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À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, Jean-Charles Hue explore des territoires périphériques, poussé par une quête d’humanité et une soif insatiable de vie et de passion.
Il a découvert ses origines tziganes par hasard : « Un de mes oncles m’a raconté qu’il a été abordé par des Gitans qui portaient le même nom que lui, Dorkel, et pensaient être de sa famille. D’abord sceptique, mon oncle s’est laissé convaincre lorsqu’ils lui ont présenté des photos de son oncle à lui, un type qui tenait un bar à filles en Hollande. Son père, c’est-à-dire mon arrière-grand-père, était un nomade, un vannier, né en Serbie, qui avait déserté l’armée prussienne, épousé une fermière française et passé toute la seconde guerre mondiale enfermé dans une cave, par peur que les Allemands le retrouvent. Personne dans la famille jusqu’alors ne s’était posé la question de savoir s’il était tzigane.« 1 Jean-Charles Hue part à la recherche de ses origines en parcourant les camps des gens du voyage. Il rencontre une autre famille Dorkel, à Beauvais, qui l’adopte immédiatement et l’entraîne aussitôt dans son tour de France annuel des cérémonies évangéliques.
Ce n’est qu’après cinq ans de vie commune avec le clan Dorkel que Jean-Charles Hue entreprend de filmer cette communauté de nomades yéniches.2 Mais son souci principal est de rester ancré dans la réalité du groupe et de ne pas être perçu comme réalisateur. En effet, l’expérience de son intégration parmi les Dorkel et la vie avec eux fait partie intégrante de sa conception de l’art, comme un engagement dans la vie et une recherche de ce qu’il appelle « l’énergie pure ».
Y’a plus d’os, court-métrage de quatre minutes, est tout à fait représentatif de ce parti pris de l’artiste : “Si j’ai un but, c’est d’atteindre ce moment où la vie croise l’intention de raconter une histoire. Dans tous les cas je n’y arrive que par l’énergie, pas par une réflexion sur la question”. 3 Jean-Charles Hue choisit donc un processus qui peut s’avérer assez précaire, car il s’agit pour lui de créer un climat où chacun trouve spontanément sa place et d’une certaine manière improvise son propre rôle. Il construit ainsi un œuvre à géométrie variable, oscillant entre documentaire et fiction. Dans « Y’a plus d’os », la situation échappe complètement au réalisateur. Lors d’une conversation houleuse au cours d’une soirée arrosée, Fred Dorkel, le chef du clan, lui ordonne de filmer, avant de finir par tirer sur sa caméra.
Après plus de quatorze ans passés auprès de la communauté yéniche et du clan Dorkel, Jean-Charles Hue présente un long-métrage, La BM du Seigneur, sorti en salle le 26 janvier 2011. Pour ce film dont Y’a plus d’os pourrait être la bande annonce, le réalisateur a tourné trois semaines de fiction et cinq semaines de documentaire. Il signe ainsi un film d’un genre nouveau, une sorte de conte ethnographique, dans lequel se côtoient le trivial et le transcendant, la violence et l’humour, le kitsch et le mystique.
> Né en 1968, Jean-Charles Hue vit et travaille à Paris. Diplômé, en 2000, de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, il est, en 2005, en résidence à la “Villa Médicis Hors les Murs”, à Monterrey au Mexique. En 2003, il est nominé pour le prix Gilles Dusein et récompensé en 2006 par le prix du meilleur travail vidéo au LOOP Video Art Fair de Barcelone. En 2010, le Centre de Création Contemporaine de Tours présente « Y’a pas de prévenance ». Représenté par la Galerie Michel Rein à Paris, il participe en 2009 et 2010 au projet « Hors pistes », organisé par le Centre Pompidou. En 2010, son second long-métrage (après Carne Viva, 2008), La BM du Seigneur, est révélé au Festival international de Documentaire (FID) de Marseille.
1 Jean-Charles Hue, « Tzigane d’adoption » in Le Monde, 26.01.11
2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Yéniches
3 Entretien réalisé par Florence Maillard pour Les Cahiers du cinéma, janvier 2011
Faux Amis / Une Vidéothèque éphémère
Galerie Michel Rein, Paris