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Q&A #5: Maïder Fortuné [FR/EN]

Maïder Fortuné, Carrousel, 2010. Video HD Mscope, couleur, sonore, 12 min  Miroir grossissant.

Maïder Fortuné, Carrousel, 2010.
Video HD Mscope, couleur, sonore, 12 min, miroir grossissant.

J’ai rencontré Maïder Fortuné (1973) à Rome. Notre premier échange a eu lieu entre les étagères de la bibliothèque de la Villa Médicis. Je vois encore son visage surgir au milieu des livres. Depuis, nous continuons de parler, d’échanger des textes. Dans ces discussions, les films (les siens ou d’autres) arrivent dans un second temps – comme si la littérature nous mobilisait davantage.

I met Maïder Fortuné (1973) in Rome. Our first exchange was between the shelves of the library at the Villa Medici. I can still see her face looming out from among the books. Since then we have spoken regularly and exchanged texts. In these discussions, films (her own or other people’s) take second place, as if literature concerned us more. Clara Schulmann


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1. Dans son autobiographie, Kim Gordon reproduit un texte écrit par elle dans les années 1980 sur une tournée de Sonic Youth et sa place dans le groupe: « I like being in a weak position and making it strong », dit-elle. Comment parleriez-vous de votre position d’auteur et de cinéaste ?

MF Je crois que pour ma part il s’agit plutôt de ménager une sorte de distance. Les modèles actuels de pouvoir proposés, que ce soit dans le domaine artistique ou politique, m’apparaissent sans consistance. Les fantasmes qu’ils véhiculent me semblent périmés, inopérants.
La logique faible/fort (même si j’entends parfaitement comment la faiblesse peut constituer une véritable stratégie offensive) implique dans son articulation, la fréquentation d’un sol commun, alors que la position qui m’intéresse est plutôt celle de la culture (au sens agricole du terme) d’un espace radicalement autre, un hors-champ, qui invalide, en les éclipsant, la force de ces attractions.
C’est une forme de résistance par la désertion de la doxa du puissant, afin de tenter de maintenir le plus hors de portée possible, un espace de liberté, et de continuer à nourrir le travail depuis la conscience d’une singularité partagée, par une marge plus silencieuse, dont je mesure à contrario la véritable puissance.



2. En général, on écrit seule et on fait un film à plusieurs. Est-ce que cette différence est importante ?

MF Comme tu le dis toi-même cette opposition est une généralité et comme toute généralité elle masque une réalité beaucoup plus complexe dès que l’on considère les cas particuliers.
Il y a dans mon travail filmique différents types de films, réalisés dans des économies très différentes. Certains sont entièrement réalisés seule. Ce sont des films minimaux, qui parfois ne nécessitent même pas de tournage. Le travail se fait dans un silence équivalent à celui de l’écriture. Ce n’est sûrement pas un hasard si ces films-là sont étroitement liés à des textes littéraires dont ils tentent de proposer une traduction. Ce sont des films laborieux, des films de couture, de broderie pourrait-on dire…
À côté coexistent d’autres films, plus lourds en terme de logistique et d’équipe : mes films de studios… Certes dans ces cas-là, le travail n’est plus aussi radicalement solitaire mais là encore, je ne réduirais pas l’expérience de la réalisation à sa dimension collective. Car elle compte beaucoup d’étapes, dont le tournage : bien que collectif, ce temps-là ne recouvre pas l’ensemble. L’écriture reste pour moi le moment crucial. C’est un processus long, résolument solitaire, qui a de nombreux points communs avec celui de l’écriture littéraire. Je pense que c’est ce qui motive mon travail filmique, ce moment-là de solitude avec l’écriture et la projection toute mentale de ce que sera le film. Pour chacun d’eux, j’écris un texte, ce sont les images textuelles qui portent mon désir.
Ensuite oui, vient le tournage, un moment que je redoute toujours un peu. C’est frappant comme la représentation du cinéaste passe la plupart du temps par ces images de tournage, le fameux « making off », elles montrent un réalisateur héroïque entouré d’une armada de techniciens et d’acteurs, un mythe de puissance. Ce sont des photographies d’action, alors que les photographies d’écrivains sont souvent des portraits où l’écrivain ne fait absolument rien d’autre d’autre que se tenir devant l’appareil. L’idée de puissance est très vivace dans le cinéma, et je me suis trouvée à plusieurs reprises en situation de difficulté face à des techniciens qui attendaient de moi, c’est à dire de ma position de réalisatrice, un comportement autoritaire que je ne pouvais absolument pas tenir. Ce moment est difficile car il est en totale rupture avec l’exposition solitaire que demande l’écriture, comme si soudain il fallait plonger dans une logique de testostérones. Bien sûr, le tableau que je dresse est un peu noir, il y a aussi des moments de magie de l’instant qui peuvent être forts…
Le moment où je retrouve le film, est celui de la post-production. Derrière l’ordinateur, au moment du montage et de la post-production, au moment où l’image filmique revient vers l’image textuelle originelle. C’est à nouveau un espace de silence que j’associe à celui de la lecture, il faut lire les plans, encore et encore, afin de construire des possibilités de phrases, une version, une autre, jusqu’à ce que le texte se tienne.

