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« “Bye, Bye Black Girl” : Le retrait figuratif
de Lorna Simpson »,
par Huey Copeland [FR/EN]


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Traduction de l’anglais : Vanina Géré, 2013.

Un. En 1989, Lorna Simpson crée Guarded Conditions . L’œuvre dépeint une femme noire vêtue d’une robe simple et de chaussures pratiques, les cheveux arrangés en tresses tout aussi pratiques, qui viennent lui effleurer le cou. Le corps est représenté par trois images arrangées selon de subtils décalages, et dont l’itération sérielle propose une répétition infiniment expansible. Toutefois, parmi les six versions présentées de cet « anti-portrait » 1, des différences s’établissent entre un ensemble apparemment identique de polaroids et le suivant, comme pour indiquer le caractère changeant de la relation du modèle à elle-même. L’appui des pieds change ; l’ordre de la chevelure est très légèrement réarrangée ; et dans la rangée de photographie du milieu, la main droite enserre puis caresse le bras gauche, en une alternance qui fait écho au rythme des mots “sex attacks skin attack” [« agressions sexuelles »/ « agressions cutanées »], qui légendent les épreuves.


Lorna Simpson, Guarded Conditions, 1989. Dix-huit polaroïds couleur, vingt et une plaques en plastique gravées. 231,1 x 332,7 cm). Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York © Lorna Simpson



Plus de quinze ans après ses débuts à la galerie new-yorkaise Josh Baer, cette œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions et de reproductions ad nauseam. En effet, son recours désormais bien connu à une expression choisie pour son potentiel provocateur, ainsi qu’au trope de la Rückenfigur dans le but de mettre en question la production visuelle du corps de la femme noire, en a fait un emblème : celui de la pratique de Simpson de la fin des années 1980 et du début des années 1990, et aussi celui du champ culturel controversé dans lequel s’ancrait son art. 2 Tel quel, Guarded Conditions a été repris par des écrivains d’obédiences intellectuelles diverses. Mais à vouloir comprendre sa présence pragmatique et pourtant récalcitrante, combien de fois ne se saisirent-ils pas de référents externes à l’œuvre dans le but de clarifier l’intention de l’artiste ?

En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, dans un article de décembre 1989, un critique d’art faisait état de sa lecture d’un communiqué de presse à propos du passage à tabac et du viol d’une femme noire par deux gardiens de sécurité la veille du jour où il avait vu la photo-texte en question. « La coïncidence du fait divers dans le journal et l’œuvre dans la galerie, affirmait-il, révèle la manière dont le travail de Simpson commente des réalités souvent dures, sans se contenter de les signaler. » 3 Guarded Conditions est ici présenté en tant que réfraction étudiée du réel ; de manière assez similaire, trois ans plus tard, sous la plume d’une commissaire d’exposition, l’œuvre devait devenir la métonymie à deux visages des souffrances raciales. À en croire cette dernière, l’isolement du corps féminin convoquait « les ventes aux esclaves, les salles de consultation d’hôpitaux, et les alignements d’individus par la police », tandis que la duplication « des figures qui nous tournent le dos… évoquait l’image de ces femmes campées le dimanche matin sur les marches des églises noires fondamentalistes, en gardiennes contre les vices du monde. » 4 Exploitant le même filon mais d’une manière différente, une féministe théoricienne de la performance estimait que l’œuvre constituait un geste de défi, mais son observation la conduisait elle aussi à porter son regard sur un autre objet : en l’occurrence, le Leland Richard réalisé en 1980 par Robert Mapplethorpe. « Alors que dans le cas de Mapplethorpe, le poing serré du modèle constitue le geste de l’accès à l’autoreprésentation (son poing rappelant celui [du photographe] qui tient l’obturateur à déclenchement différé), [dans le cas de Simpson], le poing rappelle les agressions sexuelles et raciales indexées précisément en tant que fondement de l’image. » 5


Robert Mapplethorpe. Leland Richard, 1980. Gelatin silver print. 20 x 16 in. (50.8 x 40.6 cm). © Courtesy The Robert Mapplethorpe Foundation. Courtesy of Art + Commerce Anthology.

Robert Mapplethorpe. Leland Richard, 1980. Épreuve gélatino-argentique. 50.8 x 40.6 cm.
©The Robert Mapplethorpe Foundation. Courtesy Art + Commerce.




