L’artiste Lucas Lai fut l’assistant privilégié d’Ai Weiwei pour la conception de l’exposition « Ai Weiwei : Entrelacs ». Avec Ai Weiwei et Urs Stahel, commissaire de l’exposition et directeur du Fotomuseum Winterthur, il a supervisé les différentes étapes de la production de cette exposition, finalement destinée à voyager en l’absence de son protagoniste, assigné à résidence à Pékin.
En Août 2010, Lucas Lai déménage au studio d’Ai Weiwei, Fake Design, afin de travailler sur le projet. Dans un premier temps, il se plonge dans l’organisation et l’archivage des centaines de milliers de photographies issues du blog d’Ai Weiwei depuis 2005, qui constituent un véritable journal visuel. Puis il réalise le travail spécifiquement lié à l’exposition : la sélection des images, la planification de la maquette, l’impression des tirages…
En octobre 2010, il voyage avec Weiwei en Europe et rencontre pour la première fois Urs Stahel au Fotomuseum. C’est alors qu’ils commencent à travailler ensemble sur le catalogue, dans lequel Lucas Lai publie un essai sur les photographies du blog. Lorsque Weiwei est placé en détention en Avril 2011, le livre et la conception de l’exposition viennent tout juste d’être terminés. In extremis, ils parviennent à rapatrier à Winterthur une copie du disque dur de l’artiste contenant les photos du blog, avant que la police chinoise ne réquisitionne tout ce qu’il y avait dans le studio.
Lucas Lai est actuellement en résidence d’artiste a La Porte Peinte Centre Pour Les Arts à Noyers sur Serein en Bourgogne. Il se rend bientôt à Pekin pour un autre projet avec Ai Weiwei puis doit repartir à Berlin pour le montage de l’exposition.
Extrait de l’essai « Blog Photographs » de Lucas Lai
« Chaque jour, durant plusieurs mois, je me suis assis devant un très grand écran et j’ai entrepris un voyage dans le passé d’Ai Weiwei. Je voyais le monde à travers son objectif, et quel objectif incroyable et fascinant ! Rien ne lui échappe, tout est documenté. Selon sa philosophie, qui est de défendre la vérité et de ne rien cacher, Ai nous montre ses rituels quotidiens – sa toilette, son travail, ses repas –, ses séances de plus en plus fréquentes avec des journalistes qui viennent le voir chez lui, ses voyages d’enquête pour mettre au jour les vérités que cherche à étouffer la bureaucratie opaque de la Chine. On y voit aussi l’évolution de sa production – de plus en plus prolifique –, et les oeuvres qu’il fait réaliser par des artisans chinois très qualifiés, ses voyages à travers le monde pour monter une exposition, prononcer une conférence ou assister à une cérémonie. On peut suivre aussi la transformation de son visage au fil des ans : l’appareil photo d’Ai est omniprésent ; il capture des moments qui, sans cela, seraient perdus à jamais pour l’histoire.
Quand on compare les milliers de photos numériques d’Ai Weiwei aux centaines de rouleaux de pellicule qu’il a consommés durant son séjour à New York, on voit clairement le fil rouge qui relie les deux corpus d’images, à savoir la volonté de prendre délibérément et apparemment sans restriction tout ce qui se passe, comme s’il tenait un journal de bord visuel. Ses photos ont quelque chose d’instinctif et de flottant. Elles trahissent moins une réflexion sur l’image qu’il capte qu’une envie subite de prendre une photo, avant de passer à autre chose. »
« Ai Weiwei : Entrelacs » , catalogue d’exposition, éditions Steidl, 2011
Liens
« Ai Weiwei : Entrelacs » au Jeu de Paume
La sélection de la librairie
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