Du côté d’une écriture résolument littéraire, mon expérience est plus récente. J’ai longtemps été inhibée par le geste d’écrire, que je ne parvenais qu’à développer en secret, dans l’ombre du film. Mes dernières expériences sont encore à mi-chemin, les textes étant écrits pour être lus à haute voix dans des contextes performatifs. Elles sont aussi liées à un cadre particulier qui est celui d’une écriture à deux mains, que je mène avec mon amie, l’artiste canadienne Annie MacDonell, elle-même réalisatrice. Ce travail compte donc différentes phases qui articulent des moments de solitude à des temps de construction plus collaboratifs, c’est un jeu d’échange qui est très stimulant.
Ce qui m’a le plus surprise quand j’ai commencé à écrire sans aucune autre visée que celle du texte, c’est la grande liberté ressentie. L’immense plaisir de me savoir seule à l’ouvrage, avec le document Word pour seul horizon. J’étais tout d’un coup délivrée des nécessaires traductions inhérentes au film, que ce soit celles tournées vers la langue de la caméra ou celles tournées vers les équipes.
Au regard de cette succession de glissements d’espaces, l’expérience de l’écriture offre celle d’un bain prolongé dans le même milieu; au début il y a les mots et la page, au milieu encore les mots et la page et à la fin encore les mots et la page. Il me semble que cette unité permet une plus grande proximité avec le risque, un risque plus profond, plus intime, avec l’inconnu de soi… Dans mes expériences filmiques, la surprise vient de ce qui se produit au moment du tournage, de ce qui échappe à ce qui a préalablement été écrit, dans sa rencontre avec le réel (l’espace, les collaborateurs, acteurs techniciens, etc.) elle vient de l’extérieur alors que dans l’écriture, le surgissement des mots, ouvre un espace sidérant, qui est un extérieur de l’intérieur, ou plutôt un autre de l’intérieur, un territoire inconnu de soi.



3. Dans un entretien, la poète Lisa Roberston dit : « … as a very young reader, in the 80s, I constantly felt affronted that I could not find a point of recognition in the extreme masculinist philosophy and literature I was reading. To discover feminist thinking and writing was a recognition that gave me the will to write. That was a very relevant kind of pleasure. » Comment pour vous s’est opérée cette découverte?