Chacune de ces interprétations parvient selon nous à augmenter la portée allusive de l’œuvre. Pourtant, à chaque fois, ce sont les scénarios hors-champ convoqués par l’artiste dans son texte (qu’elle refuse assidûment de mettre en images), qui sont privilégiés en tant que sites du sens. 6 Ainsi, Guarded Conditions nous parvient sous la forme d’une collecte de détails iconographiques (la position d’une main, une rangée de sentinelles, ou simplement le spectre de la femme noire comme victime), qui enclenchent tous une chaine d’associations présumées endémiques à l’expérience vécue de la femme noire. Indépendamment des intentions de leurs auteurs, de telles lectures ont pour effet de réduire la portée de l’art de Simpson, dans la mesure où elles négligent d’examiner attentivement non seulement ce qu’elle nous donne à voir, mais aussi la manière dont elle oriente notre regard, puisque même son refus de le faire traduit à coup sûr son intention de nous impliquer vis-à-vis de l’image.

Dans ce cas, qu’est-ce que se trouver face à Guarded Conditions ? Est-ce rencontrer une image du corps humain présenté à une échelle légèrement supérieure à la nôtre, et dans une posture qui ne va pas sans rappeler celle que nous pourrions adopter en tant que regardeurs ? Est-ce faire face à une figure imbriquée dans un cadre dont la forme globale renforce une Gestalt, quand bien même les barres découperaient la femme représentée de manière quasi chirurgicale ? La fragmentation de son corps nous empêche-t-elle d’éprouver toute forme d’affinité corporelle, et par là, de forclore une possible identification ? En d’autres termes, comment Guarded Conditions vise-t-elle à nous interpeller, et ainsi nous situer ? Le fait que le modèle soit placé devant un fond blanc d’atelier est-il censé nous rappeler notre propre circonscription au sein de cet espace de consommation artistique qu’est le white cube ? Alors que la figure est arrêtée dans un espace indéterminé, sur cette plateforme quelconque, sommes-nous amarrés au point imaginaire que projettent ces lignes d’« agressions » qui se télescopent ? Comment sommes-nous supposés rendre compte des échanges frénétiques entre le mot et l’image, qui ne ressemblent pas tant à un va-et-vient qu’à une induction vers les régimes de violence qui accablent la femme devant nous ? Sommes-nous victimes ? Complices ? Ou bien les simples témoins d’une série de transgressions invisibles, détenant la permission d’examiner le site qu’occupe cette femme, sans toutefois qu’il nous soit donné d’y pénétrer, en raison de notre relation toujours retardée au photographique ?

Ce que nous souhaitons avancer, au cours des lignes qui vont suivre, c’est que se trouver face à Guarded Conditions consiste en une suspension entre la répétition et la différence, le visuel et le sensoriel, le particulier et l’universel : ce même système d’intersections en tension qui anime de façon persistante l’analyse que fait Simpson de la manière dont la représentation arrête le flux signifiant de la subjectivité de la femme noire.  Et dans cette œuvre, il faut au premier chef saisir ce flux en retard, tout en se tenant derrière cette figure et en la suivant, ici comme ailleurs, selon une relation historique toujours a posteriori. Car, ainsi que le faisait observer Toni Morrison au cours d’une conversation avec le critique culturel Paul Gilroy, publiée en 1993 :

Du point de vue d’une femme, et en ce qui concerne notre confrontation aux problèmes mondiaux actuels, les femmes noires ont dû faire face à des problèmes « postmodernes » dès le XIXe siècle, et même avant. Cela fait longtemps que les Noirs doivent affronter ces questions : certaines formes de dissolution ; la perte ; le besoin de reconstruire certaines formes de stabilité ; certaines formes de folie, comme devenir fou délibérément… « pour ne pas perdre la raison ». Ces stratégies de survie ont constitué la personne véritablement moderne. 7

Exposée aux agressions à fois sexuelles et liées à la couleur de peau, double cryptogramme de la négation, la femme noire des paroles de Morrison et des photographies de Simpson prévoit les ravages de la modernité : la perte d’une matrice symbolique, les effets aliénants du capital, l’éclatement du sujet ; autant de phénomènes qui redoublent dans son sillage. 8 Les « Guarded Conditions » de la figure, par conséquent, sont tout à fait les nôtres, qu’on les qualifie « postmodernes » en 1989 ou de  « postblack » en 2005. Que chacun d’entre nous soit appelé à assumer sa position n’est qu’une question de temps. 9


New York Newsday, September 19, 1990. Photographe : Ari Mintz. © 2005, Newsday.



