Portfolio – le magazine http://lemagazine.jeudepaume.org Wed, 16 Dec 2020 21:24:57 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.6.4 http://lemagazine.jeudepaume.org/wp-content/uploads/2015/12/logo-noir-couleur-disc-140x140.png Portfolio – le magazine http://lemagazine.jeudepaume.org 32 32 “Lisière“ d’Anne-Lise Broyer http://lemagazine.jeudepaume.org/2015/09/lisiere-danne-lise-broyer/ Tue, 08 Sep 2015 08:00:23 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=22444 « Dans la lumière de fin de journée une photographie est posée sur un chevalet au milieu de la grande table en bois. Anne-Lise Broyer travaille, concentrée et silencieuse, crayon et gomme à la main… » H. Giannecchini

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« Jacques, avez-vous déjà vu un
daguerréotype ? C’est à la fois un négatif, un
positif, et un miroir. On voit en même temps
et le support, et l’image, et soi-même ; l’objet
le plus étrange au monde, en somme. »
Alix Cléo Roubaud

Dans la lumière de fin de journée une photographie est posée sur un chevalet au milieu de la grande table en bois. Anne-Lise Broyer travaille, concentrée et silencieuse, crayon et gomme à la main. Avec un infini soin elle trace des sillons noirs puis les estompent pour faire frémir un bosquet de feuilles au premier plan de son image. Voir Anne-Lise Broyer dans ce temps secret de la création est une chance parce que ses photographies ne sont pas une simple surface mais un pli qu’il faut ouvrir pour que s’y dévoilent Marguerite Duras, Georges Bataille, Bernard Noël ou Pierre Michon qui innervent ses recherches, le corps rendu à son animalité primaire dans le temps de la prise de vue ; parce que des heures de dessin minutieuses jusqu’à l’égarement font vibrer le monde enregistré sur la pellicule.

Anne-Lise Broyer évolue sur une ligne de crête, habite une lisière ; celle de l’heure bleue où le jour se coagule lentement à la nuit, celle de la blancheur où la photographie est poussée jusqu’au bord de sa disparition. Dans le moment de la chambre noire, avec son tireur, elle choisit de ne révéler que certains endroits de son négatif, de pousser la photographie dans ses gris. Elle se donne un squelette d’image qui émerge de la blancheur froide du papier photogénique. Ensuite, elle dessine, prolonge et module le réel à la mine graphite qu’elle mêle à la gélatine. En passant devant ses œuvres, la lumière réfléchie sur les brillances perturbe notre regard : elle anime les reliefs, rend la matière vivante, inverse les valeurs, ravivant une mémoire primitive de la photographie où chaque image était à la fois « négatif, positif et miroir ».

Du grain, des gris : Anne-Lise Broyer cherche une photographie dénuée de la grandiloquence des effets, comme une écriture blanche ; simple mais acérée. Au spectateur de déployer ce territoire poétique ; à lui de révéler l’image latente.

Hélène Giannecchini, 2015







Née en 1975, Anne-Lise Broyer passe son enfance et son adolescence dans la région de Mâcon. Elle intègre ensuite l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris puis l’Atelier National de Recherches Typographiques. Ses ouvrages sont publiés aux éditions Filigranes, aux éditions Nonpareilles et aux éditions Verdier. Elle expose régulièrement en France et à l’Étranger. Son travail est représenté par La Galerie Particulière à Paris et à Bruxelles.

Actualités :

Documents 1929-2015, à l’URDLA (Villeurbanne), en Focus du programme Résonance de la Biennale de Lyon, commissariat Léa Bismuth, avec la collaboration de Cyrille Noirjean. Exposition collective. Du 05 septembre au 14 novembre 2015.
Being Beauteous, exposition collective avec Anne-Lise Broyer, Nicolas Comment, Amaury da Cuhna et Marie Maurel de Maillé, à l’abbaye de Saint-Florent-Le-Viel, du 02 octobre au 5 novembre 2015, puis au Musée de La Roche-sur-Yon du 28 novembre 2015 à février 2016.
Les Fragments de l’amour, à CAC La Traverse, Centre d’art contemporain d’Alfortville, commissariat Léa Bismuth. Exposition collective. Du 08 décembre au 12 mars 2016.
Regards de l’égaré, exposition personnelle à La Galerie Particulière, Paris, printemps 2016.



Site de l’artiste
Exposition Documents 1929 – 2015 / URDLA

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“Déserteurs” de Stéphanie Solinas http://lemagazine.jeudepaume.org/2015/07/deserteurs-de-stephanie-solinas/ Mon, 06 Jul 2015 09:00:46 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=22100 Une proposition d'Hélène Giannecchini.

Trois « sentinelles » président à ce travail : Alphonse Bertillon, père de l’identification judiciaire, Nadar, maître du portrait et Valentin Haüy, premier instituteur des aveugles.

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« Si la vie n’est qu’un passage,
notre souvenir gardera ton image » 1

Dans l’église Saint-Eustache, en novembre 2014 j’ai découvert Déserteurs de Stéphanie Solinas. Cette œuvre dense qui s’ouvre par strates s’est imposée comme un bouleversement.

Trois « sentinelles » président à ce travail : Alphonse Bertillon, père de l’identification judiciaire, Nadar, maître du portrait et Valentin Haüy, premier instituteur des aveugles. Tyrannie de l’image, portrait psychologique, cécité ; ces trois figures interrogent la vision comme lieu de l’identité.

L’emplacement de leurs tombes dans le cimetière a imposé un dispositif: Déserteurs est construit sur un triangle qui rappelle le trajet des rayons lumineux venant frapper l’œil humain. Ce triangle est la forme sur laquelle se déploie l’œuvre, à l’échelle de Paris — en reliant le Cimetière du Père Lachaise, la Société Française de Photographie et la Chapelle de la Sorbonne —, et dans l’Eglise Saint-Eustache en unissant les bas côté nord et sud et la chapelle Saint-Louis.

Le protocole scientifique choisi par Stéphanie Solinas structure son œuvre avec une rigueur qui a la puissance de l’obsession.

Déserteurs s’articule autour de 379 disparitions que Stéphanie Solinas a recensées dans les allées du Père Lachaise : ces photographies de défunts que l’érosion et le temps ont fait disparaître des tombes. Un double anéantissement. Retirés du monde et de leur image ils ont été deux fois dissouts. Stéphanie Solinas photographie des photographies détruites. Avec un poinçon elle y indique, en braille, les coordonnées géographiques de la sépulture, redonnant aux morts effacés un endroit, un lieu de mémoire, un emplacement à déchiffrer.
Ces images disparues ont une force de sédition qui se dégage de leur mélancolie. Et si dans un monde où l’image contrôle sous des airs de divertissement, la liberté était à trouver dans l’anonymat ?


Hélène Giannecchini, 2015










Stéphanie Solinas, site officiel
“Experimenting Continuity” / Cosmos Arles Books aux Rencontres d’Arles, 2015

References[+]

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“Matières” de Juliana Borinski http://lemagazine.jeudepaume.org/2015/05/matieres-de-juliana-borinski-2/ Tue, 19 May 2015 12:57:12 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=23577 “Ce rapport entre ce que l’image a de moins, privée qu’elle est de profondeur, et ce qu’elle a de plus, sa capacité à contenir des choses absentes, semble sa qualité première.” Tristan Garcia, L’Image, éd. Atlande, 2007 Ce sont des photogrammes de papier sensible, des rectangles blancs pliés, mouvementés par des reliefs gris. Dans la[.....]

