la peinture à l’Académie de San Carlos.
1922 Commence à s’intéresser à la photographie.
1923-1924 Rencontre Hugo Brehme. Achète son premier appareil photo.
1925 Se marie avec Lola Martínez de Anda et s’installe avec elle à Oaxaca.
1926 Présente une photographie au concours de la Foire régionale agricole d’Oaxaca et remporte le premier prix.
1927 Ouvre un studio de portraits avec Lola dans leur nouvel appartement de Mexico. Naissance de leur fils Manuel.
1928 Est sélectionné pour le premier Salon mexicain de la photographie. L’hebdomadaire El Universal Ilustrado publie ses photos.
1929 Enseigne la photographie pendant un an à l’École centrale des arts plastiques.
1930 Est chargé de photographier les oeuvres des grands peintres mexicains de l’époque : José Clemente Orozco, David Alfaro Siqueiros, Diego Rivera… Envoie un portfolio à Edward Weston.
1931 La revue Contemporáneos publie ses images. Remporte le premier prix de la section de photographie du concours organisé par le fabricant de ciment La Tolteca. Avec l’argent remporté grâce au prix, achète la caméra utilisée sur le tournage de ¡Qué viva México! d’Eisenstein, avec laquelle il tournera à
Tehuantepec.
1932 Première exposition personnelle à la galerie Posada de Mexico.
1934 Voyage à Tehuantepec où il réalise sa célèbre image Obrero en huelga, asesinado. Tourne son premier long métrage, Disparos en el Istmo. Rencontre Henri Cartier-Bresson ; se sépare de Lola.
1935 Exposition avec Henri Cartier-Bresson au palais des Beaux‑Arts de Mexico, puis à nouveau avec celui-ci et Walker Evans à la galerie Julien Levy de New York.
1938 Rencontre André Breton et Léon Trotski chez Diego Rivera. Reprend ses cours à l’École centrale des arts plastiques (jusqu’en 1940).
1939 Breton fait une apologie de sa photographie dans la revue Minotaure.
1940 Participe à l’Exposition internationale du surréalisme organisée par Breton à la galerie d’Inés Amor à Mexico. Prend part à l’exposition “Twenty Centuries of Mexican Art” au MoMA de New York.
1942 Épouse l’anthropologue américaine Doris Heyden. Le MoMA fait l’acquisition de neuf de ses photographies. Son oeuvre figure dans diverses publications internationales, dont la revue Dyn.
1943 Affilié comme photographe de plateau au Syndicat des travailleurs de la production cinématographique, dont il sera membre jusqu’en 1959. Exposition personnelle à l’Art Institute de Chicago.
1945 Exposition “La Fotografía como Arte” à la Société d’art moderne de Mexico. Se consacre totalement au cinéma et fonde la société Coatlicue avec Jesús Cárdenas et José Revueltas, avec lesquels il commence à tourner le court métrage ¿Cuánta sera la oscuridad?.
1946 Fonde avec José Revueltas et Oswaldo Díaz Ruanova La Mesa ovalada (La Table ovale), un groupe informel de débat cinématographique. Participe à l’exposition ethnographique “México indígena” au palais des Beaux-Arts de Mexico.
1947 De 1947 à 1950, enseigne la photographie à l’Institut cinématographique mexicain, à l’École des arts plastiques et au Centre universitaire d’études cinématographiques de Mexico.
1951 Photographe de plateau sur le tournage du film La Montée au ciel de Luis Buñuel.
1955 Edward Steichen choisit deux de ses photographies pour l’exposition “The Family of Man” au MoMa de New York.
1956 Participe à l’exposition collective “Diogenes with a Camera III” au MoMA, aux côtés de Paul Strand, August Sander et Walker Evans.
1957 Photographe de plateau sur le tournage du film Nazarín de Luis Buñuel.
Exposition “Manuel Álvarez Bravo: fotografías” au Salon de la plastique mexicaine.
1959 Quitte l’industrie cinématographique. Commence à faire des films avec des formats amateur (8 mm et super-8).
1960 Voyage en Europe pour photographier des oeuvres d’art. Expose au Salon international du portrait photographique à la Bibliothèque nationale de France.
1962 Divorce de Doris Heyden et se lie avec Colette Urbajtel.
1966 Expose des images en couleurs à la galerie d’Inés Amor. Retrouve Paul Strand.
1968 Rétrospective commémorant les quatre décennies de photographie d’Álvarez Bravo au palais des Beaux-Arts de Mexico.
1969 Enseigne au Centre universitaire d’études cinématographiques.
1971 Expositions personnelles au MoMA de New York et au Pasadena Art Museum, qui fait l’acquisition de quarante-cinq photographies.
1972 Exposition “Manuel Álvarez Bravo: 400 fotografías” au palais des Beaux-Arts de Mexico.
1973 L’État mexicain fait l’acquisition de quatre cents de ses photographies pour le fonds du musée d’Art moderne de Mexico, qui inaugurera une salle consacrée à son oeuvre en 1976.
1978 Expositions à la Corcoran Gallery of Art de Washington, au San Francisco Art Institute et au musée d’Art moderne de Mexico.
1979 Invité d’honneur des Xe Rencontres de la photographie d’Arles.
1982 Publication du livre Instante y revelación avec des photographies d’Álvarez Bravo et des poèmes d’Octavio Paz.
1983 Exposition au musée d’Israël à Jérusalem. Est nommé directeur du nouveau musée de la Photographie de la Fundación Televisa à Mexico, qui sera inauguré trois ans plus tard. Professeur honoraire de la chaire José Clemente Orozco de l’Université nationale autonome de Mexico.
1984 Prix Hasselblad de photographie. Invité d’honneur du IIIe Colloque latino-américain de la photographie à La Havane, où une exposition lui est consacrée.
1986 Exposition avec Cartier-Bresson au palais des Beaux-Arts de Mexico. Rétrospective au musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
1990 Exposition itinérante “Revelaciones: The Art of Manuel Álvarez Bravo”, qui débute au Museum of Photographic Arts de San Diego.
1994-1995 Exposition “Evidencias de lo invisible, cien fotografías” au musée des Beaux-Arts de New Delhi, au Palais impérial de Pékin et au Centre culturel de Belém à Lisbonne.
1996 Inauguration du Centre photographique Manuel Álvarez Bravo à Oaxaca.
1997 Rétrospective au MoMA de New York. Expositions “Variaciones” au Centro de la Imagen de Mexico et “El ojo de Manuel Álvarez Bravo” au Centre culturel d’art contemporain de Mexico, puis à la Maison de l’Amérique latine de Paris en 2001.
2001 Rétrospective au J. Paul Getty Museum de Los Angeles.
2002 Reçoit un hommage national au Mexique. Publication du livre Manuel Álvarez Bravo. Cien años, cien días. Meurt à Mexico le 19 octobre à l’âge de cent ans.
Liens
Manuel Álvarez Bravo. Un photographe aux aguets (1902 — 2002)
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