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Pablo Ortiz Monasterio : un après-midi avec Don Manuel (FR/ES)


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Don Manuel Álvarez Bravo est sans doute l’un des grands artistes du XXe siècle. Ses photographies révèlent un regard fin et profond. Photographe, il était aussi mélomane, collectionneur et un maître d’un naturel aimable et d’un caractère fort, héritier de la tradition du haut plateau mexicain.

Je l’ai connu en 1975 à la Photographers’ Gallery de Londres, alors que je n’étais qu’un étudiant et lui une vedette internationale. J’ai aimé sa manière de sourire. Je n’ai cessé depuis de regarder son travail : je trouve à chaque fois de nouvelles choses dans les mêmes photos, comme si elles renfermaient de multiples couches qui se révèlent par une observation patiente et assidue.

Au début des années 1980, j’ai retrouvé Don Manuel au comité éditorial de la collection « Río de Luz » du Fondo de Cultura Económica. J’ai eu l’occasion de l’écouter et de discuter avec lui, j’ai cultivé son amitié.

J’ai toujours eu l’impression que Don Manuel s’entendait mieux avec les femmes. C’est Graciela Iturbide, son amie, consœur et élève la plus brillante, qui m’a introduit dans le monde intime du maître. Nous lui rendions visite dans son atelier du quartier de l’Enfant Jésus à Coyoacán. On parlait de photographie et d’art, il nous faisait écouter des œuvres musicales (toujours à bon escient), il nous montrait quelques photos qu’il venait de tirer ou une nouvelle pièce dans sa collection de gravures. Des après-midi délicieux et enrichissants.

L’atelier de Don Manuel était une maison de village qu’il avait aménagée et peinte en bleu. Autour de la cour, il y avait un atelier haut de plafond pour la photo et pour écouter de la musique, une chambre noire d’où sont sortis des joyaux qu’il tirait avec la plus grande dévotion, et plusieurs autres pièces.

Don Manuel disposait, sur les rebords des fenêtres et sur des tables, des objets apparemment disparates, une petite photo, une boîte d’allumettes, une pile, un singe préhispanique, une pierre… En les disposant ensemble, il attribuait aux objets un rôle nouveau. Ils devenaient des symboles et Don Manuel les utilisait comme des hiéroglyphes pour raconter des histoires. Ils étaient étranges et beaux.

À l’occasion d’une visite, j’ai fait remarquer qu’il serait intéressant de documenter ces « autels ». Sans se départir de ses manières aimables, il m’a dit non, que ça n’en valait pas la peine. Et on n’en a plus reparlé. Des mois ou des années s’étaient écoulés quand un après-midi de 1989, Don Manuel m’appelle pour m’inviter à faire quelques photos. Il n’explique pas quelles photos il veut, mais je pars tout content avec mon appareil et le plein de rouleaux pour le quartier de l’Enfant Jésus. Nous nous asseyons dans les fauteuils de la cour et il me propose de photographier les choses. Je suis flatté et prêt à faire un enregistrement précis de tous les objets. Je fais quelques portraits dans la cour, nous nous rendons dans la première pièce, il m’accompagne et regarde ce que je fais, quand nous arrivons à la table principale, il sort des petites photos d’une petite boîte et les place sur le massicot, il dispose une figure préhispanique dans une coquille et dit quelque chose à propos de la Vénus de Botticelli. Je prends des photos sans trêve, tout est séduisant, tout paraît éloquent, je ne m’arrête que pour changer le rouleau de pellicule et de sa voix aimable il me dit : bon… alors… ça y est, nous avons quelques photos, n’est-ce pas ?

Je le regarde abasourdi, c’est clair qu’il n’y a pas à discuter, moi qui pensais prendre des centaines de photos… je me risque à demander encore deux photos, une dans le laboratoire et une autre dans l’atelier photographique, très bien, répond-il, encore deux négatifs. J’ai compris des années plus tard que ce jour-là le maître enseignait au jeune que pour photographier il faut prendre le temps de regarder. Ce livre est un hommage discret à un grand de notre temps : Manuel Álvarez Bravo.

Pablo Ortiz Monasterio, 2012.
Traduction de l’espagnol : Divina Cabo




Pablo Ortiz Monasterio : Una tarde con Don Manuel

Don Manuel Álvarez Bravo es sin duda uno de los grandes artistas del siglo XX, sus fotografías revelan una mirada fina y profunda. Fue, además de fotógrafo, melómano, coleccionista, y maestro, de trato amable y carácter fuerte, heredero de la tradición del altiplano mexicano.

Le conocí en 1975 en la Photographers Gallery de Londres, yo era estudiante y él una estrella internacional, me gustó su manera de sonreír. Desde entonces, miro su trabajo con regularidad, encuentro novedades en las mismas fotos, como si tuvieran múltiples capas que se van revelando en la observación paciente y acuciosa.

