Raoul Hausmann, Maison paysanne (Can Rafal), 1934 © Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart
Considéré comme artiste « dégénéré » par le régime nazi, Raoul Hausmann quitte précipitamment l’Allemagne en mars 1933 et rejoint Ibiza, qui se peuple progressivement d’exilés attirés par la vie bon marché de ce territoire. Isolé dans le village de Sant Josep, sans contact avec les autres artistes et écrivains présents sur l’île, Hausmann se passionne pour les habitations aux formes modernes, construites avec les matériaux locaux par les eivissencs, selon leurs besoins : « À l’intérieur de l’île, vous allez de surprise en surprise : partout la même perfection plastique, partout la même noblesse dans les formes des maisons. À première vue, elles rappellent les constructions algériennes et celles des îles grecques, mais très vite vous réalisez être en présence d’une expression plus pure, infiniment plus intuitive de l’art de bâtir. » Employant dans un article pour la revue moderniste D’Ací i d’Allà l’expression « architecture sans architecte », Hausmann décrit dans ses photographies la puissance intemporelle de ces constructions issues de nombreux croisements et influences dans l’histoire des peuples de la Méditerranée qu’il oppose à l’idéologie nationale-socialiste de la pureté raciale. Hausmann reste trois années à Ibiza, période d’une grande intensité créatrice, avant l’occupation par les franquistes qui le remet sur la route de l’exil. Il expose ses tirages d’Ibiza au Musée des Arts et Métiers de Zurich en 1936, avant d’être expulsé de Suisse. Échouant à rejoindre ses amis installés aux États-Unis, éloigné de l’île inspiratrice, Raoul Hausmann voit ainsi se clore cette décennie de pratique photographique.
Ève Lepaon et Cécile Tourneur