— Bibliothèque idéale
L’Empreinte et le réel.
Lecture musicale de la structure des arbres de Giuseppe Penone.


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L’empreinte est l’une des premières formes d’enregistrement du réel utilisée par l’homme, des peintures rupestres à cette légende qui veut que la première image de l’humanité soit l’ombre projetée d’un être aimé, tracée au charbon sur le mur d’une chambre. L’empreinte visuelle est liée au développement de la photographie, et de l’art en général. Les cyanotypes, les daguerréotypes, et même la pellicule, tout est empreinte en photographie.

Lecture musicale de la structure des arbres, de Giuseppe Penone, propose une autre forme d’empreinte. Publié à l’occasion de l’exposition « La Nature Instrumentalisée » au musée municipal de Louviers en 1999, le livre est une recension de dix-neuf essences d’arbres, accompagnés de la partition du son produit par frottement, tâtonnement, coup, sur son tronc et ses branches. Le tout est accompagné de descriptions telles que celle-ci :

« Si l’on parcourt le chemin qui serpente le long de la crête du mont, on entend un bruissement sec produit par le frottement du bois ; Le vent est constant et il produit le bruit oscillant et continu contre une branche de gros châtaignier comme si c’était un violon ».

Car à titre d’enregistrement du réel, Penone propose une empreinte sonore. Comme une façon de recréer l’émotion ressentie en marchant en forêt, quand aussi bien la vue que l’ouïe sont sollicitées. Mais cette empreinte n’est pas médiatisée par un dispositif technique, comme le ferait un appareil photo ou un magnétophone, mais simplement par un des outils les plus anciens de l’humanité : la trace écrite. On retrouve l’archéologie du terme, lorsque seul l’outil manuel permettait de garder une impression du réel.

Le travail de Penone dans ce livre est donc, sans en avoir l’air, une réflexion sur la nature de l’art, puisqu’il déplace le geste musical dans un contexte de réception esthétique de la nature. Le fait que ce livre, en édition très limitée, ne soit pas largement diffusé alimente là encore le questionnement sur l’empreinte, qui ne peut par définition être reproduite indéfiniment. Par la démarche poétique, Penone nous invite donc à considérer la manière dont nous usons du réel pour produire des arts, qu’ils soient photographiques, musicaux, ou sensoriels.



Camille Moreau



Quelques exemplaires de ce livre rare sont disponibles
sur le site de la librairie du Jeu de Paume.