Je vous propose ici le compte rendu du colloque ‘Designing Civic Encounter’ [La conception d’une rencontre civique] (Ramallah, 21-24 juillet 2011), texte qu’Ursula Biemann d’ArtTerritories a écrit spécialement pour ce blog, afin de partager avec nous quelques unes de ses impressions. Elle l’enrichit par ailleurs de nombreuses images, dont certaines nous rappellent avec force que la construction de murs de séparation ou de corridors ne sont jamais des solutions civiquement acceptables pour organiser une société .
« La série de conférences qui a eu lieu à Ramallah la semaine dernière a vraiment été exaltante. Les contributions de ces quatre journées étaient d’une telle richesse que je n’ai pas encore fini d’en assimiler toutes les informations. La rencontre a commencé par un tour exhaustif en autocar dans Ramallah et ses alentours. Cette visite nous a donné une vision concrète des nombreux enjeux abordés ensuite au cours du colloque. C’était formidable de voir tous ces étudiants en architecture de Nablus, d’Hebron et de l’université de Birzeit participer aux activités et se mêler à d’autres jeunes confrères locaux ainsi qu’à un certain nombre de chercheurs internationaux venus à Ramallah pour l’été.
L’autocar était plein jusqu’au dernier siège. Parmi nos multiples arrêts, je garderai particulièrement en mémoire celui de Bir Nabala. Joharah Baker, un résident, nous a expliqué ce que cela signifiait de vivre dans ce lieu qui était autrefois une zone commerciale très fréquentée reliant Ramallah à l’est de Jérusalem. Aujourd’hui il est en grande partie abandonné car le Mur coupe la rue principale sur toute sa longueur, en faisant un cul-de-sac, et la privant ainsi de tout échange vital. La multiplication frénétique de chantiers étend la ville dans d’autres directions. Plus au Nord en Cisjordanie, une ville entièrement nouvelle est en train de se construire, à partir de zéro.
Pendant le colloque, ces récentes tendances néolibérales de planification urbaine ont été évoquées par des intervenants comme Rami Daher, habitant d’Amman, où d’anciens quartiers modestes du centre ont été rasés pour faire place à de gigantesques centres commerciaux. Ces terribles exemples trouvent un écho dans les développements nouveaux en Palestine. Mais ici, il y a beaucoup plus d’efforts en matière de pédagogie urbaine : de jeunes architectes se réunissent pour échanger leurs connaissances sur des modes de construction plus durables et traditionnels dans les contextes urbain et rural, avec le souci de réintégrer des villages dans l’économie urbaine. Ce qui est ressorti des discussions intenses de ces deux jours de colloque, c’est qu’une intégration des fonctions sociales et économiques est nécessaire pour rendre les projets urbanistiques actuels viables, quelle que soit leur échelle. La journée d’étude de Teddy Cruz a été entièrement centrée autour de cette question : comment concevoir et planifier efficacement les espaces publics, afin de développer les emplois locaux, de renforcer l’interaction sociale, et ainsi d’animer des quartiers entiers.
On aura également porté une grande attention à la production esthétique, dans et sur la ville, comme source d’inspiration et de formation de l’imaginaire social des citoyens. Les contributions les plus marquantes ont été l’archive urbaine de Hangar de Beyrouth, la conférence-performance poétique de Shumon Bazar sur Dubai, et celle de Yazid Anani, qui entrelace avec élégances des figures littéraires et la pratique de la promenade dans les paysages palestiniens comme forme de production de connaissance.
Cette rencontre sera entièrement archivée sous forme de vidéos et d’une publication en anglais et en arabe, bientôt disponibles sur ArtTerritories. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez être prévenus de leur mise en ligne. »
Version anglaise:
« The series of events in Ramallah last week was truly exhilarating, I’m still in the process of digesting the density of inputs during the 4 days. It started with a comprehensive bus tour in and around Ramallah, providing us with a grounded view on many of the issues that were being addressed in more depth during the following days at the symposium. It was great to see how many architecture students from Nablus, Hebron and Birzeit University joined the events, mixing with other young local practitioners and a good number of international researchers who populate Ramallah during the summer months.
The tour was booked to the last seat. Among the many stops we made, the one in Bir Nabala particularly sticks to my mind. Joharah Baker, a resident explained to us what it means to live in this formerly very busy commercial area connecting Ramallah with East Jerusalem, which is now largely abandoned since the Wall runs across the main street, cutting it off from all vital traffic and turning it into a dead end. Frantic construction activities expand the city in other directions. Further north in the West Bank, there is an entirely new city that’s being built from scratch.
At the symposium, these recent neoliberal trends in urban planning were addressed by speakers like Rami Daher from Amman where old modest neighborhoods in central locations were cleared to make room for huge shopping malls. These horrific examples resonate with the new developments in Palestine as well. But there is much effort in urban pedagogy here, where young architects gather and mediate knowledge about traditional and more sustainable forms of building in the urban and rural context, reintegrating villages into the urban economy. Emerging from the intense discussions during the two days is that an integration of social and economic functions is necessary to make the current urbanizing projects viable on any scale really. The full day workshop with Teddy Cruz was focusing entirely on this question of how to effectively design and program public spaces, developing livelihood and social interaction and hence animating entire neighborhoods.
Much attention was also given to aesthetic production in and on the city as a way of inspiring and forming the social imaginary of citizens. Hangar from Beirut with their urban archive, Shumon Bazar’s poetic performance lecture on Dubai, and Yazid Anani with his elegant way of intertwining literary figures with the practice of walking the Palestinian landscape as a form of knowledge production, are most memorable.
The entire event will be documented in video and through a publication in English and Arabic on ArtTerritories. Let us know if you’d like to receive information on when it’s up. »