Le 26 novembre 2011 à 16h30, Natasha Rosling réalisait au Jeu de Paume et dans le jardin des Tuileries une performance intitulée « Scale and Forces of Gravity in Desire », en collaboration avec le collectif SounDoesnTravel. Cette performance, aux accents à la fois scientifiques et surréalistes, n’était que l’une des nombreuses occurrences d’un projet protéiforme conçu spécialement par l’artiste pour BLOW-UP, une exposition collective présentée sur l’espace virtuel du Jeu de Paume.
Le projet déjoue toute continuité entre les échelles de compréhension du monde : Natasha Rosling met en place divers dispositifs qui amalgament le microscopique et le macroscopique. Elle recrée les conditions d’un big-bang dans l’espace public, remettant en cause les limites mêmes du corps humain. Mais elle établit néanmoins un fil conducteur au cours de ses « expériences ». En effet, les différentes dimensions de la perception (sonore, visuelle, tactile…) s’imposent d’elles-mêmes comme lien, quelle que soit le contexte de visualisation choisi (science, technologie, média, architecture, culture populaire, théâtre…). Cette confusion des échelles d’observation est en réalité productrice de nouvelles formes d’intelligibilité et porte atteinte aux évidences relatives à la présence de l’homme dans l’espace public et dans son environnement.
Natasha Rosling définit ainsi son projet comme une exploration des différentes formes de médiation des corps dans la sphère publique, en relevant et en jouant avec le caractère souvent absurde des normes établies.
Ici, le “corps” n’est pas considéré purement comme un objet. Il s’agit plutôt d’un instrument, qui sort dans le monde pour donner du sens aux choses. De plus, à ce corps vient s’articuler maladroitement la technologique : Natasha Rosling explore comment, en tant que sujets humains, nous construisons et naviguons simultanément dans des environnements physiques et numériques.
Les conflits, les interrelations et le regroupement des surfaces bidimensionnelles (image, surface et écran d’ordinateur) avec l’environnement en trois dimensions (corps, objet et paysage) deviennent des facteurs clés. Une fascination réside dans la manière dont la technologie peut devenir une prothèse virtuelle pour le corps – tout comme les doigts peuvent être considérés comme les intermédiaires entre le corps et le monde physique, les pixels de l’écran d’ordinateur deviennent les intermédiaires entre le sujet pensant et le paysage de l’information.
Le Blow-up Space conçu par Natasha Rosling sur l’espace virtuel du Jeu de Paume constitue ainsi une trace virtuelle de ses interventions et de ses manipulations médiatiques.
Lors de cette performance au Jeu de Paume, Natasha Rosling a mis en place un dispositif de « remise en jeu » de l’espace public, dans le cadre spécifique de l’institution culturelle. Ses sculptures animées se sont greffées sur la façade du Jeu de Paume. Là encore, l’artiste inverse les échelles : la sculpture-doigt est plus grande que la sculpture-architecturale (cf. la vidéo). Les réactions du public sont observées par Pauline Curnier-Jardin, qui est à l’intérieur de la sculpture (cf. document audio), dans le jardin des Tuileries. Elle fait part de ses observations mais aussi de ses sensations, via un téléphone mobile, à Natasha Rosling, qui se trouve dans le hall du Jeu de Paume, aux côtés du collectif SounDoesnTravel et de Clément Douala. Là, une véritable station de radio et de mixage est installée, qui retransmet en live une bande sonore composée à partir d’enregistrements des entretiens captés dans la rue, de sons produits en direct et de lectures de textes écrits par Natasha Rosling. Cet enregistrement est retransmis dans l’auditorium, où il accompagne une projection d’images recueillies dans le cadre du projet Scale and Forces of Gravity in Desire : images scientifiques microscopiques, macroscopiques, environnements végétaux, performance des sculptures animées… De multiples informations de diverses natures se téléscopent dans l’auditorium du Jeu de Paume, créant une nouvelle matière difficile à identifier. Une matière qui évoque le désir auquel fait allusion Natasha Rosling dans le titre de son projet (Échelles et forces de gravité du désir), comme une projection incessante vers le monde, entre manque et plénitude.
BLOW-UP est un dispositif évolutif proposé par les commissaires Christophe Bruno et Daniele Balit, pour l’espace virtuel du Jeu de Paume.
Scale and Forces of Gravity in Desire par SounDoesnTravel
Extrait audio live de l’échange entre Natasha Rosling et Pauline Curnier-Jardin, Jeu de Paume, 26/11/11, © Natasha Rosling & SounDoesnTravel
[audio:http://012fae3308.url-de-test.ws/wp-content/uploads/video/Performances/Natasha Rosling/Roslingsound.mp3|titles= »Scale and Forces of Gravity in Desire » by Natasha Rosling & SounDoesnTravel, jeu de Paume, 26/11/11]
English — introducing Natasha Rosling’s project : « Scale and Forces of Gravity in Desire »
Scale and Forces of Gravity in Desire is a work in progress exploring notions of absurdity inherent within the mediation of bodies in the public arena. Particular attention is drawn to the ratios of scale between the human subject an its environment – both when examining the body from the outside in, as well as scrutinising the world through physical experience from the inside out. This blog presents documentation, collages, ongoing visual research material and test works for the wider project. Microscopic skin images are compared to cosmic macro landscapes; images of fingers are blown up as costumes three meters tall; performers become inserted into giant printed image screens. Here, the ‘body’ is not viewed as purely an object – more an instrument, which goes out into the world to make sense of things. And yet, almost awkwardly coupled with this is the technological – how as human subjects we build and navigate both physical and digital environments. The conflicts, interrelationships and enfolding of two-dimensional surfaces, (image, surface and computer screen) with the three-dimensional environment (body, object and landscape) become key factors. A fascination lies in how technology can become a virtual prosthetic for the body – just as the fingers can be seen as the intermediary between the body and the physical world, the pixels of the computer screen become the intermediary between the thinking subject and an information landscape.
Biographie
Natasha Rosling (née à Londres en 1985) vit et travaille en Grande-Bretagne. À travers la sculpture et la performance, son travail explore une négociation physique et psychologique de l’environnement structuré ainsi que l’interdépendance de l’homme avec l’architecture, la culture et le patrimoine. Elle a étudié la sculpture au Chelsea College of Art and Design à Londres et au Sandberg Institute Amsterdam et est représentée par la galerie Seggelen à Londres.
Expositions et projets récents
2011 Transfer, OutLINE Gallery, Amsterdam (solo)
KadS, Foundation Kunst aan de Schinkel, Amsterdam
Attempts to Get Inside the World, Arthouse Gallery, London
Testing Grounds, South Hill Park, Bracknell, UK
— Résidence d’artiste à South Hill Park : création d’une performance et d’une vidéo en collaboration avec Kristin Sherman.
2010 Ruffle, Art House, conçu par Re-make, Londres (solo)
Foreign Bodies, Hidde van Seggelen Gallery, Londres (solo)
Architectural Accessory, Utica, New York
Behind the Scenes, Sculpture Space, Utica, New York
Preview, Hidde van Seggelen Gallery, Londres
Jet, Hidde van Seggelen Gallery, Londres, (solo)
2009 The Invisible Generation, OCAT & Vision Forum, Shenzhen & Pékin, Chine
Inertia Still, Flux/S, Strijp-S Eindhoven, Pays-Bas
Climbing to Earth, DNCF Cacao Fabriek, Helmond, Pays-Bas (solo)
Liens
L’espace virtuel du Jeu de Paume : « Blow-up »
Le « Blow-up space » de Natasha Rosling
Site officiel de l’artiste
Site officiel de SounDoesnTravel