— Portrait filmé
François Leperlier et Juan Vicente Aliaga présentent Claude Cahun au Jeu de Paume


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Les commissaires de l’exposition

 

Juan Vicente Aliaga

Professeur en théorie de l’art moderne et contemporain à l’Universidad Politécnica de Valence, en Espagne, Juan Vicente Aliaga enseigne les relations entre l’art et les études féministes, queer et de genre. Il est l’auteur, entre autres, de Orden fálico. Androcentrismo y violencia de género en las prácticas artísticas del siglo XX (Madrid, Akal, 2007) et de Arte y cuestiones de género (San Sebastián, Nerea, 2004). Il a également organisé les expositions suivantes : « Akram Zaatari » (León, MUSAC, 2011) ; « En todas partes. Políticas de la diversidad sexual en el arte / Everywhere. Sexual Diversity Politics in Art » (Saint-Jacques-de-Compostelle, CGAC, 2009) ; « Martha Rosler » (Grenade, Centro José Guerrero, 2009) ; « La batalla de los géneros / Gender Battle » (Saint-Jacques-de-Compostelle, CGAC, 2007) ; « Hannah Höch » (Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, 2004) ; « Pepe Espaliú » (Madrid, Museo Nacional Centro de Arte, 2003) ; « Claude Cahun » (Valence, IVAM, 2001).

François Leperlier

Philosophe et essayiste, François Leperlier a collaboré à de nombreux ouvrages collectifs et catalogues d’exposition. En 1984, il entreprend des recherches sur Claude Cahun. Il rédige sa biographie, établit le catalogue raisonné de son œuvre photographique et édite ses écrits.

Il a notamment publié La Dédicace intégrale (Paris, Pierre Bordas et fils, 1986) ; Claude Cahun, l’écart et la métamorphose (Paris, Jean-Michel Place, 1992) ; Claude Cahun photographe (Paris, Jean-Michel Place et Paris Musées, 1995) ; Œuvres complètes de Magloire-Saint-Aude (Paris, Jean-Michel Place, 1998) ; Claude Cahun (Paris, Nathan, « Photopoche », 1999) ; Diana Michener. Épiphanie du corps (Paris, Maison européenne de la photographie, 2001) ; Claude Cahun, écrits (Paris, Jean-Michel Place, 2002) ; En Chine (1978-2003), Photographies de Laurence Vidal (Paris, Éditions du Pacifique, 2003) ; Pierre Caminade. Œuvres poétiques (Bègles, Le Castor astral, 2004) ; Rêve manifeste (Paris, Éditions d’écarts, 2004) ; Claude Cahun. L’Exotisme intérieur (Paris, Fayard, 2006).

 

Biographie de Claude Cahun

25 octobre 1894. Naissance, à Nantes, de Lucy Renée Mathilde Schwob, fille de Maurice Schwob (polytechnicien, directeur du journal Le Phare de la Loire, auteur d’essais économiques et politiques), et de Marie Antoinette Courbebaisse, nièce de l’écrivain Marcel Schwob (Le Livre de Monelle, Les Vies imaginaires) et petite nièce de Léon Cahun, orientaliste et romancier, conservateur à la Bibliothèque Mazarine.

 

1897-1905. En l’absence de sa mère, souvent hospitalisée pour des troubles psychiques, Lucy vit la plupart du temps chez sa grand-mère, Mathilde Cahun, dans le bel appartement du Cours Cambronne, à Nantes. Été 1901 : séjour dans une pension anglaise, près d’Oxford.

 

1906-1908. Lors de la révision du procès d’Alfred Dreyfus, Lucy est retirée du lycée de Nantes où elle vient de subir une agression  à caractère antisémite. Elle poursuit sa scolarité dans une pension anglaise, Parson’s Mead (Surrey) et participe au journal des élèves.

 

1909-1911. Lucy réintègre le lycée de Nantes (pour quelques cours accompagnés de leçons privées). Naissance d’une passion amoureuse pour Suzanne Malherbe, dessinatrice et plasticienne, née à Nantes le 19 juillet 1892. Celle-ci signera ses œuvres du pseudonyme de « Moore ».

 

1912-1915. Premiers écrits littéraires et premières photographies. Intérêt marqué pour les doctrines orientales. Pratique du yoga. Collaboration régulière au Phare de la Loire (« Chronique de la mode », illustrée par Moore). Rédaction des Jeux uraniens, méditation sur le narcissisme et les « amours-amitiés » homosexuelles. Fréquents séjours au Croisic. Publication de poèmes en prose, Vues et Visions, dans Le Mercure de France (mai 1914), sous le pseudonyme de Claude Courlis.

 

1916-1917. Maurice Schwob épouse en secondes noces Marie Eugénie Malherbe (1917). Lucy et Suzanne deviennent sœurs par alliance et s’installent dans un appartement indépendant. Choix du pseudonyme de Claude Cahun (1917). Inscription à l’université de La Sorbonne (lettres et philosophie). Lors d’un séjour à Jersey, Lucy rencontre Robert S. (« Bob »), avec lequel elle a une liaison intermittente jusqu’au milieu des années 1920.