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“Ce rapport entre ce que l’image a de moins, privée qu’elle est
de profondeur, et ce qu’elle a de plus, sa capacité à contenir
des choses absentes, semble sa qualité première.”

Tristan Garcia, L’Image, éd. Atlande, 2007

Ce sont des photogrammes de papier sensible, des rectangles blancs pliés, mouvementés par des reliefs gris. Dans la série Between Humiliation and Happiness, Juliana Borinski surexpose le papier pour le rendre absolument noir. Elle le froisse ensuite, avant de l’exposer à nouveau sur une surface vierge. La feuille sensible se déplie, cherche à retrouver sa forme initiale pendant ce second moment de chambre noire. Le papier initialement blanc, obscurci par la lumière, reprend alors de sa blancheur initiale et sort de sa platitude pour proposer une profondeur.
Ces photographies sont faites sans appareil, comme l’artiste aime à le rappeler. Ce  sont des images vides, aucune bribe de monde n’y a été enregistrée : des photographies de ce qu’est primitivement la photographie : de la chimie activée par la lumière sur une surface plane.
Les saillies des pliures animent les rectangles clairs, parviennent à susciter d’autres images. Il m’a parfois semblé distinguer dans les photogrammes de la série Between Humiliation and Happiness, des fragments de corps : des bribes de dos sinueux, des omoplates creusées.

Juliana Borinski interroge le médium et renoue avec les expérimentations des premiers temps de l’histoire de la photographie. Elle a développé un rapport fort à la matérialité de l’image : travaillant avec des pellicules endommagées, des diapositives brisées. Souvent son œuvre s’élabore dans des images détruites. L’artiste explore une diversité de techniques, utilisant le microscope, la radiographie. Elle fait de l’accident son sujet, montrant les anneaux de Newton si redoutés des photographes ou des amorces de pellicules insolées.
Pour la série From the color dark room, Juliana Borinski a réalisé des photographies avec des chutes de filtres couleurs. Ces photogrammes ne sont pas en noir et blanc mais en couleurs. Ces images inédites rencontrent en écho l’esthétique constructiviste et minimaliste. Les formes colorées, créent un vertige géométrique, se recouvrent les unes les autres.

Il est rare dans un temps où le numérique a bouleversé les usages de la photographie, de rencontrer une artiste qui renoue avec les premières techniques de l’image, mais de manière contemporaine. Pas de nostalgie, mais une démarche prônant l’unique, résolument technique, désintéressée de la représentation et profondément plongée dans la matière même de l’image.

Hélène Giannecchini, 2015

Juliana Borinski est une artiste germano-brésilienne basée à Paris. Elle travaille avec des images fixes et en mouvement dans le champ de la photographie et du cinéma expérimentaux. Elle s’intéresse à la frontière entre la production d’images et leur destruction, entre l’iconographie et l’iconoclasme. Elle est représentée par la galerie Jérôme Poggi.

Juliana Borinski, vue de l’installation Blank Volume I, medias mixtes, 2014
© Juliana Borinski / Courtesy Galerie Jérôme Poggi

Site de l’artiste
Galerie Jérôme Poggi

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“A palm tree is a palm tree is a palm tree” de Bruno V. Roels http://lemagazine.jeudepaume.org/2015/03/bruno-v-roels/ Mon, 16 Mar 2015 13:04:04 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=20902 Une proposition
d'Hélène Giannecchini

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Palmiers – Répétitions

Un même palmier répété cent fois, des rangées de dix photographies du même arbre alignées pour former une unique œuvre : « A Palm tree is a palm tree is a palm tree ». Le titre convoque d’emblée Gertrude Stein et avec elle, son goût de la répétition.

Dans le travail de Bruno V. Roels, il n’y a pas d’image unique mais des copies qui sont autant de variations. Un même négatif a permis l’éclosion de possibilités : le sujet reste identique, le même arbre a été enregistré sur la pellicule, mais sa matérialisation sur la surface sensible change. En travaillant au tirage, le photographe a fait varier les densités et les valeurs d’exposition. Le palmier photographié est le même, sa présence sur le papier toujours différente, tantôt presque effacé, il émerge parfois à peine d’une étendue noircie.

Pourquoi cette frénésie de duplication ? Tous les photographies sont également intéressantes pour l’artiste : il n’y a pas de hiérarchie, d’image première, d’original. La reproductibilité de l’image est un possible qu’il n’est pas nécessaire de réguler artificiellement comme l’exige le marché.

Sur certaines, des taches, abrasions ou égratignures, singularisent le tirage. Ces images sont issues de la collection intime de Bruno V. Roels qui photographie quotidiennement des choses, des paysages, des personnes côtoyées et ancrées dans des situations singulières. Chaque photographie lui rappelle ainsi un moment, ce sont des souvenirs et qu’importe si certaines sont abîmées puisque la mémoire est imparfaite.

Ce travail évoque les pratiques conceptuelles, mais Bruno V. Roels refuse toute approche typologique du réel. Il ne veut pas classer mais produire des différences, désordonner l’exacte ressemblance. Il travaille en métaphysicien plus qu’en scientifique, sa question est celle de l’autre et du même. Il reprend à son compte le fonctionnement de tumblr, plateforme de partage d’images et de textes, où la même photographie diffusée des dizaines de milliers de fois perd son origine pour n’être qu’une répétition. Le titre de l’œuvre « A palm tree is a palm tree is a palm tree » semble alors être un refrain que l’on pourrait répéter ad libitum.

Hélène Giannecchini, 2015

Bruno V. Roels, photographe

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“Images inquiètes” de Manon Bellet http://lemagazine.jeudepaume.org/2015/02/manon-bellet-helene-giannecchini/ Fri, 06 Feb 2015 15:00:11 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=20286 Une proposition d'Hélène Giannecchini, 2015

L’œuvre de Manon Bellet est un dénouement. Ses images ne sont pas simplement le résultat d’une prise de vue et d’un tirage, mais d’une somme d’actions complexes, d’un temps lent d’élaboration.

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Hélène Giannecchini présente un nouveau cycle
de portfolios : “Périls de l’image”

L’œuvre de Manon Bellet est un dénouement. Ses images ne sont pas simplement le résultat d’une prise de vue et d’un tirage, mais d’une somme d’actions complexes, d’un temps lent d’élaboration. La préparation des enduits chimiques, l’exposition répétée au soleil, le décollement, ou l’apposition d’une source de chaleur, nous n’y aurons accès que dans la légende. Nous arrivons après l’atelier, ce moment du faire, après la chorégraphie au radiateur sur papiers thermiques, le décollement du polaroïd et le froissement.

Ce dénouement qu’est l’apparition du travail sur les cimaises n’est pourtant qu’un premier moment ; le sien. L’artiste nous invite ensuite à accomplir une disparition : marcher dans l’exposition et, au hasard des mouvements que notre corps imprime dans l’air, faire chuter les brisures calcinées d’une de ses œuvres monumentales faite de papier de soie brûlé et collé au mur. Cette dégradation par ceux qui regardent rejoue celle de l’élaboration. Son travail est une double résolution.

