Miguel Ventura

Miguel Ventura, sans titre, collage, 2019. Courtesy de l’artiste.

Dans ses collages, Miguel Ventura (né en 1955, à San Antonio, Texas, actuellement installé au Mexique) juxtapose une multitude d’images apparemment disparates. Bâtiments d’architecture moderne ou contemporaine réalisés par des starchitectes, personnes célèbres, artistes, personnalités politiques, cadavres, quelques svastikas de-ci de-là… Le tout est méticuleusement agencé dans des motifs intriqués. L’artiste avait déjà eu recours à ce type de collage en 2008, dans une immense installation intitulée Cantos cívicos, exposée au Musée universitaire d’art contemporain de Mexico (MUAC). Cette œuvre lui avait valu les foudres des censeurs, une poursuite en justice, et l’accusation de créer « un carnaval de symboles » dans lequel il accolait en effet (mais sans les amalgamer, malgré ce que beaucoup ont affirmé) nazisme et néolibéralisme. L’accueil réservé à cette œuvre a largement neutralisé sa complexité, mettant de côté l’image terrifiante du présent qu’elle offrait. Dans la tradition des avant-gardes, les collages de Ventura juxtaposent des visages, des marques, des fondations et des organisations appartenant au système politique et économique du néolibéralisme. Ils transgressent ainsi les conventions de l’art contestataire de ces dernières années qui font appel à la contre-information, aux témoignages, aux politiques de reconnaissance ou à des productions artistiques de reconstruction du lien social. Ces collages mettent la société mexicaine face aux origines de la violence endémique, c’est-à-dire face au racisme structuré par la colonisation. Ils offrent une image du Mexique « démocratique » bien différente de celle présentée par l’art contemporain, la littérature, le cinéma ou les médias de masse. Pour Miguel Ventura, la modernité est l’utopie d’un progrès aveugle, c’est un alibi pour justifier l’accaparement des biens communs qui a lieu avec la guerre contre le narcotrafic que les autorités mexicaines ont lancée en 2006. L’esthétique moderne et mondialisée, représentée par le slogan à la mode « Mexico is the shit », n’est qu’une façade qui cache la pratique généralisée du kidnapping, les meurtres et les déportations de peuples indigènes dans le pays. La réalité, qualifiée de « dangereuse », sert d’excuse à la militarisation du pays, à la criminalisation de la résistance, aux enlèvements illégaux et autres dispositifs discursifs plus ou moins légaux de la violence d’état.

Irmgard Emmelhainz

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