Éthique de la guerre, éthique des images – à propos d’Omer Fast

Samedi matin, nous nous sommes réveillés – si tant est que nous ayons dormi – dans un pays « en guerre », placé en état d’urgence pour trois mois. Mais sommes-nous « en guerre » et qu’est-ce que « la guerre » ? – voici deux questions que nous ne pouvons plus esquiver.

Omer Fast – 5,000 Feet is the Best [Le mieux, c’est 5 000 pieds], 2011, Vidéo numérique, couleur, son, 30 min" © Omer Fast

Omer Fast – 5,000 Feet is the Best [“Le mieux, c’est 5 000 pieds”], 2011. Vidéo numérique, couleur, son, 30 min © Omer Fast

Je n’oserai pas m’avancer dans le domaine de la science politique, mais je sais que la guerre est aussi une question de droit (droit de la guerre et droit dans la guerre) et un problème d’éthique. Il suffit de s’intéresser moyennement à l’actualité internationale pour comprendre que depuis plusieurs années déjà la transformation des conflits militaires bouleverse radicalement l’éthique de la guerre et embarrasse ce qu’on appelle le « droit des conflits armés ». La légalité des frappes françaises en Syrie, par exemple, ne va pas de soi, comme le rappelle ce texte dans The Guardian, d’autant plus que l’ennemi (Daech) n’est pas un état. D’un point de vue juridique, la situation s’avère, elle aussi, très complexe.

Quand on s’intéresse à la question des drones, en particulier militaires, les questions d’éthique de la guerre sont inévitables. Utilisés notamment pour mener des frappes contre des cibles situées dans des pays (le Pakistan, le Yémen) avec lesquels la nation commanditaire (les États-Unis) n’est pas en guerre, les drones militaires (au moins l’utilisation qui en est faite) mettent à mal notre conception classique de la guerre. D’ailleurs, et encore une fois, devrait-on parler de « guerre », ou plutôt comme le suggère Grégoire Chamayou, de « chasse à l’homme » ? Actuellement exposé au Jeu de Paume, l’artiste Omer Fast interroge, dans un film essentiel – 5000 Feet is the Best (2011)-, une autre dimension de ce problème éthique : les conséquences (psychologiques, morales) sur les « pilotes » à distance de ces machines de mort. Fast s’appuie sur une série d’entretiens réalisés avec l’opérateur d’un Predator et son montage subtil et complexe de plusieurs récits est, lui-même, un exercice d’éthique – sur le quoi et comment montrer, sur le quoi et comment raconter – extrêmement réussi.

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