— Portfolio
Véronique Ellena :
Les choses-même (FR)


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Parlant de son parcours, Véronique me racontait ses premières images – des photos romans – et son passé de jeune fille punk qu’on pourrait croire englouti dans une image plus lisse et sans aspérités de femme moderne. Mais il ne faut pas s’y méprendre : l’apparente fragilité de ses images cachent une violence latente qui emploie le langage formel de la photographie pour parler fort des choses essentielles.

Le travail de Véronique Ellena est celui d’un observateur patient qui se découvre au travers de séries. Ses objets-mémoire traduisent son obsession de fixer une certaine réalité au plus près. D’où les détails choisis dans leurs apparentes évidences, objets de tous les jours, natures mortes, vêtements, fragments de corps. Des antidotes modestes à une overdose d’un monde contemporain souvent agressif. Ses images parlent de la photographie, du plaisir qu’elle procure, de la jouissance qu’elle lui donne.

Au fil d’une quinzaine d’années, Véronique Ellena a recomposé une véritable iconographie de la vie contemporaine. Elle s’attache à cerner des fragments de réalité dans chacune de ses photographies, montrant que les sujets du quotidien offrent en permanence tous les matériaux nécessaires pour construire un langage poétique d’une richesse inouïe.

Les dimanches, Les grands moments de la vie, Les classiques cyclistes, Ceux qui ont la foi, Nature morte, L’Argent, autant de représentations de mythologies quotidiennes enrichies de valeurs de permanence, d’éternité ou simplement d’immobilisation temporelle qu’accentue encore son travail très spécifique de photographe. Véronique Ellena fait peu d’images, toujours à la chambre avec des prises de vues frontales, le plus souvent réalisées à la lumière du jour, de longs temps de poses et tirées en grand format.

La série Les invisibles a été réalisée en 2009 à Gènes, Rome et Turin. Des photographies de sans-abris à l’aube. Au centre, il y a les corps. C’est d’eux qu’il s’agit dans ses vues de monuments, dans les plis des draps qui les recouvrent ou sur les couvertures qu’ils ont délaissées depuis peu. Ces corps physiques sont aussi un corps social, en situation. Il y a bien quelqu’un dans cet anonymat, un semblable qui vit dans les villes pris entre la précarité et l’isolement.

Avec Les choses mêmes, Véronique Ellena ouvre la porte de la photographie pour y faire rentrer les bruits de son enfance, y retenir la vie. Fille unique, elle est retournée à Bourg-en-Bresse à la mort de sa mère pour vider la maison familiale. Elle y a retrouvé des objets sans qualité chargés de mémoire – bocaux de fruits à l’alcool et au sirop, torchons de cuisine, lunettes de soleil, paires d’escarpins rouges, robe blanche de mariée -. Elle les a mis en scène à la manière de vanités contemporaines. Toute la force de la série tient en effet en ce qu’elle ne photographie pas des objets, ni des lieux ni des instants mais des rapports où sont pris les objets, les lieux et le temps. Avec cette tentative d’inventaire et d’épuisement d’une portion de vie, Véronique Ellena prend une posture presque conceptuelle, proche de l’abstraction évoquant parfois la spiritualité d’un Mondrian.

Françoise Docquiert, 2012

Véronique Ellena est née à Bourg en Bresse. Après une première année à l’Ecole des Beaux Arts de Nancy et de Dijon, elle intègre l’Ecole Nationale Supérieure des arts Visuels de la Cambre à Bruxelles dans la section photographie, formation qu’elle complètera par u post-diplôme à l’Ecole nationale supérieure des Beaux Arts de Nantes. Lauréate de nombreux prix et résidences, elle est en 2008 pensionnaire de la Villa Médicis. Son travail a fait l’objet de présentations partout dans le monde dans des expositions collectives ou solos. Véronique Ellena est représenté par la galerie Alain Gutharc. Sa série Les choses même est actuellement exposée à H2M – Espace d’Art Contemporain, Bourg-en-Bresse, suite à une résidence. Elle vit et travaille aujourd’hui à Paris.

Liens

Véronique Ellena, site de l’artiste
Véronique Ellena, Galerie Alain Gutharc