Deux. Voici à quoi l’artiste ressemble. À trente ans, elle figure en couverture de la rubrique artistique d’un quotidien. Elle se tient avec circonspection devant l’œuvre de 1989 Untitled (Prefer, Refuse, Decide) [Sans titre (Préfèrer, refuser, décider)]. Nous sommes en septembre. On distingue le grain, les millions de petits points qui constituent l’image de Simpson, de son travail, et de l’espace qu’ils investissent. Toutefois les données proposées par cette matrice pointillée sont plus ou moins superflues, 10 dans la mesure où c’est la légende qui nous dit tout ce que nous devons savoir, c’est-à-dire que l’artiste représentée ici est au centre des choses précisément parce qu’elle était susceptible d’être reléguée à la marge. Et selon Amei Wallach, auteure de l’article, faire partie de la marge est ce qui se fait de mieux à l’automne 1990 : « Cette année, les outsiders sont à la mode… Et nombreux sont les musées, les galeries, les revues et les collectionneurs qui attendent leur tour pour profiter de l’occasion qu’offrent des artistes dont la couleur de peau, la langue, les origines nationales, les préférences sexuelles ou les messages stridents, avaient jusqu’ici constitué un obstacle à l’intégration dans les cercles dominants. On dira que ce n’était pas trop tôt ; que c’était le résultat d’un sentiment de culpabilité ; on appellera ça un certificat d’altruisme à faire encadrer; quoi qu’il en soit, Lorna Simpson remplit tous les critères. » 11 Et en effet : elle était la première femme noire jamais sélectionnée pour la Biennale de Venise ; elle avait été le sujet d’un segment du programme artistique Edge sur PBS/BBC ; et à l’époque, elle faisait partie des rares artistes afro-américains capables de se servir de leur visibilité au sein d’institutions comme le Jamaica Arts Center du Queens comme tremplin pour accéder aux galeries d’art établies de Soho. 12 Le succès fortuit de Simpson fut considéré comme l’augure du début de la fin de l’exclusion patriarcale blanche, puisqu’on avait donné sa « place au soleil » à l’Autre absolue : figure de la représentation à l’ère de la représentativité. 13


Lorna Simpson, Three Seated Figures, 1989. Trois polaroïds couleur, cinq plaques en plastique gravées. 76,2 x 246,4 cm. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York © Lorna Simpson




Évidemment, on paie toujours le prix d’une telle représentation, si bien qu’en tant que mascotte d’une certaine marque de multiculturalisme douteux, Simpson se vit incomber la tâche de parler de et au nom de ses sœurs opprimées sans relâche, et ce, dans le style qui était déjà devenu sa marque de fabrique. S’appuyant sur des créations comme Three Seated Figures, de 1989, et Twenty Questions (A Sampler), de 1986, Wallach en concluait que l’art de Simpson « parle de cette réalité compliquée et terrifiante : être une femme noire. Mais ses méthodes sortent tout droit du monde de l’art blanc établi, agréé par les musées. » 14 Cette déclaration, formulée non sans une certaine audace, est totalement symptomatique en tant qu’elle souligne la tension perçue, au sein du travail de Simpson, entre la forme et le contenu, ou ce que la critique d’Art in America Eleanor Heartney avait identifié un an plus tôt comme un « sujet brûlant » abordé avec un “détachement apparent”. 15 Voici la conclusion de sa critique de la première exposition de Simpson chez Josh Baer : « Vidée de toute passion superficielle, tirant vers un style élégamment minimaliste, [son] art court parfois le risque d’en devenir trop modéré. … Mais lorsque la colère et la douleur frémissent tout juste à la surface, [sa] retenue permet de magnifier l’intensité de son message. » 16


Lorna Simpson, Twenty Questions (A Sampler), 1986. Quatre épreuves gélatino-argentiques, six plaques en plastique gravées. 83,8 x 264,8 x 1 cm l’ensemble. Collection Salon 94, New York. © Lorna Simpson




Ces voix, ainsi qu’une myriade d’autres, attestent une tendance critique à la fois plus flagrante et plus insidieuse que l’association d’images surdéterminée qui caractérise les analyses « orientées-objet » de la pratique de Simpson. Plus flagrante tout d’abord, parce que l’on s’inquiète peu d’amalgamer les créations entre elles, et de confondre l’ensemble de l’œuvre avec l’artiste, dont le statut représentatif met au jour une des caricatures rebattues du sujet noir : furieuse de sa victimisation, frustrée par le vide corporel et politique qu’implique sa condition, elle demeure pourtant déterminée à réifier les souffrances de son peuple pour le plaisir contrit de publics blancs. Cette tendance est plus insidieuse ensuite, nous semble-t-il, en raison de la manière dont ce type de jugements salue les efforts de l’artiste comme autant d’exercices d’autodiscipline réussis : l’horreur criante de la condition de la femme noire serait contrôlée et deviendrait acceptable grâce à la grille minimaliste, dont la force sublimatoire permettrait tout juste de travestir la vie noire en art noble.