MF Enfant, j’ai été confronté à la lourde expérience de la dépression de mon père, une dépression très forte, causée en partie par la violence du système libéral. Mon expérience de lectrice s’est développée dans l’urgence d’un sauvetage psychique qui ne laissait pas de place à un choix très réfléchi. Les auteurs auxquels je me suis agrippée par la suite étaient indifféremment des hommes ou des femmes, ils avaient en commun de travailler à la ruine d’une certaine idée du pouvoir. Je lisais Beckett, Artaud, Kafka, Handke, Duras, ou Woolf, à travers ce même filtre. Mon urgence était celle-là, explorer l’opacité d’un psychisme tremblant, autant que consolider ma conviction des leurres véhiculés par la réussite, l’ambition, le pouvoir. Peu importait le sexe de l’écrivain, s’il portait la cause. Par la suite, mon attention s’est tournée vers des enjeux plus strictement formels, mais là encore, sans distinction homme/ femme.
Ce n’est que plus tard, à un moment qui était peut être plus apaisé, que j’ai pu apprécier les nuances de plaisir de lecture ressenti entre des écritures féminines ou masculines, il y avait un sentiment d’écho beaucoup plus profond, chez les écrivains femmes, la sensation d’un partage qui outrepassait la connivence intellectuelle pour rejoindre une certaine manière de faire l’expérience sensible du monde. C’est à ce moment là que je me suis penchée sur des textes exclusivement féminins qui abordaient la question du travail de l’écriture, et oui, je crois que ce sont ces textes qui m’ont ouvert à la possibilité d’écrire.



4. Cette question concerne les liens entre votre activité artistique et la gymnastique. Quels types d’exercices faites-vous pour écrire ou pour faire un film ?

MF Je n’ai aucune méthode précise. J’ai longtemps considéré cela comme une tare, j’enviais l’idée d’une possible gymnastique comme tu dis, je me disais qu’il devait y avoir là-dedans un appui important à l’exercice aride de la création. A présent j’ai compris que ce que je considérais comme un manque était un acte de résistance, comme si la mise en place d’une méthode induisait un certain rapport à l’efficacité, la rentabilité, comme si la gymnastique rencontrait l’idée de la performance physique qui cherche l’excellence, être le premier arrivé en quelque sorte.
Je ne décide pas du moment où le film va s’écrire. La mise au travail est toujours secrète, elle précède le moment de la concrétisation du désir du film. Il y a tout ce temps ample, ces moments de non-être dont parle Woolf qui s’accumulent parfois ponctués par des éclats de conscience, un travail de l’ombre, nourri de lectures, de films, de discussions avec des amis, et d’expériences d’espaces. De cet humus jaillissent des pensées, qui se meuvent en désirs, qui ensuite sont travaillés en formes, dans des moments de grande concentration, mais la matière première est déjà là, prête à être agencée, manipulée. C’est assez désarmant, ce peu de visibilité sur le mouvement créateur, c’est tout à fait inconfortable, mais je crois que c’est le seul chemin envisageable pour moi.



5. Quel est l’arbre généalogique qui raconterait vos sources, ressources, références dans les deux domaines ?

MF L’arbre généalogique est résolument littéraire. Je l’ai dit, la lecture a été, enfant, une question de survie. Je n’avais personne à mes côtés pour me conseiller, autres que le professeur de français de l’école. Ma première lecture significative a été celle, très jeune, d’un roman de Kawabata, auquel je ne comprenais que des bribes, mais que j’ai vécu comme une expérience importante. Sont ensuite venus les classiques que l’on lit à l’école, je lisais tout, l’important n’était pas de choisir, mais de sentir que je pouvais faire confiance aux livres dans leur capacité a me faire tenir debout. Plus tard, dans mes années de prépa littéraire, il y a eu des rencontres plus précises comme celle de Beckett, du nouveau roman, de Duras, Faulkner, Woolf… Il y avait aussi l’étrange livre de Michelet La Sorcière, au programme du concours de Normale. Je me souviens de l’impression très forte ressentie à la lecture du premier chapitre, situé dans la lande ou la forêt, là où la jeune sorcière découvre l’esprit du foyer. Ma professeur de littérature de l’époque, était une vieille fille aux allures de sorcière, avec un chignon ébouriffé et un cabas démodé qu’elle tirait derrière elle à toute allure en traversant la cour. On disait qu’elle vivait avec sa mère, atteinte d’Alzeimer, et que chaque matin, elle l’attachait avec des sangles à son lit avant de venir faire cours. C’était une image forte qui m’obsédait durant les cours qu’elle donnait sur Michelet. Un jour, je me suis trouvée en tête à tête avec elle pour un oral autour d’un extrait de ce premier chapitre, et il s’est passé quelque chose d’incroyable, je me suis retrouvée en train de citer des passages entiers de philosophes allemands, des phrases latines dont je n’avais pas idée une minute auparavant. C’était un moment de transe, une sorte de grâce. Après plus rien, aucun souvenir précis, sauf celui d’une expérience radicale, qui a, j’imagine, dû laisser quelques traces…
J’ai commencé à faire des films bien plus tard, quand je suis arrivée au Fresnoy, sans être passée par une école d’art ou de cinéma. Ma connaissance du cinéma n’excédait pas les références acquises par ma fréquentation des salles de cinémas d’art et d’essai pendant mes études. Mon réel appui a continué à être celui des livres, et j’ai instinctivement développé des formes filmiques en écho à mes expériences de lecture. Dans l’élaboration de mon langage formel, la rencontre du cinéma structurel américain à été éclairante mais je pense qu’au fond, ce sont davantage les formes littéraires qui ont contribué à l’accompagner.



