— Portrait filmé
Eva Besnyö, 1910-2003 : l’image sensible


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Marion Beckers et Elisabeth Moortgat, commissaires de l’exposition « Eva Besnyö : l’image sensible » au Jeu de Paume, puis Iara Brusse, fille d’Eva Besnyö et responsable de la collection éponyme, retracent le parcours d’une photographe indépendante et engagée.

Quand je me déplace avec mon appareil photo, je vois les choses. Avec un sac à provisions, je passe à côté de tout.
Eva Besnyö1

Eva Besnyö : éléments biographiques

1910 Eva Marianne Besnyö naît le 29 avril à Budapest. Elle est la deuxième des trois filles de l’avocat Béla Blumengrund (plus tard Besnyö, 1877-1944) et de son épouse Ilona Kelemen (1883-1981).
1928-1930 Eva Besnyö est en apprentissage chez József Pécsi (1889-1956), célèbre photographe de Budapest. Elle reçoit de son père un Rolleiflex 6 x 6 cm. C’est avec ce type d’appareil qu’elle photographiera jusqu’en 1969. En tant qu’élève de Pécsi, elle participe à l’exposition « L’Art du livre et de la publicité » au musée des Arts décoratifs de Budapest. Le 11 septembre 1930, elle passe son diplôme et part ensuite pour Berlin, où elle retrouve l’artiste György Kepes qui travaille dans l’atelier de László Moholy-Nagy.
1930-1931 Du 1er novembre au 14 janvier, Eva Besnyö travaille comme stagiaire dans l’atelier du photographe publicitaire berlinois René Ahrlé.
1931 Du 1er février au 1er juillet, elle fait un stage chez le photographe de presse berlinois Peter Weller. À la fin de l’été, elle loue un atelier avec labo photo et se met à son compte ; elle travaille alors avec l’agence Neofot.
1932 Au début de l’année, elle entame une relation amoureuse avec John Fernhout, de trois ans son cadet. Celui-ci enseigne à Berlin à l’école Agfa. Du 20 au 29 juin, ils se rendent à la mer Baltique. Après des vacances en Hongrie, Eva Besnyö déménage au mois d’octobre aux Pays-Bas, où elle est accueillie dans le cercle de la femme peintre Charley Toorop, la mère de son ami John Fernhout. Elle s’installe avec John à Amsterdam.
1932-1933 Charley Toorop peint la toile De Maaltijd der Vrienden (Le Repas des amis) sur laquelle figurent Eva Besnyö et John Fernhout. Eva joue le rôle principal dans le court-métrage Puberteit (Puberté) de Hans Sluizer ; John Fernhout tient la caméra.
1933 Du 11 au 30 mars, Eva Besnyö a sa première exposition personnelle au Kunstzaal Van Lier, une galerie d’art moderne à Amsterdam. Le 25 juillet, Eva Besnyö et John Fernhout se marient. Du 25 novembre au 17 décembre, elle expose à Utrecht dans l’immeuble de la société Voor de Kunst. L’exposition est inaugurée par le designer et architecte Gerrit Rietveld.
vers 1933 Eva Besnyö devient membre de l’association des Arbeidersfotografen (Photographes ouvriers).
1934 À Amsterdam, son mari l’introduit dans un cercle d’artistes et d’intellectuels politiquement engagés, réunis autour de la peintre Charley Toorop et du réalisateur Joris Ivens. Une exposition personnelle à la Kunstzaal van Lier la fait connaître au sein du monde de l’architecture.
1935-1939 À partir de novembre, avec le photographe Carel Blazer et l’architecte Alexander Bodon, Eva Besnyö loue une maison qui devient un lieu de rencontre pour photographes et artistes ; elle y vit jusqu’en 1939.
1935 Des architectes, membres notamment du Groupe de 8, lui passent commande de photos d’architecture qui sont publiées principalement dans la revue de 8 en Opbouw.
1936-1937 Elle devient membre du Bond van Kunstnaars ter Verdediging van de Kulturele Rechten (BKVK – Fédération des artistes pour la protection des droits culturels). Elle participe à l’exposition « D.O.O.D. » (Les Olympiades sous la dictature) organisée par la BKVK. Eva joue un rôle majeur dans l’organisation de l’exposition internationale Foto ’37 au Stedelijk Museum d’Amsterdam, également sous l’égide de la BKVK. Fin 1937, rupture de son union avec John Fernhout. Le divorce ne sera officiel qu’en 1945.
1938 Début de sa relation avec le designer Wim Brusse (1910-1978).
1941-1944 Suite au décret frappant les journalistes, Eva ne peut plus publier sous son propre nom à partir de mai 1941, car elle est juive. Ses photos paraissent donc sous le nom de Wim Brusse. Elle gagne sa vie essentiellement en réalisant des portraits et en donnant quelques cours. En 1942, par l’intermédiaire de Willem Sandberg, elle obtient des faux papiers. Elle soutient par ailleurs le travail illégal de la PersoonsBewijzenCentrale (PBC, Centrale des papiers d’identité). Fin 1942, elle devient clandestine, en alternance à Rotterdam et Broek, dans le Waterland. En 1944, elle est “aryanisée”.
