La cloche, le chant, la corde : trois plis de Pablo Lobato

1. Les contours du corps et de la cloche

La cloche sonne. Elle sonne dans une église du Minas Gerais, au Brésil. Dans plusieurs villes, où les traces du passé colonial sont visibles et ostensibles, sonner les cloches est en effet chose courante depuis le XVIIIe siècle. Cette coutume donna naissance, durant la période coloniale, à des rythmes que les autorités de l’Eglise elles-mêmes ne connaissaient pas, car le sonner de cloche étant une activité réservée aux esclaves, ceux-ci lui insufflaient une cadence ponctuée de rythmes africains.

Dans Bronze Revirado (Pablo Lobato, 2011, vidéo, 4′52″), le tintement que nous entendons permet de montrer qu’une tradition n’est jamais pure et que le baroque est une des sources d’inspiration de l’installation vidéo de l’artiste Pablo Lobato (né à Bom Despacho, Minas Gerais, 1976). Il y a dans cette vidéo une gestuelle des corps, dont les mouvements suivent la cadence de la cloche en bronze, donnant lieu à une chorégraphie. Celle-ci évoque une transe qui semble décalée par rapport aux règles imposées par l’Eglise. Dans Bronze Revirado, le plan est encadré par deux pans de toile noire et le volume de l’image provient en réalité de la masse sonore. Pour maintenir ce rythme, Lobato filme en plan fixe et tout au long de la séquence, les corps restent attelés à cette même tâche : sonner la cloche.

Assurément, les différentes manières de sonner la cloche produisent chacune un rythme, racontent un événement, et sont un signal que la communauté interprète. Celui capté par Pablo Lobato communique que c’est jour de fête, justifiant par là même la présence de ces corps païens qui dansent en sonnant la cloche.

E.J.

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