6. Entre film et écriture, quelle place tient la lecture ?

MF Une place primordiale quoique indirecte.
Quand je suis au travail, je passe plutôt du temps avec mes souvenirs de lecture. Ce ne sont jamais les plus récentes qui sont convoquées, mais les lointaines, celles qui ont travaillé dans l’ombre jusqu’au jour où elles font naitre le désir d’un film. À ce moment là, je ne relis pas les textes, je cherche plutôt à me laisser affectée par leur remémoration approximative. Lentement, viennent des images, des mouvements de camera, des couleurs… Ce n’est pas absolument pas un travail d’exactitude, mais plutôt la culture d’un climat, dans lequel le film va prendre forme.

La lecture occupe l’autre temps, qui est rongé par les multiples casquettes inhérentes à ma vie matérielle. Je lis dans le métro, dans mes trajets de train hebdomadaires, et parfois, les jours de grande fête ou de grande résistance, je lis seule des journées entières à la maison …



7. L’écriture comme le cinéma convoque ou ranime les fantômes. Qui ou qu’est-ce qui vous hante ?

MF Il y a deux semaines j’étais en train de relire des passages du livre de Chris Kraus I love Dick. Comme je voulais noter une phrase dans mon carnet, j’ai retourné le livre sur ma table. Quand j’ai relevé la tête, je suis tombée sur la couverture du livre à laquelle je n’avais pas encore vraiment prêté attention: un carnet de notes ouvert, un stylo noir, un cendrier à moitié rempli de cigarettes, une tasse de café. Mes yeux ont machinalement glissé sur la table, où étaient posés le même carnet noir, le même cendrier à moitié rempli de cigarettes, la même tasse de café. J’ai alors repensé à ma toute première série de photos, des autoportraits en plongée, où j’étais assise, à mon bureau, sur lequel étaient posés un carnet ouvert, à côté d’une tasse à café et d’un cendrier. C’est tout à fait banal, mais oui, la cigarette est encore le relais le plus efficace pour la mise au travail. C’est aussi peut-être inconsciemment à cet endroit de ma vie, la manifestation d’une insoumission toute adolescente à ma responsabilité maternelle.



8. L’écriture comme le cinéma convoque ou ranime les fantômes. Qui ou qu’est-ce qui vous hante ?

MF Je crois que je suis précisément hantée par ces mouvements de remontée, de retour, de cohabitation avec le fantôme. Le langage, littéraire ou filmique, est une manière de seconder mon expérience du monde. Il offre la possibilité d’un travail du réel à retardement. Mon obsession pour les processus mémoriels est celle de cette temporalité paradoxale, l’irruption du passé dans le présent, l’instant où ce qui a été enregistré plus ou moins consciemment, remonte vers la surface du papier, de la pellicule. Je suis tout à fait fascinée par la dimension aveugle et silencieuse de la révélation, dans la chambre noire. C’est un filtre dont j’ai besoin pour traduire le présent de mon expérience. Il y a ce passage dans les Instants de vies où Woolf écrit : « le passé ne me revient que lorsque le présent se déroule tout uniment, qu’il est comme la surface mouvante d’un fleuve profond. Alors la surface laisse entrevoir les profondeurs. À ces moments là, je connais une de mes plus grandes satisfactions, non pas que je pense au passé, mais c’est alors que je vis le plus pleinement le présent, car le présent quand il est renforcé par le passé est mille fois plus profond que le présent quand il vous serre de si près qu’on ne peut rien ressentir d’autre. » On en revient à ma quête de silence dans le travail, loin du brouhaha global, en réponse à ta première question… la boucle est bouclée ?

