Si la ville moderne est un « collage » permanent composé des rencontres les plus improbables, alors la ville du futur peut être envisagée comme un montage encore plus surprenant. Armé d’un ciseau et de colle, Eli Lotar réutilise des tirages de Germaine Krull pour réaliser une série de montages publiés dans L’Art vivant en 1929. Il s’agit pour lui de proposer des « visions » de l’avenir urbanistique de la capitale dans l’esprit des cartes postales fantaisies de la fin du XIXe siècle : ainsi, une arche métallique enjambe les Champs-Elysées, un pont s’élève au-dessus des toits parisiens et enfin, la Seine, recouverte de bitume laisse place à une autoroute… Bien que réalisées dans un esprit léger, sans la moindre prétention prophétique, certaines de ces images proposent des aménagements qui ne sont pas si éloignés de la réalité et cette « autoroute » en remplacement de la Seine peut être vue comme une préfiguration des voies sur berges construites dans les années 1970. Le montage constitue autant un moyen de porter un regard critique sur la modernité qu’une technique propice à donner corps à certaines « images mentales ».
Ève Lepaon et Cécile Tourneur