Un arbre.



Katia Maciel, Uma Árvore (Un Arbre), installation vidéo, 2009 © Katia Maciel

J’ai décidé d’inaugurer la section « ciné-club » avec une vidéo de l’artiste brésilienne Katia Maciel intitulée Uma Árvore (Un Arbre, 2009). Cette vidéo avait été exposée l’année dernière à la Maison Européenne de la Photographie, lors d’une exposition consacrée au travail de Katia et intitulée « Répétitions ». On y voit un arbre dont les branches se contraignent et se relâchent en boucle, comme si ce majestueux être touffu respirait devant nous et n’était autre qu’un grand cœur qui bat.

Outre le fait que je suis à chaque fois émerveillée par la vision de ce grand arbre soufflant, Uma Árvore m’intéresse pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’on y est face à un imposant être animé. Je sais bien que les arbres sont des êtres vivants et, au passage, qu’ils réalisent en permanence des échanges gazeux, absorbant de l’oxygène et rejetant du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Mais ce n’est vraiment pas à cette dimension physiologique que je pense. Si je dis que l’arbre de Katia Maciel est animé, c’est parce qu’il semble traversé par un souffle vital qui l’anime du dedans. En cela, l’arbre de Uma Árvore se distingue des arbres de Nettlecombe de Sarah Dobai (visible ici) ou de Horizontal de Eija-Liisa Ahtila qui sont, eux, animés du dehors par le souffle discontinu du vent. Si je reste aussi fascinée qu’un spectateur des premiers temps du cinéma devant la vision (et l’écoute) du frémissement de leurs feuilles, ces arbres ne me suggèrent pas la fiction d’automouvement mise en œuvre par la vidéo de Katia Maciel. Cette fiction est bien ce qu’on pourrait appeler une fiction d’image (belle expression que j’emprunte à mon collègue Emmanuel Siety), dans la mesure où l’animation dépend entièrement des ressources expressives propres aux images – et, en particulier, aux images en mouvement. La vidéo s’appuie sur la création d’une image hybride, constituée d’une couche immobile – l’image fixe sur laquelle se détache l’arbre soufflant – et d’une couche mobile – l’image en mouvement, à la fois réversible et extensible dans la durée (c’est le principe de la boucle, récurrent dans le travail de l’artiste). Uma Árvore ne se fonde pas sur l’animation de l’immobile, mais sur l’incorporation (plus que l’incrustation) de la mouvance dans l’image figée, comme si l’immobilité n’était qu’absence virtuelle de mouvement.

Il y aurait sans doute beaucoup plus à dire sur cette vidéo en tant que lieu de passage entre la mouvance et la fixité – ainsi que sur la temporalité paradoxale qu’elle créé (le temps était, d’ailleurs, l’un des principaux enjeux de l’exposition de la MEP). Je noterai juste que Uma Árvore me semble illustrer, de façon très poétique (Katia est aussi poète*), le souffle vital de l’image en mouvement, animée du dedans par la mouvance contenue dans toute fixité. L’arbre et l’image sont donc toutes les deux concernées par ce que j’ai appelée la fiction de l’automouvement et c’est en cela que la vidéo de Katia Maciel me semble relever d’un double animisme propre aux images mobiles : leur capacité à animer les choses du monde (cette animation assumant, parfois, des formes très complexes) et leur mode d’apparition spécifique (fondé, selon les approches, sur l’actualisation du mouvement ou sur le refoulement de la nature photographique du film-pellicule lors de la projection).


* Pour ceux qui lisent le portugais, je vous laisse un poème de Katia (lagartixa), tiré de son livre Zun (il faut le lire à voix haute et savourer tous les mots) :


Cheguei aqui e a lagartixa já estava.

Quando escuto antes de dormir um zumbido no ouvido penso que devia criar lagartixas. Lindas e frias deslizando nas paredes na paz do silêncio que adormece. Sonho com o verde profundo das florestas. Ouço o barulho das correntes do rio. Subo nas árvores e desço pelos cipós. Me esgueiro entre as orquídeas selvagens e chego no alto da copa da árvore que é minha casa. Deito e olho para as estrelas penduradas no céu, subo para a lua, brilho no espelho d’água. Me distraio, caio na taipa do chão e sou lagartixa.

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