English version


1. In her autobiography, Kim Gordon reproduces a text that she wrote in the 1980s about a Sonic Youth tour and her place in the band. “I like being in a weak position and making it strong,” she said. How would you describe your position as an author and as a filmmaker or as an artist making films?

MF Personally, I think it’s more a matter of creating a kind of distance. The models of power currently on offer, whether in art or politics, strike me as lacking in substance. The fantasies they bring with them are, I feel, obsolete and no longer operative.
The weak/strong logic (even if I see perfectly well how weakness can constitute a real defensive strategy) implies – if it is to be implemented – that you inhabit a common ground, whereas the position that interests me is more one of cultivating (in the agricultural sense of the word) a space that is radically other, out of the frame, and that eclipses and therefore invalidates the power of these attractions.
It’s a form of resistance in which you eschew the doxa of the powerful, in order to try to maintain a space of freedom that is as far out of reach as possible, and to continue feeding the work from an awareness of a shared singularity, with a more silent margin, whose real power, in contrast, I can measure.



2. In general, writing is a solitary experience and making films is a collective experience. Is this difference important to you?

MF As you have said, this opposition is a generality and, like all generalisations, it hides a reality that, once you start looking at specific cases, becomes much more complex.
The films I have made are of several different kinds, made with very different economies. Some I made completely on my own. They are minimal films. Sometimes they don’t even require a shoot. The work is done in a silence equivalent to that of writing. It’s surely no coincidence if those films are closely connected to literary texts, which they attempt to transpose. These are films that involve labour – sewing or embroidery films, you might call them.
Alongside these are other films which are more cumbersome in terms of logistics and crews: my studio films. Here, the work certainly isn’t as radically solitary, but nor would I reduce the experience to its collective dimension. It involves numerous phases, of which the shoot is one. Although collective, that phase does not cover the whole thing. For me, the writing is still the crucial moment. It’s a long, uncompromisingly solitary process, which has a lot in common with literary writing. I think that’s what makes me want to do films, that moment of solitude with the writing and the very mental projection of everything that the film is going to be. For each one, I write a text. It is the textual images that drive my desire.
Later, yes, there’s the shoot, a moment that I always apprehend a bit. It’s striking how images of the filmmaker usually fix on the shoot, the famous “making of.” These show the heroic director surrounded by a squadron of technicians and actors. A power myth. These are photographs of action, whereas portraits of writers are often portraits in which the writer is doing nothing but standing in front of the camera. The idea of power is very much alive in cinema, and there have been several occasions when I’ve found myself in an uncomfortable position with technicians expecting me – that is, me as director – to show authority in a way that I’m absolutely incapable of doing. This moment is difficult because it’s totally at odds with the solitary exposure called for by writing, as if you suddenly had to throw yourself into a testosterone-fuelled logic. Of course, I’m painting a rather dark picture here. There are also times when you have that magic of the moment, which can be powerful.
The moment I reclaim the film is in postproduction. Behind the computer, during editing and postproduction, when the film image goes back to the original textual image. Here I’m back in the space of silence which I associate with that of reading. You have to read the shots, again and again, in order to construct possible sentences; one version, then another, until the text holds together.
As regards purely literary writing, my experience is more recent. For a long time I was inhibited by the act of writing, which was something I could only do in secret, under cover of film. My latest experiences are still in-between, since the texts were written to be read aloud in performative contexts. They are also linked to a particular context, the two-handed writing that I do with my friend, the Canadian artist Annie MacDonell, who is a director herself. This work therefore involves various different phases which articulate moments of solitude and moments of more collaborative constructive work. It’s an exchange that I find very stimulating.
What most surprised me when I started writing with no other goal than the text itself was this great freedom that I felt. The tremendous pleasure of knowing I was alone, doing the work, with a Word document as my only horizon. I was completely free of all the translations that are part and parcel of film, whether towards the language of the camera or that of the crews.
Compared to this succession of spatial shifts, the experience of writing offers a prolonged immersion in just one environment. At the beginning, there are the words and the page, in the middle, more words and the page, and at the end, yet more words and the page. It seems to me that this unity allows a greater closeness to risk, a risk that is deeper, more personal, involving the unknown part of yourself. In my film experiences the surprise comes from what happens during the shoot, from things that escape what was written beforehand, in its encounter with the real (space, the team, the actors and technicians, etc.). It comes from the outside, whereas in writing the welling up of the words opens this completely disorienting space which is an outside of the inside, or rather, an other from the inside, an unknown territory of the self.



