La première fois, il y a un an ou deux, je les ai vues au fond d’une salle. Les images étaient là, elles m’accueillaient d’une lumière, d’une incandescence, troublante. Je ne comprenais pas de quoi il s’agissait. Du moins, pas immédiatement… « Comme des gisants modernes », entendais-je dire.
Mais les images n’avaient besoin de rien, sauf de leur présence à eux. Le sommeil, le rêve, le corps caché par un tissu, un drap ou un sac de couchage. Invisibles, silencieux, anonymes, réduits à l’état de simples formes. Se reposant, semblant se cacher, s’isolant du monde, refoulés de l’histoire. « Je n’ai rien vu des migrants », nous dit Mathieu. Mais moi, cette fois, je vis les chaussures sous le banc. Comme un indice, une lueur.