Dans ces explications, tout se passe comme si ces deux derniers termes étaient par définition disjonctifs, et la notion « d’art afro-américain », une forme d’oxymore. On dira qu’il s’agit là d’une « scène d’instruction négative », que c’est le résultat du « racisme du monde de l’art », 17 ou encore on appellera cela l’école critique de la « confrontation discrète », pour donner un sens nouveau à l’épithète utilisé pour décrire l’art de Lorna Simpson, de Glenn Ligon, ou quantité d’artistes noirs, dans la mesure où leurs tactiques visuelles ne sont envisagées que comme des « méthodes blanches » transformées à la dernière minute pour exprimer une « expérience noire » à jamais figée. 18 Étrangement, tandis que l’establishment artistique reproduisait sur un plan discursif les formes de fossilisation que l’art de Simpson mettait en tension, de nombreux critiques se mettaient au même moment à en faire l’un des tenants du changement spectaculaire au sein de la production culturelle afro-américaine, lequel avait été occasionné par « la fin de la notion innocente de sujet noir essentialisé ». Nul doute qu’ils étaient éperonnés par les conceptualisations alors récentes de la version hybride du sujet noir. 19 En fait, Simpson avait été classée assez tôt dans les rangs des « post-nationalistes » et « post-libérés » d’un réseau d’artistes capables de louvoyer de manière cohérente entre les mondes « blanc » et « noir » : génération dont l’émergence avait été annoncée par le critique du Village Voice Greg Tate en 1986, en des termes qui révisaient par anticipation d’autres stratagèmes experts dans la manipulation des médias, visant à asseoir franchement la négritude au cœur des choses.

« Voici des artistes pour qui la conscience noire et la liberté artistique ne s’excluent pas mutuellement mais se complètent, pour qui la « culture noire » signifie une tradition multiculturelle de pratiques d’expression ; ils se sentent suffisamment à l’aise avec la culture noire pour affirmer que l’art produit par des non-Noirs fait partie de leur héritage. Il n’y a pas à s’angoisser sur des questions d’influences – ces gens puisent dans le patrimoine héréditaire sans complexes. Pourtant, bien que leur travail mette autant en question les nat[ionaux] cult[urels] que les snobs blancs, il ne faut pas s’attendre à les retrouver de sitôt dans Ebony ou Artforum. On n’en est pas encore là. » 20

Lorna Simpson, Easy fo Who to Say, 1989. Cinq polaroïds couleur, dix plaques en plastique gravées. 78,7 x 292,1 cm. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York. © Lorna Simpson



Trois. A, E, I, O, U. La deuxième édition du Webster’s New International Dictionary of the English Languague, définit la voyelle comme « un son prononcé à voix haute ou basse, caractérisée par la forme de résonnance des cavités vocales », dont l’énonciation impose une ouverture posturale du corps qui est empêchée dans la création de Simpson Easy for Who to Say [Facile à dire pour qui] en raison de l’image de la voyelle, qui opère un repli figural. Bien que les lettres qui cachent le visage du modèle convoquent une multiplicité de positions subjectives qu’il pourrait occuper (adultère, experte, ingénue, optimiste, une qui ne bronche pas), ces rêveries sont interrompues par les mots en rouge qui correspondent à chaque voyelle. « Amnésie, Erreur, Indifférence, Omission, Grossièreté » [N.d.t. : « Uncivil » en anglais] : ces mots la situent au contraire en-dehors du champ de la subjectivité. L’ironie réside dans ce que le I [N.d.T. la lettre I/« Je » en anglais] garde ici le rôle prépondérant, résistant à la chaine d’équivalences intrinsèques au langage afin de centrer l’œuvre et notre place en son sein sur l’affirmation de soi la plus élémentaire, désormais accomplie par un « moi » dont la présence est au mieux précaire.


Dans cette œuvre, le sens de la lettre, à l’instar de l’orientation du sujet, se comprend en des termes d’instabilité fondamentale, mais il n’est pas à l’abri de se voir imposer des significations réifiantes. Easy for Who to Say met donc en scène la difficulté de représenter le corps noir féminin (site d’invisibilité et de projection si fermement ancré dans l’imaginaire culturel américain) tout en conservant le sentiment poignant de l’absence constitutif de l’identité en tant que telle. Ainsi que l’avance Judith Butler dans un commentaire récent de l’œuvre du théoricien Ernesto Laclau, il n’est d’identité particulière qui puisse émerger sans en forclore d’autres, ce qui en garantit la dimension partielle et souligne l’incapacité de tout contenu spécifique, (qu’il s’agisse de race ou de genre), à la constituer pleinement. Cette « condition d’échec nécessaire… ne s’applique pas uniquement de manière universelle ; il s’agit également de ce “site vide et irréductible” que représente l’universalité même. » 21


Par conséquent, nous pourrions dire que Easy for Who to Say vise à « reconstituer la mise en scène de l’universel » : si les mots qui entourent les photographies mettent l’accent sur les façons dont les femmes noires se sont vu refuser l’accès à l’universel historiquement, alors l’effacement de la figure souligne que cette dernière partage son incomplétude structurale avec tous les autres sujets. Et par là, Simpson effectue un acte de « traduction culturelle », proposant une critique du racisme et du sexisme des universalismes précédents, en les contaminant par cette identité même dont l’abjection constituait le prédicat. 22