Al inicio de los años 80 coincidí con Don Manuel en el comité editorial de la colección Río de Luz del Fondo de Cultura Económica, tuve oportunidad de escucharlo y charlar con él, cultivé su amistad.

Me queda la impresión que a Don Manuel le caían mejor las mujeres. Graciela Iturbide, su amiga, colega y alumna más destacada, me introdujo al mundo íntimo del maestro. Lo visitábamos en su estudio del bario del Niño Jesús en Coyoacán, se platicaba de fotografía y arte, nos hacía escuchar obras musicales (siempre con un propósito), nos mostraba alguna foto recién impresa o una novedad en la colección de grabados. Tardes deliciosas y aleccionadoras.

El estudio de Don Manuel era una casa de pueblo que adaptó y pintó de azul. Alrededor del patio había un estudio con techos altos para la foto y escuchar música, un cuarto obscuro donde se produjeron joyas que imprimía con gran devoción y varios cuartos más.

Don Manuel acomodaba, en pretiles de ventanas y mesas, objetos aparentemente disímbolos, una fotito, una caja de cerillos, una pila, un mono prehispánico, una piedra… Al acomodar y reunir objetos les asignaba un nuevo rol, se convertían en símbolos, los usaba como jeroglíficos para contar historias. Eran intrigantes y hermosos.

En alguna de las visitas comenté que sería interesante documentar aquellos “altares”, con sus formas amables me dijo que no, que no valía la pena. No se volvió a hablar del asunto. Pasaron meses, quizá años y en una tarde de 1989, Don Manuel me llama para invitarme a hacer unas fotos. No explica que fotos quiere, pero voy feliz con mi cámara y un bonche rollos rumbo al barrio del Niño Jesús. Nos sentamos en los equipales del patio y me propone fotografiar las cosas. Me siento halagado y dispuesto a hacer un registro puntual de todos los objetos. Hago unos cuantos retratos en el patio, pasamos al primer cuarto, me acompaña y mira lo que hago, cuando llegamos a la mesa principal, saca unas pequeñas fotos de una cajita y las pone sobre la guillotina, acomoda una figura prehispánica en una concha y algo dice de la Venus de Botticelli. Hago fotos sin tregua, todo es atractivo, todo resulta elocuente, me detengo solo para cambiar el rollo de película y con su voz amable me dice: bueno… pues… ya está, ya tenemos alguna foto, no?

Lo miro con azoro, es claro que no es un asunto a discusión, yo pensaba tomar cientos de fotos… me animo a solicitar dos fotos mas, una en el laboratorio y otra en el estudio fotográfico, muy bien, responde, dos negativas mas. Años mas tarde entendí que en ese momento el maestro enseñaba al joven que para fotografiar hay que detenerse y mirar. Este libro es un discreto homenaje a un grande de nuestro tiempo: Manuel Álvarez Bravo.

Pablo Ortiz Monasterio, 2012.

Biographie

Né à Mexico en 1952. En tant qu’éditeur il a réalisé trois projets depuis 1978 : México Indígena (sept volumes), Río de Luz (20 volumes) et Luna Córnea (quinze volumes). Il a récemment édité le livre Frida Kahlo, sus fotos, publié en cinq langues. Il est le fondateur du Centro de la Imagen, à Mexico. Il a également publié une douzaine de livres de son travail photographique. En 1996, il a publié La ultima ciudad avec un texte de José Emilio Pacheco, pour lequel il a reçu en 1998 le prix du Meilleur livre photographique décerné par le Festival La primavera fotogràfica de Barcelone et le Golden Eye du Festival des Trois Continents en 1997. En 2000, il réalise Dolor y Belleza, un ouvrage consacré à un chirurgien de la Renaissance, publié chez Américo editores.

Nace en Ciudad de México en 1952. Como editor, ha realizado tres proyectos desde 1978: México Indígena (siete títulos), Río de Luz (veinte títulos) y Luna Córnea (quince títulos). Recientemente editó el libro Frida Kahlo, sus fotos publicado en cinco idiomas. Es fundador del Centro de la Imagen en Ciudad de México. Ha publicado doce libros con su trabajo fotográfico. En 1996 publicó La ultima ciudad con un texto de José Emilio Pacheco por el que recibió el premio al Mejor libro fotográfico del festival La primavera fotográfica de Barcelona, 1998 y el Ojo de oro del Festival des Trois Continets, 1997, Francia. En el año 2000 publicó Dolor y Belleza, libro sobre un cirujano del Renacimiento publicado por Américo editores.

Liens

Manuel Álvarez Bravo au Jeu de Paume
La sélection de la librairie
Pablo Ortiz Monasterio « The Last City »