Archives au feu, une image des cendres.

Hélio Oiticica, Décio Pignatari et José Lino Grünewald sur une image rescapée de l’incendie de la maison de César Oiticica, à Rio de Janeiro, en 2009.
Photo André Durão / Folhapress, 19/10/2009.


Voici un post sur l’amitié. Sur les relations qui naissent peu à peu de certaines affinités parfois évidentes, parfois moins. Avec son œuvre, Hélio Oiticica (1937-1980) fut l’un des artistes à l’origine d’un projet radical — selon le poète Décio Pignatari, tout chez lui était projet, depuis son lit jusqu’aux mots suspendus au plafond — bref, un artiste qui vivait en état permanent d’invention.

Au moment de l’incendie qui détruisit une grande partie des œuvres d’Oiticica entreposées chez son frère, à Rio de Janeiro, en 2009, le cinéaste Ivan Cardoso affirma que le monde s’était arrêté pour lui le jour où il avait pénétré pour la première fois chez Hélio Oiticica, lorsqu’il fit enfin la connaissance du « monde merveilleux de la création ».

Trente ans plus tôt, en 1979, Ivan Cardoso avait réalisé un documentaire intitulé « H.O. ». Comme l’a parfaitement souligné Beatriz Preciado (Oiticia : Pharmacofictions), les écrits et installations d’Oiticica ont durablement marqué et enrichi la littérature expérimentale du XXe siècle. Au Brésil, sa correspondance avec Lygia Clark est un véritable exemple du topos de l’amitié, mais une amitié critique, qui reflète cette période bouleversée par la dictature militaire. Dans une de ses lettres datant de janvier 1972, Hélio Oiticica évoque notamment son intense correspondance avec le réalisateur Ivan Cardoso.

Hélio Oiticica, Décio Pignatari et José Lino Grünewald à Rio de Janeiro, 1978.
Photo : Ivan Cardoso.

Après la catastrophe de l’incendie qui avait réduit en cendres une partie des œuvres et des archives d’Oiticica, le photographe André Durão restitua par une photographie celle prise par Ivan Cardoso en 1978. Hélio Oiticica y est entouré des deux poètes, Décio Pignatari et José Lino Grünewald. Une image qui, parmi les archives rescapées de l’incendie, témoigne d’une époque où le cinéma, les arts visuels et la poésie étaient animées par de fortes convergences esthétiques. Il y avait un sentiment d’urgence. Les relations tissées par Hélio Oiticica dans son travail font partie intégrante de son œuvre, et elles ont été soumises à l’épreuve du feu. Malgré ce désastre, cette photographie d’André Durão nous amène à penser qu’il s’agit d’une image « sous le feu d’un double incendie » [« Sob o duplo incêndio »], pour reprendre le titre d’un poème de Carlito Azevedo.

E.J.
Traduction du portugais : Maïra Muchnik

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