— Portrait filmé
“Berenice Abbott (1898-1991), photographies”


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Gaëlle Morel, commissaire de l’exposition « Berenice Abbott (1898-1991), photographies »  au Jeu de Paume, commente les étapes de la carrière de la photographe américaine pionnière du style documentaire. Elle apporte un éclairage décisif sur les intentions et la démarche de la photographe, dans leur contexte historique et artistique.

Gaëlle Morel est docteur en histoire de l’art contemporain et actuellement curator au Ryerson Image Centre, Toronto. Visuel en page d’accueil du magazine : Man Ray, Portrait de Berenice Abbott, 1925. Collection Hank O’Neal, New York © Man Ray Trust / ADAGP, Paris, 2011

Gaëlle Morel au Jeu de Paume, 2012

Berenice Abbott : repères biographiques

1898 Naissance de Berenice Abbott, le 17 juillet, à Springfield, Ohio.
1917 Elle étudie quelques mois à l’Ohio State University en vue de devenir journaliste.
1918 Elle part vivre à New York où elle fréquente les milieux artistiques de Greenwich Village (Man Ray, Marcel Duchamp). Elle commence à pratiquer la sculpture.
1921 Abbott embarque pour l’Europe. Elle étudie la sculpture à Paris et Berlin et fréquente notamment l’avant-garde surréaliste.
1923 Elle est embauchée et formée par Man Ray pour l’assister dans son florissant studio de portraits, situé dans le quartier de Montparnasse. Parallèlement au travail de tirage dans la chambre noire, Abbott commence à réaliser ses propres portraits.
1926 Elle ouvre son studio où elle photographie la bourgeoisie et la bohème artistique et intellectuelle française et américaine exilée à Paris.
Première exposition personnelle à la galerie Au Sacre du printemps. Elle est remarquée par des critiques d’art comme George Charensol et Florent Fels de la revue L’Art vivant. Grâce à Man Ray, elle rencontre Eugène Atget à qui elle achète quelques tirages.
1928 Après des mois de négociations, elle achète plusieurs milliers de tirages et de plaques négatives d’Atget, mort l’année précédente, auprès d’André Calmettes, exécuteur testamentaire du photographe.
Elle participe à l’exposition du Salon de l’Escalier à la Comédie des Champs-Élysées, premier salon indépendant de la photographie, aux côtés notamment de Man Ray, André Kertész et Germaine Krull. L’exposition est un manifeste contre le pictorialisme et comprend des tirages d’Atget prêtés par Abbott.
1929 Abbott prend part aux expositions modernistes allemandes “Fotografie der Gegenwart” (Essen) et “Film und Foto” (Stuttgart), manifestes de la photographie expérimentale marquant l’apothéose de la Nouvelle Vision. Atget est également bien représenté grâce à des tirages envoyés par Abbott.
Retour à New York où elle emporte les plaques négatives et les tirages d’Atget qu’elle commence à diffuser. Elle ouvre un studio de portraits qui se révèle un échec commercial. Elle commence à photographier la ville et réunit les photographies dans des albums, qui regroupent une grande variété de sujets et de points de vues.
1930 Abbott expose quelques-uns de ses tirages, avec la première présentation d’Atget à la galerie Weyhe (New York). Publication à Paris et à New York de l’ouvrage Atget photographe de Paris avec une préface de Pierre Mac Orlan.
Confrontée à des difficultés financières, elle signe un contrat avec le galeriste Julien Levy pour l’exploitation commerciale du fonds Atget.
Elle participe à l’exposition “Photography” à Harvard, organisée par Lincoln Kirstein et première manifestation américaine à défendre une jeune génération de photographes documentaires américains (Walker Evans, Ralph Steiner) en rupture avec la tradition et le cercle d’Alfred Stieglitz. Grâce à Abbott, les images d’Atget y sont également abondamment montrées.
1931 Elle commence à solliciter, sans succès, différentes institutions pour le financement d’une vaste campagne photographique sur la ville de New York (Guggenheim Foundation, Museum of the City of New York, New York Historical Society).
1932 Elle participe aux expositions “Photographs of New York by New York Photographers”, “Photographs by Berenice Abbott” et “Exhibition of Portrait Photography” à la galerie Julien Levy. Elle participe à l’exposition “Murals by American Painters and Photographers” organisée au Museum of Modern Art par Lincoln Kirstein et dont la section photographique est confiée à Levy.
1934-35 Abbott voyage avec l’historien de l’architecture américain Henry Russell Hitchcock pour photographier l’architecture de l’ère victorienne et les bâtiments de l’architecte Henry Hobson Richardson dans les villes de la côte Est (Boston, New York, Philadelphie). Elle participe aux expositions “American Cities Before the Civil War” (Yale) et “The Architecture of Henry Hobson Richardson and His Times” (MoMA).
1934 Exposition de photographies sur New York au Museum of the City of New York dans le but de trouver des mécènes susceptibles de financer son projet sur les transformations architecturales et urbaines de New York.
1935 Le projet Changing New York reçoit finalement le soutien du Federal Art Project, programme d’assistance aux artistes, créé par le gouvernement dans le cadre de la Works Progress Administration. Abbott est la seule photographe engagée dans cette vaste entreprise de documentation sur la métropole américaine, qui durera jusqu’en 1939. Le travail à la chambre permet des vues détaillées et précises, d’une grande netteté. Au total, elle réalise plus de 300 négatifs qui s’accompagnent d’une large documentation produite par une équipe de chercheurs enrôlés dans le même programme.
La même année est lancée la campagne photographique de la Farm Security Administration (FSA -1935-1942) avec pour mission de faire connaître au Congrès et au grand public les problèmes des exploitants agricoles touchés par la crise (Walker Evans, Dorothea Lange, Russell Lee).
1935-58 Elle enseigne la photographie à la New School of Social Research.
1937 Une sélection des images de Changing New York est exposée avec succès au Museum of the City of New York.
1939 Publication du livre Changing New York. L’éditeur E.P. Dutton entend profiter de l’afflux de millions de visiteurs attendus pour l’Exposition universelle de New York et publie l’ouvrage sous la forme d’un guide de voyage, contrairement au désir d’Abbott et de la critique d’art Elizabeth McCausland qui souhaitaient réaliser un livre d’art.
1941 Publication de Guide to Better Photography, manuel destiné à un large public d’amateurs.
1944-45 Abbott est directrice artistique du périodique Science Illustrated dans lequel elle publie de nombreuses images scientifiques. Invention, parmi d’autres, du procédé Supersight, un système de photographie directe réalisée avec des négatifs de 40 x 50 cm.
1954 Elle parcourt la Route 1 pour photographier les villes du Maine à la Floride.
1958-61 Engagée par le Physical Science Study Committee du Massachusetts Institute of Technology — une équipe de chercheurs ayant pour mandat de superviser et d’améliorer l’enseignement des sciences dans les lycées américains —, Abbott réalise des images illustrant les principes physiques de la lumière, de la vitesse et du magnétisme, diffusées par la suite dans différents ouvrages scolaires.
1960 Exposition itinérante “Image of Physics” organisée par le Smithsonian Institute à Washington.
1964 Publication de trois ouvrages : The World of Atget, Magnet et Motion.
1968 Le Museum of Modern Art acquiert le fonds Atget détenu par Abbott et Levy : le département de photographie du musée fait alors la dépense la plus importante de son histoire.
1991 Berenice Abbott décède, le 9 décembre, à Monson, Maine.

Liens

Berenice Abbott au Jeu de Paume
Catalogue et ouvrages consacrés à Berenice Abbott