 

1918-1921 Elle commence à collaborer à la revue nantaise, La Gerbe, et donne un article sur une représentation de la Salomé d’Oscar Wilde, pour Le Mercure de France. Elle se lie avec les poètes Marc-Adolphe Guégan et Jacques Viot. Longs séjours à Paris (avenue de Suffren, rue de Grenelle). Elle assiste à quelques manifestations Dada. Fréquentation assidue de la librairie « Aux Amis des livres », rue de l’Odéon où elle rencontre Philippe Soupault et croise Gertrud Stein. Début des relations amicales avec Adrienne Monnier et Sylvia Beach. Claude Cahun décide de porter les cheveux très courts, puis de les raser. Elle fréquente le sculpteur Chana Orloff qui réalise son portrait (plâtre doré et bronze). Vues et visions est publié aux éditions Crès. Chanson sauvage paraît au Mercure de France.

 

1922-1925. Aménagement, avec Suzanne, de l’atelier du 70 bis rue Notre-Dame-des-Champs, dans le quartier de Montparnasse. Collaboration au Journal littéraire et Aux Écoutes. Elle se tourne vers le théâtre (Marguerite Moreno, Ivan Mosjoukine, Georges et Ludmilla Pitoëff) mais renonce à une carrière possible. Conception des costumes pour l’actrice Natalie Kovenko dans « La Dame masquée » (film de V. Tourjansky, 1924). Rencontre de Henri Michaux et début d’une longue amitié. Contribution à une enquête du Disque Vert (1925). Elle fréquente Pierre Morhange et le groupe Philosophies (notamment Charles-Henri Barbier, avec qui elle renouera après 1945). Publication de Héroïnes en revue (Le Mercure de France, Le Journal littéraire). Elle apporte son soutien à une revue homosexuelle, Inversions.

 

1926-1928. Elle se rend à la Galerie surréaliste, rue Jacques Callot, où elle fait la connaissance de Marcel Noll et fréquente les « Amis des Arts ésotériques » (Constant Lounsbery). Elle fréquente également le Théâtre ésotérique (Paul Castan, Berthe d’Yd) où elle rencontre Béatrice Wanger (la danseuse « Nadja »), Georgette Leblanc, Margaret Anderson et Jane Heap (The Little Review). Intense activité photographique (autoportraits). Mort de Maurice Schwob (1928) et liquidation difficile de la succession. Elle achève la traduction d’une Étude de psychologie sociale de Havelock Ellis qui paraîtra, en 1929, au Mercure de France.

 

1929-1931. De février à mai 1929, Claude Cahun fait partie de l’équipe de théâtre « Le Plateau », animée par Pierre Albert-Birot. Elle interprétera plusieurs rôles. Elle se rase à nouveau les cheveux, puis les colore (doré, argenté), et réalise de nombreux autoportraits photographiques. Elle travaille, en collaboration avec Suzanne Malherbe, à la réalisation des photomontages qui vont illustrer son gros essai autobiographique, Aveux non avenus. L’ouvrage sera publié aux éditions du Carrefour (1930), avec une préface de Pierre Mac Orlan. Elle fréquente le milieu de la revue Bifur, rencontre Paul Nizan, Roger Gilbert-Lecomte et se lie avec Georges Ribemont-Dessaignes (collaboration à la jaquette de couverture de son livre Frontières humaines). Relations affectueuses et complices avec Robert Desnos.

 

1932-1934. En avril 1932, elle rencontre André Breton, par l’intermédiaire de Jacques Viot. Ce sera le début d’une amitié profonde et passionnée. Elle adhère à l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (elle y rencontre Jean Legrand, Pierre Caminade et Néoclès Coutouzis, qui forment le « Groupe Brunet »), et s’associe au mouvement surréaliste. Période de grande activité politique et relationnelle : elle soutient les surréalistes et fait valoir des orientations libertaires ; elle se lie avec Tristan Tzara, Gaston Ferdière et, tout particulièrement, avec René Crevel. Elle répond à plusieurs enquêtes (Commune, Minotaure) et publie un essai polémique, Les paris sont ouverts (1934) où elle s’en prend à Aragon et à la politique culturelle de Parti communiste.

 

1935-1936. Elle participe à la fondation du regroupement Contre-Attaque, avec Georges Bataille et André Breton. Elle rencontre Pierre Klossowski, Dora Maar, Jacques B. Brunius et Nicolas Calas. En compagnie de René Crevel, Néoclès Coutouzis et Henri Michaux, elle se rend aux présentations de malades dans les services psychiatriques où elle retrouve le Docteur Gaston Ferdière. Rencontre Jacques Lacan. En mai 1936, elle présente quelques objets à « fonctionnement symbolique » à l’exposition surréaliste, chez Charles Ratton et publie un article dans Cahiers d’Art (« Prenez garde aux objets domestiques »). En juin 1936, elle accompagne André Breton, à Londres, pour l’exposition internationale du surréalisme (« Burlington Galleries »). Intense activité photographique, en août et septembre 1936, à Jersey.

