Dans les œuvres de Silvia Gruner (née à Mexico en 1959 ; vit et travaille à Mexico), la boucle sert de médium, et la temporalité est une structure mentale qui offre des paysages imaginaires de lieux habitables. Dans ses œuvres, la surface des objets et le fruit de l’imagination se correspondent. La pellicule et la vidéo vont au-delà de leurs statuts d’index pour fonctionner comme des analogies évocatrices d’émotions, d’humeurs ou d’états d’esprit. Son polyptyque La extracción de la piedra de la locura, Planta [L’extraction de la pierre de la folie, Plante], ne peut être interprété. Il ne témoigne de rien en particulier. La pensée occidentale moderne repose entièrement sur la logique de représentation et de ressemblance, soumettant notre monde à un ordre supérieur, imposant des relations hiérarchiques non réciproques où la terre n’est qu’un pâle reflet, une copie abîmée, du règne des idées. La dislocation est un concept central dans les œuvres de Silvia Gruner, grâce auquel elle ne cesse de souligner l’impossibilité d’être identique à soi-même, puisque le moi est en constante métamorphose. Malgré cela, ses œuvres agissent sur la logique de la ressemblance et de la similitude, une forme de relation différente de la représentation. Selon cette logique, chaque être ressemble à tous les autres, car nous sommes tous issus de la même chair et le monde est en constante transformation. C’est un flux continu, un ordre ouvert où de nouvelles formes et de nouveaux sens peuvent surgir de ce qui les précède. La extracción de Gruner fait donc référence à un état mental, l’image devient ainsi le médium où le « je » du passé-présent communique avec le « je » du présent-passé pour permettre une transformation salvatrice.
Irmgard Emmelhainz, 2018
Traduction de l’anglais : Aurélien Ivars