La chute d’Icare

Jeff Wall, Boy Falls from Tree, 2010. Photographie couleur, 305,3 x 226 cm. Courtesy of the artist. UIUI 04.

 

Cet article offre un compte rendu de l’exposition ‘The Crooked Path’ de Jeff Wall, qui se tient actuellement au Palais des beaux-arts à Bruxelles (27 mai – 11 septembre 2011). Il intègre une impression de la photographie la plus récente de Wall, reproduite ci-dessus.

Cette exposition emprunte son titre à la photographie placée à l’entrée : un cliché pris par Jeff Wall en 1991, qui représente un chemin de marche serpentant à travers un terrain vague près d’une zone industrielle urbaine. En dialogue étroit avec le curateur Joël Benzakin, l’artiste a composé une sélection minutieuse de ses propres travaux depuis le début des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Le principe directeur de l’exposition consiste à offrir un aperçu privilégié des premières influences artistiques de Wall, dont font partie Marcel Duchamp, Ian Wallace et Frank Stella. L’exposition inclut également des œuvres de ses contemporains – tels que Martin Honert, Stephen Waddell et Christopher Williams –, donnant ainsi une idée des artistes actuels auxquels Wall porte le plus d’intérêt.

Fournir un tel regard en profondeur sur le cadre conceptuel de l’artiste constitue un geste généreux. On y apprend que l’horizon contextuel extraordinairement vaste de Wall est composé de manière éclectique à partir de sources littéraires, de l’histoire de la photographie et du cinéma, des peintures historiques du XIXème siècle, de l’échelle des Minimalistes et de la récente photographie-tableau telle qu’elle est pratiquée notamment par Andreas Gursky et Thomas Struth. Dans la mesure où cette exposition avance un canon personnel de l’histoire de l’art, il s’agit aussi d’une entreprise vulnérable. Parmi une sélection de plus de 50 références n’apparaissent que deux femmes : Diane Arbus et Helen Levitt.

Le visiteur sort de l’exposition avec un énoncé clair : avant tout chose, l’art est autonome et a pour fonction de représenter une illusion poétique. Wall admet que certaines formes de peinture contemporaine et d’art filmique – celles notamment de Luc Tuymans et David Claerbout – remplissent les conditions pour atteindre cet objectif. Cependant, il reste attaché à la photographie comme outil privilégié pour composer un habile moment de bonheur. La dernière photographie de Wall, Boy Falls from Tree (2010), est exposée ici pour la première fois dans le monde. Il s’agit d’un tirage en couleur jet d’encre de grand format, composé numériquement, qui montre un instant de beauté, classique et maîtrisé – celui qui précède de peu le climax dramatique. Cette photographie défend les idéaux esthétiques transmis depuis le XVIIIème siècle, et s’inscrit dans un métarécit : les arts picturaux sont un élément de pacification, insufflant un brin de sérénité.

Ce texte est également publié en anglais sur artforum.com

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