 

1937-1938. Publication des poèmes de Lise Deharme, illustrés par vingt photographies de Claude Cahun : Le Coeur de Pic (José Corti, 1937), avec une préface de Paul Éluard. En juillet 1937, Claude Cahun et Suzanne Malherbe achètent une propriété — « La Rocquaise » — dans l’île de Jersey et décident de s’y installer définitivement. Elles quittent Paris en mai 1938, tout en conservant des liens étroits avec le groupe surréaliste. Henri Michaux les rejoint, pour de « vraies vacances », en novembre 1938.

 

1939-1940. Adhésion à la Fédération Internationale de l’Art Révolutionnaire Indépendant (FIARI), dont le manifeste avait été rédigé par André Breton et Léon Trotsky.  Après un séjour, à Paris, quai Henri IV, chez ses amis Lilette Richter et Néoclès Coutouzis, elle accueille Jacqueline Lamba-Breton et sa fille Aube (elles séjourneront à « La Rocquaise » du 25 avril avril au 26 mai 1939). Signataire de la déclaration « À bas les lettres de cachet !  À bas la terreur grise » (FIARI, juin 1939). Crise « d’urticaire géant » en réaction à la guerre. Dès les premiers jours de l’invasion de l’île de Jersey par les Allemands (juillet 1940), elle opte pour une résistance active.

 

1941-1944. Durant quatre années, elle va mener sans relâche, avec la complicité de Suzanne, des activités de contre-propagande, de démoralisation en direction des troupes d’occupation. Production intensive de tracts, parfois accompagnés de photomontages (détournement de magazines pronazis), et signés « Le Soldat sans nom ». En mars 1943, elle subit un premier interrogatoire. Le 25 juillet 1944, Claude et Suzanne sont arrêtées par la Gestapo et incarcérées dans une prison militaire, à Saint-Hélier. Tentative de suicide. Elles sont condamnées à mort le 16 novembre 1944, par la Cour martiale allemande. « La Rocquaise », aussi appelée « La Ferme sans nom », est pillée et de nombreuses archives, notamment photographiques, sont détruites.

 

1945-1946. Bien qu’elles aient refusé de signer le recours en grâce, elles échappent à l’exécution. Les autorités militaires allemandes prononcent une commutation de peine. Un transfert en Allemagne ou dans un camp insulaire est envisagé. Elles devront attendre la capitulation de Jersey, le 8 mai 1945, pour être libérées… Elles entreprennent de fastidieuses et épuisantes démarches pour tenter de récupérer leurs biens dispersés et remettre en état « La ferme sans nom ». Claude reprend contact avec André Breton, encore à New York, et rédige de longues lettres, qui sont autant de variations sur la « résistance » comme expérience existentielle, qu’elle destine à Jean Legrand, Gaston Ferdière, Jacques B. Brunius.

 

1947-1952. Elle s’efforce de maintenir les liens avec les amis « d’avant-guerre » et poursuit ses « grands récits » qu’elle adresse à Paul Lévy, Henri Michaux, Charles-Henri Barbier, Marianne Schwob, etc. Elle rassemble de nombreuses notes, certaines prises au cours de son incarcération, et entreprend la rédaction de deux écrits à caractère autobiographique: Le Muet dans la mêlée (sur les années 1940-1945) et Confidences au miroir (resté inachevé). Parallèlement, elle enrichit son œuvre photographique de nombreux autoportraits, parfois conçus comme des suites « d’images-mouvement » (Le Chemin des chats, c.1949). En janvier 1951, elle obtient la Médaille d’argent de la Reconnaissance française, « que nous n’avions pas demandée », précisera-t-elle, pour actes de résistance à Jersey.

 

1953-1954. Souhaitant renouer plus étroitement avec le milieu surréaliste, spéculant toujours sur un éventuel retour en France, Claude Cahun séjourne à Paris du 3 au 20 juin 1953. Elle se rend au Café de la Mairie, retrouve André Breton, Max Ernst, Toyen et rencontre Jean Schuster qui l’avait invitée à participer aux activité du groupe. Mais sa santé va gravement s’altérer tout au long de l’année 1954. Troubles oculaires, pulmonaires, rénaux. Elle meurt, d’arrêt cardiaque, à l’hôpital de Saint-Hélier, à Jersey, le 8 décembre 1954. Sur la pierre tombale, dans le cimetières marin de St. Brelade’s Bay, Suzanne Malherbe a fait graver, entre deux étoiles de David, une phrase de l’Apocalypse de Jean : « And I saw new heavens and a new earth ».

 

1972. Décès à Jersey de Suzanne Malherbe (19 février) dans la petite villa où elle s’était retirée après avoir vendu « La Rocquaise ».

 

Liens

Claude Cahun au Jeu de Paume

Claude Cahun à la librairie du Jeu de Paume