Dans la série Toxicité radieuse, Manon Bellet éprouve l’image : une fois la photographie prise, l’artiste l’oublie au soleil. Premier péril : la lumière qui a causé l’image, maintenant l’altère et la dissout. Puis l’artiste décolle le positif de son dos négatif empli de chimie et ne garde que cela pour nous découvrir une mémoire d’image défaite. Impossible à fixer parfaitement, ces œuvres se transforment. Comme les rayons lumineux, la chimie, condition même de l’apparition de la photographie, la menace maintenant d’anéantissement. Exposé, ce travail s’altère. Ce sont des photographies du vestige, des révélations mobiles d’une réalité qui s’est retirée. Pourtant, on croit parfois pouvoir reconnaître quelque chose parmi les restes noirs et les bribes liquides.

Manon Bellet interroge la photographie : elle s’empare de procédés aussi différents que le cyanotype ou le polaroïd, ou en transpose les principes. Quand ce n’est pas la lumière qui impressionne une surface sensible, c’est une source de chaleur qui noircit des rouleaux de papiers fax comme dans les Imageries du Hasard. Apparaissent alors des paysages aléatoires et diffus.

La chimie et l’optique œuvrent toujours mais de manière inédite : dans la série de cyanotypes Diaphane, des lentilles pratiquement planes sont déposées sur une feuille et exposées à la lumière. L’ombre portée de la lentille bougée par le cours du soleil donne une impression de volume.

Le travail de Manon Bellet se passe de la figuration du monde et ne présente le visible qu’au terme d’une soustraction. Pourtant à chaque image des figures sensibles émergent, sans que l’on puisse déterminer si elles se forment à même le papier où si notre œil les assemble à la surface de l’œuvre.

Hélène Giannecchini, 2015



Manon Bellet est née en 1979. Elle vit et travaille à Berlin.
Plus d’informations sur www.manonbellet.com
Exposition « Il y aurait tout cela encore » en cours à la Galerie Gisèle Linder

Hélène Giannecchini est historienne de la photographie et écrivain. Lauréate de la mention spéciale de la bourse Roederer elle a été chercheur invité à la Bibliothèque nationale de France et co-commissaire de l’exposition “Alix Cléo Roubaud. Quinze minutes la nuit au rythme de la respiration”. En 2014 elle a publié Une image peut-être vraie. Alix Cléo Roubaud aux éditions du Seuil dans la collection la librairie du XXIème siècle.

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Jasper de Beijer: “Udongo” [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/07/jasper-de-beijer-udongo-en/ Fri, 25 Jul 2014 10:08:56 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17821 Version française Ever since his early work at the turn of the 2000s, Jasper de Beijer (Netherlands) has been concerned with the question of representation, with the image as an essential element in the construction of history and as a vector for mythology and cliché. Although his main medium is now photography, Beijer has also[.....]

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Version française

Ever since his early work at the turn of the 2000s, Jasper de Beijer (Netherlands) has been concerned with the question of representation, with the image as an essential element in the construction of history and as a vector for mythology and cliché. Although his main medium is now photography, Beijer has also used drawing and sculpture. For Udongo, shown here, the artist cobbled together pictures in his studio, images that point us to the necessarily fabricated and simplistic images we have of a territory that is as vast as it is complex: Africa.

Raphaëlle Stopin Let’s first give an idea or reminder of the series preceding Udongo, to put it in the broader context of your work. One of your first series, Buitenpost, explores the territory of Indonesia, obviously linked to the Netherlands by its colonial past. Then came The Devil Drives, based on the narration of a trip made to the African Great Lakes region by the explorer Richard Burton in the 1860s. Immediately after that you crafted the Cahutchu series, which recalls the glorious past of Manaus at the time of the rubber industry during the second half of the 19th century.
Then came Heroes and Ghosts, which triggers the image of Japan, Le Sacre du Printemps, unfolding scenes of World War I and finally The Riveted Kingdom, evoking the great age of industrial invention in United Kingdom.
As diverse as these subject matters are, in terms of the culture and the time period they are rooted in, they are all subjects with a strong visual mythology, be it that of the colonial farmer, the white explorer or the Japanese warrior. They also share a sense of times that are definitively lost, times of empires which were about to collapse, times of grandeur and decadence, that could remain in our minds for decades and centuries only through enduring imagery.
Given that each of these series reassess existing imagery, are images always a starting point?


Jasper de Beijer Not always. Sometimes I am triggered by travel reports or (a series of) objects in a museum. And sometimes I see a documentary that is so unbelievably bizarre that it is hard to believe it is the truth.

RS As I said previously, your work involves a variety of practices.
Can you go back over your artistic background and how you first came to use photography?

JdB I was actually a sketch artist, making large drawings that were quite suggestive of nature. I started using scale models as a reference for the drawings. Then I realized that the suggestion of looking at a photo always implies a kind of testimony. I suddenly understood that I could present my fantasy worlds as testimonials of non-existent places or phenomena.

RS The actual creative process for each of your images is very long, from the time spent documenting, then physically crafting this imaginary world, and acting it out, to assembling the different materials (photographs, patterns from internet) and composing the final image on the computer screen. How important is time in your creative process – the duration of the making?

JdB The time it takes to get it transformed into an image is often too long, but it needs time to ferment, so to speak. Once my imagination starts working with a certain kind of topic, it means that at the end I will be inside this imagined world. It’s like building a ship; you see yourself sailing the waves, but in the docks there is a static massive object that needs to be dragged to sea at the end of the building process. And everything that felt so lumpy and heavy to handle in the beginning is suddenly at sea, where all those elements fall into place and the big lump of steel becomes weightless and every part serves its purpose. That is what I feel when I look at the first prints in the lab.

RS Once the idea is established, and you have your documentation, do you go on site – in Indonesia for Buitenpost, or Africa for The Devil Drives – to compare the imagery to today’s reality, or do you stay within the fantasy of these old worlds?

JdB That depends. In the first place my starting point is that I don’t deal with reality, but the residue of it. For most people this is reality, because it is the only thing they get to see. I know that it is only one angle we are looking at. To that extent I am often dealing with Baudrillard’s simulacrum theory. It’s funny, they always talk about Plato’s cave, but the shadows are just Indonesian puppet play. Forget reality and enjoy the interpretation.


I do travel to a lot of places that play the lead role in my work, but I know that it’s impossible to catch reality and put it in a jar. When you pin the butterfly to the cardboard it is suddenly a decorative piece, and you can’t imagine it flying any more.

RS Does the confinement of the studio help you to achieve this sense of alienation that most images share, of a world actually shaped by the limitations of the image?

JdB Absolutely. I need to be alone and fed by the information I need, and to build layer after layer until it looks like a more purified and filtered version of the part of reality I started with, at the same time getting alienated from it.

RS In Udongo, as well as in the latest Marubunta (on the Mexican narco crime scene), you are dealing with today’s imagery. 
The mythology of these territories is much more recent, and certainly less powerful in our minds. This is not a literary mythology, but something purveyed by media, news, and film culture. 
How did you shift from historical subjects to modern topics? Do these works respond to some sort of concern on your part with how we (media society) maintain a sort of colonial age by narrowing down these “exotic” territories into the clichés we build about them?

JdB In some sense it is just modern history. History (as it is told and passed on) is a series of nicely bundled packages that have clear connections with each other, like cause and effect for instance. If we don’t do that, history becomes chaos with so many factors influencing it that there is no logic in the story. But in reality history has no logic and the cause and effect are far more complicated than we think. The media can be compared with writing history; they make packages that are easy to swallow and they try to pinpoint the relation between events to make it understandable. In that way history and the media have that in common: they write a saga, with good guys, bad guys, stories with bad or happy endings. But this is not the way the world works.