Lorna Simpson, Necklines, 1989. Trois épreuves gélatino-argentiques
deux plaques en plastique gravées. 174 x 177,8 cm. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York  © Lorna Simpson




En 2002, la critique Teka Selman suggérait dans sa lecture de Necklines (Décolletés) que de tels actes étaient au cœur de la procédure de l’artiste, « pour nous aider à admettre que la représentation n’est probablement pas une véritable représentation du “réel” »; au contraire, la représentation et véritablement une re-présentation ou une traduction de la subjectivité, et dans la traduction, quelque chose se perd. » 23 Mais aussi se gagne. Ce à quoi nous assistons dans Easy for Who to Say, comme dans Necklines, c’est la méthode par laquelle les spécificités du corps d’une personne (dans les deux cas, celui de Diane Alford, photographiée en 1989) deviennent le schéma qui donne forme à l’œuvre : le tombé de ses tresses et l’inclinaison de sa tête déterminent la forme d’une voyelle, des omoplates magnifiquement détourées nous font nous approcher du cou. 24 D’une Diane à l’autre, s’établit l’échelle de la « femme noire », de « l’humain » ; ses contours sont dérangés, sa subjectivité se traduit de manière à parler d’histoires qui sont et ne sont pas les siennes.




Quatre. C’est vers la fin de l’année 1992 que l’on assiste, ainsi que le veut l’histoire, à une lente disparition de la figure humaine dans l’art de Lorna Simpson. 25 Ou du moins cette absence ne pouvait s’expliquer comme une extension logique de ses thèmes établis auparavant, comme dans le cas du 1978-1988 de 1988. Ce phénomène ne pouvait pas non plus être écarté d’un revers de main comme une aberration négligeable au sein du corpus de l’artiste ; ce qu’atteste le trou noir critique qui absorba un joyau sans titre de 1989. Soudain privés du point d’ancrage exégétique du corps noir féminin, et désormais confrontés à des bréchets, des bougies, et à toutes sortes de synecdoques de plus en plus sculpturales en lieu et place de ce corps, plusieurs commentateurs rendirent compte du revirement apparent de Simpson en renversant les termes jusque-là appliqués dans l’analyse de sa pratique. Face à des œuvres comme Stack of Diaries, le critique David Pagel faisait remarquer que les enjeux de l’œuvre n’étaient plus des « problèmes sociologiques », mais des questions « esthétiques d’envergure » ; que l’œuvre opérait sur le mode de la « séduction », plutôt que de la « confrontation », et que la voix de Simpson se faisait désormais entendre par « murmures » plutôt que par « déclarations ». En conclusion de son analyse, Pagel trouvait cet art considérablement moins efficace, beaucoup « trop fade et générique », comparé à « l’énergie mordante de [ses] photographies antérieures. » 26


De haut en bas : — Lorna Simpson, 1978-1988, 1990. Quatre épreuves gélatino-argentiques, treize plaques en plastiques gravées contrecollées sur Plexiglas. 124,5 x 177,8 cm.
— Lorna Simpson, Stack of Diaries, 1993. Papier de lin photosensible, acier, verre gravé à l’eau forte. 76 x 40,5 cm.
— Lorna Simpson, Sans titre, 1989. deux épreuves gélatino argentiques, deux plaques en plastiqes gravées. 76 x 40,5 cm.
Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York. © Lorna Simpson




La conservatrice Thelma Golden, sans doute consciente de ce que de telles lectures pourraient facilement se transformer en réactions négatives, profita de l’occasion de l’achèvement de l’installation vidéo pluripartite Standing in the Water [Les pieds dans l’eau] pour exprimer son propre point de vue sur la tournure imprévue des événements. Et en fin de compte, pour demander tout haut à l’artiste ce que tout le monde se demandait tout bas. « La figure, votre figure de couleur, genrée, semble s’être retirée de votre travail. Notre collègue Kellie Jones, notre complice, historienne d’art et commissaire d’exposition, et moi-même plaisantions seulement à moitié à propos de ce changement en intitulant l’œuvre “Bye, Bye Black Girl”[« Adieu à la fille noire »]… 27 Mais je crois le comprendre, ce changement. Priver les regardeurs de la figure est-il une façon de les priver du seuil qui leur permettrait de « situer » ces questions de manière spécifique, de la même manière que vous leur refusiez l’accès au visage par le passé ? » 28


Lorna Simpson, Standing in the Water, 1994. Trois sérigraphies sur trois panneaux en feutre (chacun 152,4 x 365,8 cm), deux écrans vidéo (chacun 5,1 x 10,2 cm), dix panneaux en verre gravés (chacun 30,5 x 30,5 cm), son. Ensemble aux dimensions variables. Vue d’installation, Whitney Museum of American Art at Philip Morris, New York. © Lorna Simpson.