3. In an interview, the poet Lisa Robertson writes: “…as a very young reader, in the 80s, I constantly felt affronted that I could not find a point of recognition in the extreme masculinist philosophy and literature I was reading. To discover feminist thinking and writing was a recognition that gave me the will to write. That was a very relevant kind of pleasure.” Do you share her position? How did you discover feminist thinking and what difference did it make to you?

MF As a child I had the very oppressive experience of my father’s depression, a very deep depression caused in part by the violence of the liberal system. My experience as a reader developed when the urgent need for psychic recue was such that there was no time for more thoughtful choices. The authors I clung to later were men and women, but what they all shared was a way of working that unseated a certain idea of power. I read Beckett, Artaud, Kafka, Handke, Duras, and Woolf, all through this same filter. That was the urgent priority for me, to explore the opacity of a trembling psyche as much as to consolidate my belief in the falseness of the promises of success, ambition and power. The writer’s sex didn’t matter, as long as they furthered the cause. Later, I turned my attention to strictly formal concerns, but there again there was no man/woman distinction.
It was only later, at a time that was perhaps no calmer, that I was able to appreciate the subtleties of the different pleasures to be had from reading male or female writing. There was a sense with women writers that things echoed much more deeply, the sensation of a sharing that went beyond intellectual empathy and had to with a certain form of sensibility, a way of experiencing the world. That was when I started looking at exclusively women’s texts that addressed the question of work and writing, and yes, those I think were the texts that opened up the possibility of writing for me.



4. This question concerns the link between your artistic activity and gymnastics. What kind of exercises do you need to do in order to write or to make a film?

MF I don’t have any precise method. For a long time I viewed this as a weakness. I envied the idea of a possible gymnastics, as you say. I thought it must provide a significant support for the arid exercise of creating something. Now I’ve understood that what I thought of as a lack was an act of resistance, as if putting in place a method induced a certain relation to efficiency and profitability, as if this gymnastics came together with the idea of physical performance that seeks excellence. Being the first to get there, you might say.
I don’t decide the moment when the film gets written. Getting to work is always secret. It precedes the moment when the desire for the film crystallises. There is all this baggy time, those moments of non-being that Woolf talks about that build up, sometimes punctuated by bursts of consciousness. This is work done in the shadows, nourished by reading, films, discussions with friends and experiences of spaces. From all this mulch thoughts spring up and morph into desires, which are then worked into forms in moments of intense concentration, but the raw material is already there, ready to be arranged, handled. It’s fairly disarming, this murkiness of the creative process. It’s very uncomfortable. But I think it’s the only path I could possibly take.