RS With some of your series (Le Sacre du Printemps, about World War I; The Riveted Kingdom and the very recent Wir sind das Gedächtnis, on the great monuments of Germany which were torn down during World War II and that you imagine rebuilding with sundry found material) you approach a territory that is much closer – both geographically, culturally and historically speaking: Europe, in the 20th century. Was the remoteness of the places you first explored (Indonesia, Manaus, Africa etc.), and the exoticism it carried with it, something you need in order to achieve the right distance to build your own fantasy and image? Did these works help you question the imagery of our modern culture more precisely?

JdB You have a point there. In the beginning of my career it was much easier to put exoticism in a jar and study it. Now I know that this mechanism works the same everywhere, from my doorstep to the dark jungle of the Amazon. I am very happy that I am not a scientist who has to explain the wonders of the world. I can just lie back and enjoy the narrative, disregarding the truth. Scientists say there are eleven dimensions. So what kind of reality can we derive from only four?


Jasper de Beijer, based in Amsterdam, is a graduate of the Amsterdam School of the Arts and of the Autonomous Design programme of the Utrecht School of the Arts. His work has been presented in numerous solo and group exhibitions, and is included in a large number of collections, including those of Bank of America and Rabobank. Institutions that have exhibited his works or that represent him as a gallery include The Hague Museum of Photography, the Museum of Contemporary Art Denver, Museum Het Domein (Sittard), Asya Geisberg Gallery (New York), Galerie Nouvelles Images (The Hague), Galerie TZR (Düsseldorf), Hamish Morrison Galerie (Berlin, Germany) and Studio d’Arte Cannaviello (Milan). De Beijer’s work can also be seen at major international art fairs like PULSE New York, SCOPE Miami, photo l.a. and other events.



www.debeijer.com

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Jasper de Beijer: “Udongo” [FR/EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/07/jasper-de-beijer-udongo-fren/ Fri, 25 Jul 2014 10:08:13 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17831 Un portfolio présenté par Raphaëlle Stopin.
Le travail de Jasper de Beijer (Pays-Bas) aborde la question de la représentation, de l'image en tant qu'élément essentiel à la construction de l'Histoire, et à ce titre, en tant que véhicule de mythologies et de clichés.

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English Version

Le travail de Jasper de Beijer (Pays-Bas) aborde, depuis ses prémices au début des années 2000, la question de la représentation, de l’image en tant qu’élément essentiel à la construction de l’Histoire, et à ce titre, en tant que véhicule de mythologies et de clichés. Si sa forme ultime est celle de la photographie, l’œuvre de Jasper de Beijer investit au préalable d’autres médias dont le dessin et la sculpture. Avec Udongo présenté ici, l’artiste façonne de toutes pièces dans son studio des tableaux qui nous renvoient à l’image elle-même fabriquée et forcément simpliste d’un territoire aussi vaste que
complexe : l’Afrique.

Raphaëlle Stopin Tout d’abord, situons Udongo dans le contexte plus large de votre œuvre, en rappelant ici les séries qui l’ont précédée : une de vos premières séries, intitulée Buitenpost, explore le territoire de l’Indonésie, évidemment lié à celui des Pays-Bas par son passé colonial. Vient ensuite The Devil Drives, inspiré du récit par Richard Burton de son voyage dans la régions des Grands lacs d’Afrique équatoriale (côte est), publié au début des années 1860. Immédiatement à sa suite, vous réalisez la série Cahutchu, qui rappelle le passé glorieux de Manaos (Nord-Ouest du Brésil) à l’heure du boom de l’industrie du caoutchouc dans la deuxième moitié du 19e siècle. S’ensuit Heroes and Ghosts, qui aborde l’imagerie du Japon ; Le Sacre du Printemps qui déploie des tableaux de la Première Guerre Mondiale et enfin Riveted Kingdom, série évoquant le grand âge de l’invention industrielle au Royaume-Uni. Si ces sujets sont très différents les uns des autres, en terme de culture et de période historique abordées, ils partagent un trait commun : ce sont des territoires porteurs d’une mythologie puissante, que ce soit celle du fermier colonial, de l’explorateur blanc en terre noire ou du guerrier japonais. Ils sont également marqués par un même sceau, celui de temps à jamais révolus, d’empires voués à leur perte, des périodes de décadence annoncée, voire consommée, dont le souvenir a perduré grâce à l’imagerie tenace qui leur est attachée.

Vos séries tournent autour d’une matière existante, mettant parfois même les deux pieds dedans, cette matière étant celle de l’image collective véhiculée par le sujet. L’image (d’archive, vernaculaire) est-elle toujours le point de départ de vos séries ?

Jasper de Beijer Ce n’est pas systématique. Je peux également être attiré par des récits de voyage ou par une série d’objets aperçue dans un musée. Parfois encore, je vois un documentaire abordant un sujet si étrange que son caractère irréel me stimule aussitôt.

RS Vous mêlez au sein de votre travail différentes pratiques. Quel est le premier medium que vous ayez abordé et comment en êtes-vous venu à la photographie ?

JdB Je pratiquais le dessin, je réalisais de grandes compositions, traitant de sujets souvent liés à la nature. J’ai ensuite commencé à réaliser des maquettes comme références pour mes dessins. Puis est venue la photographie, j’ai réalisé que regarder une photographie c’est toujours y voir une sorte de témoignage, j’ai alors compris qu’en ayant recours à ce médium, je pouvais fabriquer mes mondes imaginaires et construire de toutes pièces des témoignages de ces lieux.

RS Le processus créatif pour chacune de vos images est très long, du moment passé à documenter le sujet, à fabriquer physiquement ce monde imaginaire, jusqu’à assembler les différents matériaux (photographies, matériaux issus d’Internet) et composer l’image finale sur l’écran d’ordinateur. Quel rôle revêt le temps dans votre processus créatif, quelle importante a cette durée du
faire ?

JdB Le temps que cela prend pour transformer l’idée en image est souvent trop long, mais c’est aussi le temps nécessaire pour sa fermentation si l’on peut dire. Une fois que mon imagination est entrée dans un sujet donné, je demeure à l’intérieur de ce monde jusqu’à la fin de son élaboration. C’est comme construire un navire : vous vous voyez voguer sur les vagues, mais pendant ce temps-là, sur les docks, il y a cet objet massif et statique qui doit être tiré à la mer à la fin de la construction. Et tout ce qui semblait si incertain et difficile à manier au commencement se trouve soudain à la mer, tous ces éléments trouvent alors leur place, chaque partie sert le tout et cette masse imposante d’acier devient légère. C’est ce que je ressens quand je vois les premiers tirages de mes images au laboratoire.

RS Une fois l’idée installée et la documentation constituée, vous rendez-vous sur place, en Indonésie pour Buitenpost ou en Afrique pour The Devil Drives, pour confronter l’imagerie à la réalité d’aujourd’hui ou vous maintenez-vous dans le fantasme de ces anciens mondes ?