1945 Le 20 mai, naissance de Berthus, fils d’Eva Besnyö et Wim Brusse. Elle épouse Wim Brusse. Eva participe à la mise en place de la section photographie à la fédération De Gebonden Kunstenaars federatie (GKf, Fédération des arts appliqués).
1948 Le 1er septembre, naissance d’Iara, fille d’Eva Besnyö et Wim Brusse.
1949 Sortie du livre de Paul Bromberg, Alarm, een verhaal voor de jeugd (Alarme, une histoire destinée à la jeunesse), inspiré et illustré par 15 photos d’Eva Besnyö.
1952 Eva Besnyö, Wim Brusse et leurs enfants s’installent Vondelstraat 92 à Amsterdam. Le Stedelijk Museum d’Amsterdam montre l’exposition « Photographie » avec Eva Besnyö, Emmy Andriesse, Carel Blazer et Cas Oorthuys. À la Weltausstellung der Photographie (Exposition internationale de photographie) au Kunsthaus de Lucerne, Eva Besnyö est primée.
1953 Elle participe à l’exposition « Post-war European Photography » au Museum of Modern Art de New York.
1955-1956 Participation à l’exposition « The Family of Man » au Museum of Modern Art de New York.
1957 Elle obtient une médaille d’or à la 1a Mostra internazionale Biennale di Fotografia de Venise.
1959-1961 Reportages sur les visiteurs de musées, notamment au Rijksmuseum et au Stedelijk Museum d’Amsterdam.
1968 Eva Besnyö et Wim Brusse divorcent.
1969 Eva Besnyö est chargée de réaliser un diaporama sur le musée Kröller-Müller d’Otterloo et acquiert à cette occasion un appareil 24 x 36 mm Leica SLR.
1970-env. 1975 Elle devient membre actif du mouvement des “Dolle Mina” et en photographie les actions.
1972 Die Rijksadviescommissie Gebonden Kunsten (Commission nationale pour les arts appliqués), composée de Will Bertheux, Benno Premsela, Bertie Stips et Eva Besnyö, établit une liste de 12 artistes dont Eva Besnyö doit réaliser les portraits.
1974 Le conseil d’administration du Stichting Amsterdam Fonds voor de Kunst confie à Eva Besnyö et Onno Meeter la mission de photographier “la femme dans la société moderne”. Eva Besnyö photographie des femmes exerçant des métiers traditionnellement masculins (par exemple capitaines, conducteurs de tram…).
1981 Le 22 juin, Eva Besnyö participe, au Museum Fodor d’Amsterdam, au débat sur le thème “Usage esthétique et pratique de la photographie”. Parmi les intervenants : Martin Schouten (président), Flip Bool, Maurice Boyer, Willem Diepraam, Paul Huf et Max Koot.
1982 Le 25 mars, inauguration de la rétrospective ’n halve eeuw werk (L’oeuvre d’un demi-siècle) au Musée historique d’Amsterdam. Parallèlement les éditions Sara sortent, sous le même titre, un livre avec un texte de Carrie de Swaan. L’exposition se tient en octobre et novembre au Gemeentemuseum d’Arnheim. Le 1er avril, le programme féministe VARA Kijk Haar diffuse le portrait Eva Besnyö, ’n halve eeuw werk (idée et réalisation de Carry van Lakerveld et Hedda van Gennep).
1985 La revue Opzij lui décerne le Prix Annie-Romein pour sa “contribution particulière à l’historiographie du deuxième mouvement féministe que les mots n’auraient pas réussi à rendre ainsi”.
1994 Elle reçoit le Prix Piet-Zwart de la Fédération professionnelle des designers néerlandais (bNO). À l’occasion de la remise du prix, Eva Besnyö rassemble pour une exposition des photos de la collection du Stedelijk Museum d’Amsterdam. Eva Besnyö participe à l’exposition Fotografieren hiess teilnehmen. Fotografinnen der Weimarer Republik (Photographier signifiait participer. Les femmes photographes dans la République de Weimar) au Museum Folkwang à Essen, à la Fundació “La Caixa” de Barcelone, au Jewish Museum de New York et au Fotomuseum de Winterthur.
1999 Le 31 octobre, à Berlin, elle reçoit le Prix Dr Erich Salomon (créé en 1971 par la Deutsche Gesellschaft für Photographie pour récompenser le photojournalisme humanitaire).
2003 Eva Besnyö meurt à Laren, près de Hilversum.

Liens

«  Eva Besnyö : l’image sensible » au Jeu de Paume
Eva Besnyö : la sélection de la librairie

Visuel à la Une : Autoportrait, Berlin, 1931. Collection Stedelijk Museum, Amsterdam

1Eva Besnyö citée in Willem Diepraam,Eva Besnyö, Amsterdam, Focus, coll.
« Monografieën van Nederlandse fotografen »,vol. 9, 1999, p. 23