Réponse de Simpson ? « Pas vraiment… j’essaie seulement de travailler ces questions sans l’image d’une figure. Je m’intéresse toujours au corps. Le texte de cette création renvoie à des préoccupations à la fois personnelles et politiques. » 29 Parmi les préoccupations énumérées par les phrases qui se déroulent de haut en bas sur les deux petits moniteurs de l’installation, surimposées sur des images judicieusement aquatiques, figuraient la situation désespérée des Africains réduits en esclavage qui sautaient par-dessus bord, « la promesse des douches » faites aux Juifs en route pour les camps, et le souvenir de l’artiste de la « première fois qu’elle avait pissé dans l’océan ». Pour aller au-devant du spectateur, et ainsi dans un certain sens le préparer à de telles évocations, l’installation comprenait une bande-son de bruitages aquatiques et trois bandes de feutre d’environ 1,5 m sur 3,5 m, sur lesquelles étaient imprimées des images de la mer. Par-dessus, il y avait des carrés de verre figurant tous la même photographie d’une paire de chaussures, mais imprimée différemment à chaque fois, afin de reproduire des degrés divers de submersion. 30 En janvier 1994, moment de l’inauguration de l’exposition Standing in the Water au Whitney Museum at Philip Morris à New York, ces chaussures étaient les seules traces du corps qui avaient jusque-là aiguillé le travail de Simpson et qui devaient continuer à le hanter.

Il va sans dire que le mot d’esprit complice de Golden et de Jones n’était que l’indice discret de la réaction critique plus large qui avait accueilli l’abandon par Simpson de la figure. Néanmoins, à partir de 1995, les commentateurs de ses œuvres les plus récentes ayant pris davantage de recul par rapport aux premières acceptions du multiculturalisme, la série Public Sex [Sexe public], pouvait désormais se confronter aux nuances visuelles et historiques qui leur avaient échappé jusque-là.


Lorna Simpson, The Park, 1995. Sérigraphie sur six panneaux en feutre, avec deux panneaux de texte en feutre. 170,2 x 172,8 cm. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York. © Lorna Simpson.


Lorna Simpson, The Park, 1995 (panneau de texte)




En effet, de nouveau imprimées sur feutre et combinées avec du texte, ces sérigraphies disposées en grille semblaient appeler ce type de contemplation attentive, leur échelle panoramique évoquant des récits cinématographiques, et le rendu voluptueux de leur surface rimant avec les activités clandestines auxquelles elles ne faisaient allusion que pour mieux les recouvrir. Heartney, pour sa part, salua ce départ, voyant une tonalité majestueusement métaphorique dans des créations comme The Park, et un message largement inclusif : « La question raciale, thème jusqu’ici prépondérant dans le travail de Simpson, passe désormais au second plan… [et] les œuvres évoquent un sens plus universel de mélancolie. » 31 Toutefois, la plupart des critiques fut remarquablement moins bien disposée, suggérant, à l’instar de Robert Mahoney, « qu’encore une fois, Simpson jouait avec les interstices existant dans les modes d’assignation de sens à des sujets brûlants, mais l’idée se voit amoindrie par son approche “tout ennuyeux—tout beau” ». 32

L’aspect le plus éclairant, quoique déroutant, de ces réactions, c’est qu’apparemment le bannissement de la figure commandait une brusque bifurcation du projet critique de l’art de Simpson : soit on louait son « nouvel » intérêt pour l’universel, soit on le trouvait insuffisant, privé de tout énoncé substantiel en matière de politique identitaire. Et pourtant, si la pratique de Simpson s’est préoccupé d’un sujet précis, c’est bien celui du statut du corps et des conséquences de ses modes divergents de perception de soi à l’œuvre dans la constitution du sujet de la femme noire. Comme l’avance la théoricienne Kaja Silverman dans l’ouvrage The Threshold of the Visible World, chacun d’entre nous vient à s’appréhender en tant que soi non seulement par la rencontre jubilatoire de notre propre image, selon le récit célèbre de Jacques Lacan dans le Stade du miroir, mais aussi, comme le maintient le psychanalyste Henri Wallon, par la somme de nos contacts physiques avec le monde, qui créent une identité corporelle apposée, rattachée aux sensations tactile, cutanée, et érotogène. Silverman nomme respectivement ces deux schémas « l’imago visuel » et « l’ego sensoriel »; en dépit de leur disjonction initiale nécessaire, leur séparation ultérieure « ne semble pas produire d’effets pathologiques ». 33 Il est alors tentant d’insister sur la fissure qui semble parcourir le travail de Simpson, grâce à la terminologie que nous propose Silverman, et de supposer que Guarded Conditions, par exemple, examine le premier registre, par sa présentation impitoyablement frontale de l’image corporelle, tandis que The Bathroom , ajout de 1998 à la série Public Sex, investit le second.