JdB C’est variable. En tout premier lieu, je ne traite pas de la réalité mais de ce qu’il en reste. Pour la plupart des gens la réalité, c’est ce qu’ils ont devant les yeux, mais ce n’est qu’un angle de la réalité que nous percevons. Dans cette perspective, mon travail s’approche de la théorie du simulacre de Jean Baudrillard. C’est drôle, on parle souvent de la grotte de Platon, mais les ombres sont juste un jeu de marionnettes indonésiennes. Oubliez la réalité et jouissez de son interprétation.

Je voyage beaucoup et cela tient un rôle essentiel dans mon travail mais je sais que la réalité est impossible à attraper, on ne peut pas l’enfermer dans un bocal. Quand vous épinglez un papillon sur un carton, il devient une pièce décorative et vous ne pouvez plus l’imaginer voler.

RS L’isolement de votre studio vous aide-t-il à atteindre ce sentiment d’enfermement partagé par la plupart de vos images, d’un monde également contraint par les limites de l’image ?

JdB Absolument. J’ai besoin d’être seul et nourri d’informations. J’ai ce besoin, et je construis strate par strate, jusqu’à ce que cela ressemble à la version purifiée et filtrée de la part de réalité avec laquelle j’ai commencé, et à mesure de la construction, je m’enferme à mon tour dans ce simulacre.

RS Revenons à Udongo : comme dans la série plus récente Marabunta (dédiée à la guerre des narco-trafiquants au Mexique), vous traitez de l’imagerie contemporaine. La mythologie de ces territoires est bien plus récente et véhiculée par les médias et le cinéma, davantage que par la littérature. Pourquoi avoir déplacé votre intérêt vers ces sujets d’actualité « chaude » ? Ces séries répondent-elles à une préoccupation que vous auriez quant au fait que la société des médias maintient une sorte d’âge colonial en réduisant ces territoires « exotiques » aux clichés que nous élaborons à partir d’eux ?

JdB Dans un certain sens, c’est juste de l’histoire moderne. L’Histoire (celle qui est racontée et passée) est une série de petits paquets joliment ficelés qui ont une connexion claire les uns avec les autres, comme la relation de cause à effet par exemple. Si nous ne procédons pas ainsi, l’histoire devient un chaos, comprenant de si nombreux facteurs qu’aucune logique n’y serait perceptible. Mais à vrai dire, l’histoire ne répond à aucune logique et la relation de cause à effet en matière de faits historiques est bien plus complexe que nous ne l’imaginons. Les médias écrivent l’histoire, ils concoctent ces petites bouchées faciles à avaler et ensuite relèvent les relations entre les événements pour les rendre intelligibles. Dans ce sens, l’histoire et les médias ont ça en commun : ils écrivent une saga, avec des bons, des méchants, des récits avec des fins tristes ou heureuses, mais ce n’est pas la façon dont le monde fonctionne.

RS Dans certaines de vos séries (Le Sacre du Printemps, The Riveted Kingdom et Wir sind das Gedächtnis, qui évoque ces grands monuments qui furent détruits pendant la Seconde Guerre Mondiale et que vous imaginez reconstruire avec des matériaux hétéroclites trouvés sur les champs de ruine), vous traitez d’un territoire bien plus proche – à la fois sur un plan géographique, culturel et historique – puisqu’il s’agit de l’Europe, au 20e siècle. Est-ce que l’éloignement des territoires que vous avez abordés en premier lieu (Manaos, l’Indonésie, l’Afrique) et l’exotisme que cela charriait vous était nécessaire pour acquérir la distance adéquate et enfin construire votre propre fantasme et image ? Ces travaux vous ont-ils préparé à questionner de manière plus précise l’imagerie de notre culture moderne ?

JdB Vous touchez quelque chose là. Au début de ma carrière, c’était plus facile de mettre l’exotisme en bocal et de l’étudier. Maintenant je sais que ce mécanisme marche de la même manière partout, de mon pas de porte jusqu’à la forêt sombre d’Amazonie. Je suis très heureux de ne pas être un scientifique qui ait à expliquer les merveilles du monde. Je peux me contenter de prendre mes distances et de jouir de raconter des histoires, sans égard pour la vérité. Les scientifiques disent que le monde comprend 11 dimensions. Alors quelle sorte de réalité peut découler de seulement 4 dimensions ?

Diplômé de l’Amsterdam School of the Arts et de l’Autonomous Design program de l’école d’art d’Utrecht, Jasper de Beijer est établi à Amsterdam. Son œuvre a été présentée dans de nombreuses expositions personnelles et collectives, et figure dans plusieurs collections, dont celle de la Bank of America et Rabobank. Parmi les institutions et galeries qui l’ont exposé, on compte The Hague Museum of Photography, the Museum of Contemporary Art Denver, Museum Het Domein (Sittard), Asya Geisberg Gallery (New York), Galerie Nouvelles Images (La Haye), Galerie TZR (Düsseldorf), Hamish Morrison Galerie (Berlin) and Studio d’Arte Cannaviello (Milan). Son travail est égaement présent sur les foires d’art international telles que PULSE New York ou encore SCOPE Miami.



www.debeijer.com

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Stephen Gill : “Talking to Ants” [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/07/stephen-gill-en/ Fri, 04 Jul 2014 16:26:43 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=18674 Version française English photographer Stephen Gill has chosen his home neighbourhood of Hackney in London as his creative arena. This working class borough undergoing gentrification is associated with bohemia and the building work around the Olympic Games. In his Talking to Ants series, Gill pursues his efforts at immersion by putting found objects in the[.....]

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Version française

English photographer Stephen Gill has chosen his home neighbourhood of Hackney in London as his creative arena. This working class borough undergoing gentrification is associated with bohemia and the building work around the Olympic Games. In his Talking to Ants series, Gill pursues his efforts at immersion by putting found objects in the camera, reinventing the position of landscape in the image.

Raphaëlle Stopin For almost fifteen years now you have rooted your photographic work in the town you live in: London, and more specifically, your local district, if such a word can be applied to that vast area of the East End. Seen through your lens, it seems an inexhaustible subject. What relationship do you have with this territory?

Stephen Gill East London is inexhaustible, but I realised late last year that I was not and had a kind of burn out. I associate London with making work in quite an obsessive way. I find it very hard to relax there. I started to immerse myself in East London and photographically respond and subjectively describe aspects of life in this part of London since the late 1990s and have been making work there pretty non-stop.

RS In the Buried series you dug into the ground and buried C-type prints in the landscapes where the images were originated. In Hackney Flowers you have layered flowers from the photographed sites, and in Talking to Ants, you put all sorts of artefacts – mostly half broken and undistinguishable – and insects in the body of your camera. Finally in your most recent series, Best before End, you processed the negs, partly soaking them in energy drinks issued from East London.

If the first series using this process of literally integrating the environment in the physical material of the picture may say something about the entropy at work in these areas, which underwent dramatic change, due to gentrification, speeded up by the 2012 Olympic Games, why do you feel the need to go on with these interventions, for instance with Best before End, where the connection to a landscape is looser? Is that to say that the image by itself is unable to translate the place you were walking through, that this smooth surface is not enough for you? Does something inevitably get lost on the way, once encapsulated in the gelatine of the film or the surface of the paper?

