Dans le contexte de rénovation du centre de Paris, du chantier des Halles et de la construction du Centre Pompidou qui donnent lieu à un certain nombre de débats, Gordon Matta-Clark propose une intervention monumentale. Il affirme : « Il y a toujours eu dans mon travail une relation étroite entre sculpture et architecture ». Sa performance consiste en un percement d’un immense cône traversant deux immeubles jumeaux du XVIIe siècle destinés à être détruits, mettant ainsi au jour des espaces invisibles et clos. La pointe du cône est tournée vers le sommet du Centre Pompidou alors en chantier et sa base s’ouvre sur la rue passante. Il s’agit alors pour Matta-Clark de mettre en évidence, par cette forme, la stratification spatiale et temporelle de Paris : le passé qui va disparaître est ainsi compris entre le présent (la rue), et l’avenir (la structure du futur musée national d’art moderne). Le cône est aussi pour Matta-Clark un outil de vision. Traversé par la lumière, à la façon d’une lentille, il matérialise et rend visible de façon éphémère l’espace architectural, ses formes, ses couleurs et les matières qui le constituent. Au cours de son intervention Gordon Matta-Clark fait appel à la photographie et au film. « Les films m’intéressent davantage, parce qu’une caméra permet de capter beaucoup plus précisément l’espace » que la photographie dit-il, et permettent ainsi de transposer au mieux l’expérience de la mobilité de la vision. Il réalise néanmoins des photographies au grand angle et, a posteriori, des montages photographiques qui tentent de restituer à la fois ses opérations mais aussi les déplacements optiques et physiques qu’elles induisent. Cet œil qui se dessine et se déploie ici est ainsi l’image de ses réflexions sur les moyens de transmettre ses expériences, d’interroger et de transformer notre propre vision.
Ève Lepaon et Cécile Tourneur