Lorna Simpson, The Bathroom, 1998. Sérigraphie sur quatre panneaux en feutre, avec un panneau de texte en feutre. 133,4 x 133,4 cm. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York. © Lorna Simpson.


Lorna Simpson, The Bathroom, 1998 (détail, panneau de texte)




Or selon nous, ce serait source de malentendu. Car c’est la coexistence difficile de ces modes qui est en jeu dans l’art de Simpson, où l’un nuance, sape, attaque continuellement l’autre. Écoutons la manière dont elle légende sournoisement son travail plus récent : « Il y avait cinq cabines. Dans la deuxième, il y avait trois jambes ». Ces corps entrelacés ne se révélaient au narrateur que sous la forme d’un étrange monstre à trois jambes et à deux dos, nécessitant de traduire cette apparence en une grammaire des relations corporelles, bien que même ce compte-rendu ne procure qu’une relation minimale à l’image elle-même, qui présente la métastase de la faille entre la vision et le toucher intervenant dans l’élaboration de l’expérience subjective. Ici, la prolifération des surfaces réfléchissantes (miroirs, carreaux, portes) déclenche une salve de réflexions mises en doutes par le flou sans concessions laissé précisément par le matériau sur lequel elles sont imprimées : dans The Bathroom, il ne nous reste que le feutre et le fantasme sur les lieux du crime photographique. Regardons alors Guarded Conditions à nouveau, notamment le contact changeant du modèle avec elle-même ; son inscription dans une intégrité posturale, dans un « fait de possession » corporel, est en décalage avec la désarticulation de son image causée par la grille. Là aussi, nous sommes mis face aux traces d’une scène accessible au regard et sujette à recevoir nos projections certes, mais qui ne parvient à nous raconter que la moitié de l’histoire.


Lorna Simpson, The Bed, 1995. Sérigraphie sur quatre panneaux en feutre, avec un panneau de texte en feutre. 182,9 x 114,3 cm. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York. © Lorna Simpson.




Lorna Simpson, The Bed, 1995 (panneau de texte)


Ces œuvres, qui sont les deux côtés d’une même pièce, soulignent le caractère glissant de notre emprise sur le monde, en tant qu’elles ne referment pas la faille de la perception, que certains explorent avec plus d’aisance que d’autres. Comme nous le rappelle Silverman, et comme nous l’enseigne Frantz Fanon, la malédiction spéculaire du sujet noir 34 réside non seulement dans la reconnaissance de cette disjonction, mais aussi, d’une certaine manière, dans le fait de l’habiter afin de protéger l’ego corporel face aux images désidéalisantes de la négritude qui encombrent le paysage culturel et collent à la peau noire. « Aucune chance ne m’est permise, nous dit-il. Je suis sur-déterminé de l’extérieur. Je ne suis pas l’esclave de “l’idée” que les autres ont de moi, mais de mon paraître. » 35 Dans le texte apposé à The Bed, dans une langue dont la politesse enjouée n’a d’équivalent que la « superbe de son agacement », 36 Simpson nous révèle ce que signifie, lors d’une soirée passée à l’hôtel, le fait d’être à ce point « sur-déterminée de l’extérieur », en signalant la manière dont ces syntaxes que sont la couleur de peau, la classe, et le privilège perturbent et définissent instantanément la connaissance que nous avons de notre être réel. « Il est tard, on décide de prendre rapidement un verre avant de se coucher à l’hôtel, où l’on s’était enregistré le matin même. La sécurité de l’hôtel est intriguée, et vient frapper à la porte pour savoir ce qui se passe. Compte tenu du cadre, nous soupçonnons que nous avons peut-être enfreint la règle « pas-trop-de-personnes-bronzées-à-la-fois ». Le degré d’intimité dépend de l’étage où l’on se trouve : si l’on est dans la suite penthouse on est à peu près sûr d’être tranquille, mais au 6e ou au 10e étage, quelqu’un viendra frapper à la porte. » Contrairement à l’avis des critiques, c’est cette voix désincarnée, animée par la rhétorique du paraître et articulée aux réalités du désir, qui se manifeste partout dans la série Public Sex, et qui revient nous séduire, par l’affirmation de la présence d’une femme noire qui se maintient, malgré que que sa figure soit devenue fantomatique.