SG By having such interventions very often you are obscuring, deleting or holding back in equal amount to adding, so often there are feelings of harmony and conflict, a confusion of scale or lack of clarity. This denial of information I believe I somehow offer gives space for other things to pass though or the subject to make itself heard.
Buried (2004 – 2005). I suppose is a direct collaboration with place where I took back and buried the C-type images made in Hackney Wick in Hackney Wick, where I left them underground for some time, allowing the place itself to make its mark and play a role in the finished image.
Hackney Flowers (2004 – 2007). This series was a kind of extraction again, that is to say, trying to extract objects, flowers and seeds from a single borough of London, Hackney, and intertwine and carefully arrange the objects on prints prior to re photographing them.
Talking to Ants (2009–2013). Like Hackney Flowers this series is a kind of extraction, though this time working more with chance and that special place that lies in the middle of intention and chance. The photographs in this series were made in East London between 2009 and 2013. They feature objects and creatures that I sourced from the local surroundings and placed into the body of my camera. I hoped through this method to encourage the spirit of the place to clamber aboard the images and be encapsulated in the film emulsion, like objects embedded in amber. My aim was to evoke the feeling of the area at the same time as describing its appearance as the subject was both in front and behind the camera lens at the same moment. I like to think of these photographs as in-camera photograms in which conflict or harmony has been randomly formed in the final image depending on where the objects landed.
Best Before End is an attempt to make a series of images that somehow reflect and encompass the intensity of inner city life and in a way how modern life almost does not allow us to be tired anymore. With this series the subject itself, “Energy drinks,” is a direct physical presence in the image itself: in the actual process rather than in front of the lens. The images were taken in Hackney and the drinks sourced from the same borough. The colour negative films were part processed and soaked in energy drink, which caused image shifts and disruptions and softened the film emulsion. The softening allowed for manual stretching, moving, tearing and distortion of the layers of film emulsion to take place, and further manual shifts were added with a soft brush whilst the emulsion was still pliable. The individual negatives were then left to dry and then were re-photographed.

RS The elements that you used in Talking to Ants are on a very small scale, as if you yourself were an ant during that process of searching for source material to include in your pictures. How did you deal with the chance factor, how important is this randomness in the process? Is it freedom that you get back by letting some of the artistic decisions go, and leaving them to chance and ants?

SG In recent years as you have mentioned I have been trying to collaborate with the subject or place in different ways and have had various attempts at doing so. Perhaps this partly stemmed from the idea of stepping back and having less control and therefore allowing the subject to advance and in some cases speak for itself, which is very appealing to me. This way of working relies less on photography’s great descriptive strengths and grapples with the idea of trying to record the spirit of a place or a more direct articulation by the subject itself. Talking to Ants is a kind of state of mind for me during the picture-making process. Perhaps the title stems from childhood immersion and tapping into a similar frame of mind where you loose yourself with objects, creatures and thoughts. It is a kind of freedom but in way, perhaps, for the subject too, as it allows both me and the subject to breathe and get to the other side of the glass wall that you sometimes reach at the parameters of a photographic study or project. I don’t want to undermine straight descriptive photography but often feel straight photography is not enough to convey all my thoughts and ideas.

RS You have published a great number of books, all self-published, under the name of your publishing house, Nobody Books. Most of the time they sold out very quickly. Each of them shows the same care and craft in their making. Usually they have no picture on their cover or visible type, but a silkscreen of a drawing or a painting, like those coloured bound volumes in the nineteenth century. There is a mystery to these books, as you can’t figure from their outside what you’re going to see. It gives them an ageless feeling, as if you were intending to withdraw these images from their time frame. Is that what you are trying to do?
And more generally, how do you approach that aspect of the life of the work? Is the book the ultimate form for you to give to the work?

SG I keep the two aspects of my work very separate and would never make work with a book in mind. Only when I feel the series is finished or the series has exhausted me or I have exhausted the series will I think about how the work may surface. There are many series I do not make books of. I take my time editing and sequencing images for a book and this is a process I enjoy. During this stage and all other book making stages I try to remain loyal to the subject and tune my mind into the frame of mind I was in when I made the content. That’s right, I have not used images on covers, or had not to date, I suppose I like the idea of image encapsulation within the book object, and the closed book is like a pause button and then open is play.
With regards to the life of the work in general I make both prints and books. These days I am having more shows and more museums and collectors are acquiring the prints than say a few years ago. Books I imagine will always be an integral part of my practice as what they offer the work make sense to my photographic practice. They hold together so nicely the complete series in a fixed sequence, they move around quite easily, they have a life of their own and are more affordable than prints, more for more people including students and libraries etc., and they are for your hands as well as your eyes.

Stephen Gill’s photographs are held in various private and public collections and have also been exhibited at many international galleries and museums including The National Portrait Gallery, The Victoria and Albert Museum, Agnes B, Victoria Miro Gallery (London); Sprengel Museum (Hanover); Tate (London); Galerie Zur Stockeregg (Zürich); Archive of Modern Conflict (London); Gun Gallery (Stockholm); The Photographers’ Gallery (London); Leighton House Museum (London); Haus Der Kunst (Munich). He has had solo shows in festivals and museums including Rencontres d’Arles, Toronto’s Contact photography festival, PHotoEspaña and FOAM (Amsterdam).

Talking to Ants by Stephen Gill, 2014. Ed. Nobody Books : 10 signed copies at Jeu de Paume bookshop.

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Nobody Books

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Stephen Gill : “Talking to Ants” [FR/EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/07/stephen-gill-fr/ Fri, 04 Jul 2014 16:19:50 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=18532 Photographe anglais, Stephen Gill a choisi le périmètre de sa ville de résidence, Londres, pour champ d’action et plus précisément Hackney, dans East London, quartier populaire dont le destin a été scellé avec les Jeux Olympiques et ses grands chantiers. Avec la série “Talking to Ants” (« Parler aux fourmis »), il poursuit sa quête d’imprégnation du lieu dans l’image en immisçant dans la lentille même de l’appareil des objets trouvés à proximité, réinventant là encore la place du paysage au sein de l’image.

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Photographe anglais, Stephen Gill a choisi le périmètre de sa ville de résidence, Londres, pour champ d’action et plus précisément Hackney, dans East London, quartier populaire dont le destin a été scellé avec les Jeux Olympiques et ses grands chantiers.
Avec la série Talking to Ants (Parler aux fourmis), il poursuit sa quête d’imprégnation du lieu dans l’image en immisçant dans la lentille même de l’appareil des objets trouvés à proximité, réinventant là encore la place du paysage au sein de l’image.

Raphaëlle Stopin Voici près de quinze ans que vous avez ancré votre travail photographique dans la ville que vous habitez : Londres, et plus spécifiquement dans votre quartier, si tant est que l’on puisse définir ainsi cette vaste étendue que constitue l’East End. Cette zone, sous votre objectif, semble être une ressource inépuisable. Quel rapport entretenez-vous avec ce territoire ?

Stephen Gill East London est inépuisable mais j’ai réalisé à la fin de l’année 2013 que moi, je n’étais pas inépuisable et que j’étais en train de faire l’expérience d’une sorte d’overdose. J’associe Londres avec le fait de travailler d’une manière assez obsessionnelle. Il est très difficile de s’y détendre. C’est à la fin des années 1990 que j’ai commencé à m’immerger dans East London et à répondre photographiquement à cet environnement, tentant de décrire de manière subjective des aspects de la vie dans cette partie de Londres. Depuis je n’ai jamais arrêté d’y prendre des photographies.