5. Can you describe the family tree showing your sources, resources and references in both fields?

MF The family tree is very much literary. As I have said, when I was a child reading was a matter of survival. I had no one to advise me, except the French teacher at school. My first important experience of reading was a novel by Kawabata. I was very young and only understood little bits, but for me they were an important experience. Then came the classics that you read at school. I read everything. It was important not to choose but to feel that I could trust books, their ability to keep me going. Later, in prépa littéraire, there were more specific discoveries, like Beckett, the nouveau roman, Duras, Faulkner, Woolf. There was also that strange book by Michelet, La Sorcière, which was on the syllabus for the Normale exam. I remember the very powerful impact it had when I read the first chapter, set on the moor or in the forest, when the young witch discovers the spirit of the hearth. My literature teacher at the time was an old maid who looked like a witch, with a ragged chignon and a shopping bag that she tugged behind her when she scuttled across the courtyard. It was said that she lived with her mother, who had Alzheimer’s, and that every morning she strapped her to the bed before coming to give her classes. It was a powerful image that I couldn’t get out of my mind during her lesson on Michelet. One day I found myself face to face with her for an oral about an excerpt from that first chapter, and something incredible happened: I started quoting a stream of passages from German philosophers and Latin sentences I’d never heard of only a moment earlier. Then nothing, no precise memories, except that of a radical experience which, I imagine, must have had some after-effects.
I started making films much later, when I went to Le Fresnoy. I hadn’t been to art school or film school before that and my knowledge of cinema went no further than what I’d picked up when going to art houses during my studies. Books continued to be my real support, and I instinctively developed film forms that echoed my experiences as a reader. My exposure to American structural cinema was certainly enlightening for me when I was developing my formal language, but I do think it was really literary forms that sustained this.


6. Between film and writing, where does reading come in?

MF A key role, albeit an indirect one.
When I’m working I tend to spend time with my memories of reading. The ones that come up are never the most recent but the distant ones, the ones that have worked away in the shadows until, one day, they bring forth the desire for a film. At that moment I don’t reread the texts but I try, rather, to let myself be affected by my approximate recollection of them. Slowly, images arise, camera movements, colours. There is absolutely no exactitude in this work. It’s more a matter of cultivating a climate in which the film will take shape.
Reading occupies the other time frame, the time that is eroded by the many roles inherent in my material existence. I read on the Métro, on my weekly train journeys, and sometimes, on really festive days or when I feel very combative, I spend whole days reading at home.


7.Are cigarettes or other kinds of addiction part of your creative process with writing or moving images?

MFTwo weeks ago I was rereading passages in Chris Kraus’s book I Love Dick. Wanting to write down a sentence in my notebook, I put the back page-down on the table. When I looked up, I was struck by the book’s cover, which I hadn’t really given much thought: an open notebook, a black pen, an ashtray half-filled with cigarettes, a cup of coffee. My eyes went mechanically to my table and to the same black notebook, the same ashtray, half-filled with cigarettes, the same cup of coffee. Then I thought of my very first series of photos, high-angle self-portraits in which I was sitting at my desk, on which was an open notebook next to a cup of coffee and an ashtray. It’s all quite banal, but yes, the cigarette is still the most effective way of getting into working mode. It may also be an unconscious manifestation of a very adolescent rebelliousness as regards to my maternal responsibilities.

8. Writing, like cinema, summons or awakens ghosts. Who or what haunts you?

MF I think, indeed, that I am haunted by these movements of revival, of return, of cohabitation with the ghost. Language, whether literary or filmic, is a way of backing up my experience of the world. It offers the possibility of delayed work on the real. My obsession with memory processes is all about this paradoxical temporality, the irruption of the past in the present, the moment when what has been more or less consciously recorded appears on the surface of the paper, of the film. I am totally fascinated by the blind and silent dimension of revelation, in the dark room. It’s a filter that I need to translate the present of my experience. There is that passage in Moments of Being where Woolf writes: “The past only comes back when the present runs so smoothly that it is like the sliding surface of a deep river. Then one sees through the surface to the depths. In those moments I find one of my greatest satisfactions, not that I am thinking of the past; but that it is then that I am living most fully in the present. For the present when backed by the past is a thousand times deeper than the present when it presses so close that you can feel nothing else.” We come back to my quest for silence in my work, far from the global hubbub, in answer to your first question. We’ve come full circle, no?

Maïder Fortuné

COMING SOON: ALEXANDRA NAVRATIL

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