Trine Søndergaard et Nicolai Howalt, artistes danois, présentent Megafossil. Dans cette série, qui se déploie en quatre images tableaux, ils explorent un monument du paysage danois qui siège dans la forêt de Jægerspris, au nord de Copenhague.
Raphaëlle Stopin On se rappelle de votre série How to Hunt (Comment chasser) dans laquelle vous exploriez l’idée de territoire, perçu comme un espace à parcourir, dont il nous faut faire l’expérience. C’était une série profondément enracinée dans votre pays, le Danemark. Avec Megafossil, vous explorez également, cette fois à une toute autre échelle, une partie de ce territoire. Quel a été le point de départ de Megafossil ?
Trine Søndergaard et Nicolai Howalt Il est historique. Ce projet s’inscrit dans une exposition, organisée par le Musée National du Danemark en 2012, intitulée « Shaped by Time ». Dans le cadre de cette exposition, nous avons été invités par le musée à faire une recherche et une proposition en réponse à sa collection préhistorique, qui est composée d’artefacts allant de la fin de l’âge de Glace à l’âge Viking.
Vieux de 1500 ou 2000 ans, le « Kongeegen » ou le « Chêne du roi », situé dans un bois au nord de Copenhague, est un des plus anciens organismes vivants en Europe. Nous étions fascinés par sa connexion avec ce passé et l’idée qu’il puisse représenter ce lien direct avec ces temps reculés.
RS Comment en êtes-vous venus à cette extrémité : choisir de représenter ce personnage monumental, le Chêne du roi, par un portrait minimaliste articulé en 4 panneaux, se concentrant sur les détails de l’arbre, présentant non son imposante stature mais des gros plans de sa peau épaisse et craquelée. Pourquoi cette synecdoque visuelle pour saisir votre sujet ?
TS & NH Megafossil examine le concept du temps. Quand l’on se tient devant le Chêne du roi, l’on ressent en sa présence une connexion avec notre histoire. L’arbre est un témoin du passage du temps et en soi une image plus grande que nous. Il est monumental de par sa taille, riche et immense dans ses détails. L’arbre nous rappelle à quel point nous sommes petits et notre finitude.
En se concentrant sur les parties et les sections de l’arbre, nous voulions l’ôter de son contexte originel, de son environnement naturel, pour l’amener dans l’enceinte du musée. Nous voulions par là regarder l’arbre au-delà de l’élément naturel qu’il constitue, comme un objet.
RS Vous avez choisi de tirer ces photographies sur des panneaux de bois en utilisant la technique de la sérigraphie, qui implique le passage de plusieurs encres et donc la présence de différentes strates sur le papier. Le choix de la sérigraphie était-ce afin de vous rapprocher de la matière physique de votre sujet, pour rendre une texture que la surface du tirage photographique ne peut atteindre ?
TS & NH Nous voulions regarder l’arbre hors de la forêt. L’isoler et le faire tenir seul. Le procédé de sérigraphie ressort de cette volonté. Contrairement aux tirages photographiques, les sérigraphies consistent en plusieurs couches superposées. Imprimer ces différentes couches de gris et ces détails du tronc de l’arbre sur des panneaux de bois nous a permis d’accroître la présence de l’arbre à l’image.
RS Dans la présentation finale de cette œuvre, vous avez inclus une branche de l’arbre. Pourquoi avoir choisi de compléter l’image par ce segment réel de votre sujet ?
TS & NH Une fois installée dans l’espace du musée, la branche endosse le statut de relique. Nous voulions originellement la conserver vivante pour toute la durée de l’exposition mais pour des raisons relatives à la conservation et à la stérilisation, cela n’a pas été possible. La branche a ainsi dû être gelée 24 heures avant son entrée au musée.
Trine Søndergaard, artiste danoise, vit et travaille à Copenhague. En 1996, elle est diplômée de Fatamorgana, l’Ecole Danoise de Photographie. En 2000, elle reçoit le prix Albert Renger-Patzsch et a depuis reçu de nombreuses bourses dont une de trois ans accordée par la Fondation danoise pour les arts. Elle s’est vue consacrer plusieurs expositions personnelles, a participé à de nombreuses expositions collectives, et est présente dans diverses collections publiques et privées, dont celles du MUSAC, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, Espagne ; the Museum of Fine Arts, Houston ; the Hasselblad Foundation, Gothenburg, Suède ; the Israel Museum, Jerusalem ; et la Danish Arts Foundation, Copenhague. Trine Søndergaard a publié des livres chez Steidl, Hatje Cantz et Hassla Books.
Nicolai Howalt est diplômé de Fatamorgana en 1992. Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions personnelles et collectives au Danemark et à l’étranger. Il figure parmi les collections de La Maison Européenne de la Photographie, France ; MUSAC, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, Espagne et the New Carlsberg Foundation, Danemark. Nicolai Howalt a publié les livres 3×1, Boxer, Car Crash Studies et 78 Boxers.