RS Dans la série intitulée Buried, vous avez creusé le sol pour y enterrer des tirages couleurs dans les paysages qu’ils représentaient. Dans Hackney Flowers, vous apposiez sur la surface de l’image des fleurs issues des sites photographiés. Dans Talking to Ants, vous intégrez toutes sortes d’artefacts – pour la plupart des débris méconnaissables – et d’insectes dans le boîtier de votre appareil et enfin, avec Best before End, vous avez choisi de développer vos négatifs en les plongeant dans des boissons énergisantes trouvées dans East London.

On peut certainement sentir à quel point l’intégration d’éléments du paysage dans la matière même de l’image dans vos premières séries venait appuyer l’entropie à l’œuvre dans cet environnement – East London ayant subi de grands bouleversements, sous l’effet du processus de gentrification et son accélération avec les Jeux Olympiques de 2012. Pourtant, dans une série plus récente, dans laquelle la relation au paysage est plus lâche – Best before End –, vous poursuivez cette mise à mal de la surface de l’image. Pourquoi cette nécessité de recourir à ce type d’expérimentations ? La surface de l’image est-elle inapte selon vous à traduire les espaces que vous traversez ? Quelque chose se perd-il nécessairement en chemin une fois que le lieu a été encapsulé sous la gélatine du négatif ou le papier du tirage ?

SG En pratiquant de telles interventions, vous obscurcissez, effacez, retenez autant d’éléments que vous en ajoutez. Cela suscite souvent des sentiments mêlés, d’harmonie et de conflit, une confusion d’échelle ou un manque de clarté. Dans ce déni d’informations, je crois que se crée un espace dans lequel d’autres choses peuvent se passer, où le sujet peut se faire entendre différemment.

La série Buried (2004-2005) que vous mentionnez était, je suppose, une collaboration directe avec le lieu dans lequel je suis revenu pour enterrer ces images : la zone de Hackney Wick, où je les avais réalisées. Je les ai laissées sous terre un moment pour ensuite les déterrer. Le lieu les avait marquées et avait joué un rôle dans l’aspect final de l’image.

La série Hackney Flowers (2004-2007) ressortait du même esprit d’« extraction » : extraire des objets, fleurs et graines, provenant d’un seul quartier de Londres, Hackney, pour les mêler à l’image, en les arrangeant soigneusement à sa surface avant de les photographier.

Comme pour cette dernière série, Talking to Ants (2009-2013) traduit aussi cette volonté d’extraire un fragment du lieu, mais cette fois le travail repose davantage sur le hasard, ou plutôt sur cette zone si particulière situé quelque part entre l’intention et le hasard. Les photographies, faites dans East London entre 2009 et 2013, intègrent des objets et des créatures que j’ai collectés dans les environs puis que j’ai placés dans le boîtier de mon appareil. Cette méthode agit comme un encouragement à l’adresse du lieu : j’attends qu’il embarque à bord de l’image et qu’il soit encapsulé dans l’émulsion du film comme des objets dans de l’ambre. Mon objectif était de traduire l’esprit du lieu en même tant que de décrire son apparence, qui se trouvait alors simultanément devant et dans l’appareil. J’aime penser à ces images comme des photogrammes réalisés dans la chambre noire du boîtier, sur lesquels harmonie et conflit se sont installés aléatoirement suivant l’endroit où les objets se sont déposés.

Quant à Best Before End, c’est une tentative de réaliser une série d’images qui puisse refléter et condenser l’intensité de la vie en milieu urbain, et traduire la façon dont la ville en un sens ne nous autorise plus à être fatigués. Ces “energy drinks” ont une présence physique palpable à l’image, non parce qu’ils sont devant l’objectif mais au sein de l’émulsion, puisqu’ils ont été intégrés au processus de développement. Les images ont été prises à Hackney et les boissons en sont également issues. Les boissons énergisantes ont causé des modifications sur la surface du film et des altérations des couches de l’émulsion, que j’ai ensuite appuyées par endroits à l’aide d’un pinceau alors que l’émulsion était encore souple. Les négatifs individuels étaient ensuite mis à sécher puis re-photographiés.

RS Dans Talking to Ants, les objets que vous intégrez à l’image sont de très petite échelle, étiez-vous donc fourmi vous-même dans cette quête de matériaux ? Comment avez-vous négocié avec le facteur hasard, à quel point cet aspect aléatoire est-il important dans le processus ? Est-ce une forme de liberté que vous récupérez en laissant ainsi certaines décisions artistiques aux bons soins du hasard et des fourmis ?

SG Comme vous l’avez mentionné, au cours des dernières années j’ai tenté de collaborer avec le lieu et le sujet de manières différentes, toutes les expérimentations que j’ai pu menées allaient en ce sens. Je crois que cela venait d’une volonté de prendre du recul et d’avoir moins de contrôle, afin que le sujet puisse s’avancer et in fine, parler de lui-même, c’est ce que j’espère atteindre. Cette façon de travailler repose moins sur les vertus descriptives de la photographie, qu’elle n’est aux prises avec l’ambition d’enregistrer l’esprit du lieu, ou disons les paroles articulées par le lieu lui-même. Le titre « Talking to Ants » se réfère à mon état d’esprit quand je réalise ces images, il renvoie à l’enfance et ces moments où l’on est totalement dans ses pensées, absorbé tout entier dans la contemplation d’objets et de créatures diverses. C’est une forme de liberté aussi pour le sujet, cela me laisse respirer, et lui avec, et cela me permet d’atteindre l’autre côté du miroir. Je ne veux pas déprécier la photographie descriptive mais j’ai souvent le sentiment que la « straight photography » n’est pas suffisante pour véhiculer toutes les idées et les pensées.

RS Vous avez publié un grand nombre de livres, tous à votre compte, sous le nom de votre maison d’édition, Nobody Books, et pour la plupart très vite épuisés. Chacun d’entre eux témoigne du même soin presque artisanal apporté à leur fabrication. Ils n’ont le plus souvent aucune image en couverture, ni aucune typographie visible, mais une sérigraphie reproduisant une peinture ou un dessin. Ils évoquent ces volumes du XIXe siècle habillés de papiers colorés, il y a du mystère dans ces ouvrages qui ne révèlent rien de ce qu’ils offriront aux yeux. Cela leur donne une patine qui les place hors du temps, comme si vous tentiez d’extraire ces images de leur cadre temporel, est-ce une intention de votre part ? Et plus généralement, comment abordez-vous cet aspect de la vie du travail ? La forme éditoriale est-elle le but ultime de tous vos travaux ?

SG Je garde ces deux aspects de mon travail nettement séparés, je ne réalise jamais une série en ayant le livre à l’esprit. Ce n’est que quand la série est finie ou qu’elle m’a épuisé, ou que je l’ai épuisée, que je pense à comment le travail peut faire surface. Et il arrive souvent que des séries ne donnent pas lieu à un livre. Je prends mon temps pour éditer et établir la séquence des images, c’est un processus que j’apprécie. À ce stade, et tout au long du processus de conception, j’essaie de demeurer fidèle au sujet et me replonger dans l’état d’esprit qui était le mien au moment de la prise de vues. C’est vrai que je n’ai pas utilisé d’images sur les couvertures jusqu’à ce jour, j’aime l’idée que l’image soit encapsulée dans le livre même. Le livre fermé est ainsi comme le bouton pause, avant que la lecture ne soit relancée par son ouverture. Pour ce qui est de la vie du travail, je réalise souvent à la fois un livre et des tirages à partir d’une série. Ces derniers temps, j’ai eu davantage d’expositions que lors des années écoulées : plus de musées et de collectionneurs ont acquis des tirages. Je pense que les livres seront toujours une constante dans mon travail parce que ce qu’ils offrent fait totalement sens avec la nature de ma démarche artistique, ils permettent de tenir la cohérence de la série complète dans une séquence fixe, ils sont facilement maniables et transportables, ils ont une vie qui leur est propre, sont plus abordables que les tirages, accessibles à de plus en plus de personnes, dont les étudiants et les bibliothèques, et ils sont tant pour vos mains que pour vos yeux.