Kiki Smith, Pee Body, 1992.
Cire et perles en verre. 68.5 x 71.1 x 71.1 cm. Installation dimensions variables
© Kiki Smith, courtesy Pace Gallery. Photograph courtesy Pace Gallery




Cinq. « Ce qui me pose le plus problème… c’est ce truc à propos de la figure noire… à quel point l’espace qu’elle occuppe se trouve « politisé ». Par exemple, quand Kiki Smith réalise des créations sur le corps ; elle peut faire une sculpture en résine ou en verre, qui a une teinte rosâtre, vaguement caucasienne, et on interprète son travail comme un discours universel sur le corps. Mais quand c’est moi qui parle du corps, c’est forcément du corps noir… Mais en même temps, le corps noir est une figure universelle… » 37

Ce vers quoi nous tendions au cours de ces « observations maniéristes » 38 revient simplement à ceci : en dépit de sa déconstruction implicite du particulier et de l’universel, du visuel et du sensoriel, notions si centrales au sein de toute entreprise esthétique, ces notions ont souvent policé l’art de Simpson, dépassé par un spectre racial qui dépouillerait le sujet de tout contenu, excepté celui qui est projeté sur sa surface. Mais cela n’est vrai que jusqu’à ce que le corps de la femme noire soit devenu aussi fantasmatique dans son art que dans l’imaginaire des discours qui l’avaient effectivement précédé. Cet art, caractérisé par la récurrence, la répétition, et en phase avec sa propre historicité, met ainsi au jour une posture de différence qui anime de manière cohérente le « changement du même » de la culture afro-américaine. En effet, ainsi que le dévoile Guarded Conditions, c’est notre sort que d’être happés dans le sillage assombrissant qui rend le sujet noir d’aujourd’hui, comme celui d’autrefois, irrémédiablement « postblack ». 39 Nous voulons avancer qu’il est possible d’appréhender les complexités de l’œuvre de Simpson, sa relation au « politique », ses écarts stratégiques et ses capitulations, uniquement à condition de se confronter à l’imbrication des catégories « noir » et « blanc », duo infernal qui non seulement constitue le terrain sur lequel l’art « afro-américain » est prédiqué, mais qui bouleverse également le sens de la modernité lui-même. Bien sûr, et cela ne surprendra personne, on n’en est pas encore là.


Huey Copeland, 2005 [Texte révisé par l’auteur en 2013]
Traduction : Vanina Géré, 2013

Visuel en page d’accueil : Lorna Simpson, Untitled (Prefer, Refuse, Decide), 1989. Courtesy l’artiste et Sean Kelly Gallery, New York. © Lorna Simpson




Cet article a fait l’objet d’une première publication en anglais par College Art Association dans le numéro Été 2005 d’Art Journal, Vol. 64, No. 2, pp. 62-77. Il fait suite à un discours prononcé lors de la conférence annuelle de 2004 organisée par College Art Association. Ce fut ma première tentative pour penser la pratique de Lorna Simpson, à l’occasion d’une table ronde organisée par Darby English, et qui s’intitulait « La représentation après la représentativité : problèmes de l’art “afro-américain” aujourd’hui ». J’adresse mes remerciements à Darby English, qui m’a permis de participer à cette conversation, ainsi qu’à Naomi Beckwith, Gareth James, Glenn Ligon, Eve Meltzer et Alexandra Schwartz pour leurs commentaires judicieux sur les versions antérieures de ce texte. Celui-ci n’aurait pu aboutir à la présente version sans l’aide infatigable (et enjouée) de Amy Gotzler, de la Sean Kelly Gallery, New York. Ma recherche a également bénéficié du précieux soutien de la bourse universitaire ACLS, avec un financement de la Fondation Henry Luce. Par-dessus tout, je remercie Lorna Simpson pour sa générosité, ses encouragements et les exemples toujours stimulants qu’elle a pu me fournir.



Huey Copeland vit à à Chicago. Il est historien d’art, critique et commissaire d’exposition. Son travail se concentre sur l’art moderne et contemporain, avec un accent sur la manière dont s’articulent les problématiques de la négritude dans le domaine des arts visuels aux Etats-Unis. Actuellement Associate Professor en histoire de l’art à Northwestern University (Evanston, IL, USA), il a notamment publié dans Art Journal, Artforum, Callaloo, Qui Parle, Representations, et Small Axe, parmi d’autres. Son livre Bound to Appear : Art, Slavery, and the Site of Blackness in Multicultural America , qui enrichit et remanie le présent article dans un chapitre consacré à Lorna Simpson, doit paraître cet automne et sera publié par University of Chicago Press.

Vanina Géré est docteure en Études anglophones, diplômée de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 (2012). Spécialiste d’art américain contemporain, elle a réalisé une thèse de doctorat intitulée L’Oeuvre de Kara Walker (1994-2009): Stratégies figuratives. Elle a publié des articles et chapitres d’ouvrages portant sur l’oeuvre de Walker. Agrégée d’anglais, elle est également critique d’art et traductrice en freelance (Artpress, Villa Gilet).

References[+]