Les œuvres de Stephen Gill sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques et ont également été exposées dans des galeries internationales telles que The National Portrait Gallery, The Victoria and Albert Museum, Agnes B, Victoria Miro Gallery (Londres) ; Sprengel Museum (Hanovre) ; Tate (Londres) ; Galerie Zur Stockeregg (Zürich) ; Archive of Modern Conflict (Londres) ; Gun Gallery (Stockholm) ; The Photographers’ Gallery (Londres) ; Leighton House Museum (Londres) ; Haus Der Kunst (Munich), ainsi que des expositions personnelles dans des festivals et des musées dont les Rencontres d’Arles, le festival de photographie Contact à Toronto, Photo España et enfin à FOAM (Amsterdam).

Talking to Ants de Stephen Gill, 2014. Ed. Nobody Books : 10 exemplaires signés par l’artiste à la librairie du Jeu de Paume.

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Brea Souders [FR] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/06/brea-souders-fr/ Mon, 23 Jun 2014 07:30:03 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=18326 Le territoire investi par Brea Souders est celui des souvenirs et de la mémoire. Dans cette série, elle explore une matière assoupie – ses archives photographiques – qui, ainsi réanimée par l’artiste américaine, en ressort métamorphosée.

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Le territoire investi par Brea Souders est celui des souvenirs et de la mémoire. Dans cette série, elle explore une matière assoupie – ses archives photographiques – qui, ainsi réanimée par l’artiste américaine, en ressort métamorphosée.

Raphaëlle Stopin Dès vos premières séries, vous avez exploré la mémoire de votre famille et vos propres souvenirs, votre héritage. Comment en êtes-vous venue, avec cette série Film Electric, à saisir le matériau source du médium : l’original ?

Brea Souders J’explore divers concepts dans mon travail, la mémoire étant l’un d’entre eux. Dans Film Electric, ce ne sont pas tant mes souvenirs personnels qui sont à l’œuvre mais la nature même de la mémoire. La série est survenue accidentellement, alors que je coupais de vieux négatifs. Mes archives rassemblent une dizaine d’années de photographies, parmi lesquelles figuraient de nombreux négatifs dont je savais que je ne réaliserais aucun tirage – des négatifs trop clairs ou trop sombres, avec un visage flou, une composition bizarre ou des bascules de couleurs étranges. Ces archives sont une sorte de creuset de ma vie, réunissant des images de vacances en famille, de personnes aimées, d’inconnus, d’animaux, de plantes, des expérimentations, des projets artistiques, des méditations poétiques, des images sur « rien », bref, de tout. J’ai commencé à découper ces négatifs sur une feuille de plastique transparent et alors que je les laissais tomber, je me suis aperçue que certains fragments venaient s’y coller quand d’autres glissaient à terre. Cette force invisible – l’électricité statique – déterminait ce qui restait et ce qui disparaissait. Et cela m’est apparu comme une métaphore tout à fait juste de la nature de la mémoire. Pourquoi certains souvenirs demeurent-ils suspendus au premier plan de notre conscience quand d’autres tombent dans l’oubli ? Cela m’a aussi évoqué la nature fragmentaire des souvenirs que nous conservons, la façon dont une journée entière se résume en impressions et sentiments en demi-teinte sans restituer le panorama complet de l’expérience vécue.

RS Certaines pièces de Film Electric semblent sortir d’une sorte de vortex, rassemblant des fragments non identifiables retenus dans des formes de spirale. Ils paraissent mus par le sens d’une destinée commune, comme s’ils avaient compris qu’ils partageaient un dessein commun qu’il leur fallait réaliser. Comment procédez-vous pour élaborer ces compositions ? D’où émergent ces formes ?

BS Elles sont obtenues en « contorsionnant » la feuille d’acétate, en la pliant et la tordant littéralement. Quand les fragments s’attachent à la feuille par la force de l’électricité statique, ils ne sont pas immédiatement immobiles. Ils bougent à mesure que je manipule la feuille. Parfois, les morceaux s’agglomèrent créant une spirale très dense. D’autre fois, la plupart des fragments vont tomber et ne demeure qu’une composition très minimale. Ce résultat est aussi affecté par le nombre de pièces que j’ai placées, la torsion de la feuille etc. Ces décisions sont basées sur mon ressenti du moment et sur mon désir d’expérimenter le panel des formes.

RS Vous avez toujours fait preuve d’un grand intérêt pour la couleur, que vous maîtrisez parfaitement dans vos photographies. Comment avez-vous travaillé cette composante dans Film Electric ?

BS J’ai dû laisser aller et embrasser les propriétés colorées inhérentes au film lui-même. J’ai toujours été attirée, depuis que j’ai commencé à pratiquer la photographie argentique, par la dominante rouge du film négatif et par sa nature monochromatique. C’était là mon point de départ, à partir duquel j’ai intégré des fragments qui puissent dépeindre le monde suivant ses couleurs « réelles ». J’aime quand les deux s’entrelacent au sein de la même image, quand la couleur abstraite et réelle coexistent. J’apprécie que les couleurs reviennent au hasard sur le devant de la composition, et se détachent de manière frappante des fonds pâles ou neutres. Ces fragments étant tous issus de mes archives, ils sont tous marqués par une palette chromatique que je connais. C’est donc un monde de couleurs qui est déjà mien.

RS Vous êtes habituée à construire entièrement votre image devant votre appareil, qu’est-ce que cela impliquait de prendre cette direction radicalement différente : recycler des images existantes, entamer la matière en la découpant et laisser le soin de la composition à d’autres mains (l’électricité statique) ? À quelle image de votre mémoire, de votre identité, cela vous a-t-il conduit ?

BS Cela m’a fait beaucoup de bien, ce geste consistant à « entamer » mes archives a été comme d’ouvrir les vannes. De vieux travaux ont soudain respiré un air nouveau. Jusqu’à présent, je connaissais ma méthodologie de travail parfaitement, chaque jour que j’entrais dans le studio, je savais quel allait être mon processus de création, j’avais atteint un point où il me fallait faire une pause et dans un sens, me laisser aller. Aujourd’hui je suis revenue à mes images construites en studio, et il est probable que je poursuive également ce type d’expérimentations menées avec Film Electric. Qui sait où ces aller-retours et cette dynamique me conduiront…

Du 12 juin au 1er août 2014 : exposition de Brea Souders à la galerie Bruce Silverstein, New York

Aujourd’hui établie à New York, Brea Souders est originaire de Baltimore et a étudié à l’Université des arts du Maryland. Elle a exposé son travail internationalement dans des galeries et des festivals, parmi lesquels : Bruce Silverstein Gallery, New York, Abrons Arts Center, Camera Club de New York, Center for Photography de Woodstock à New York, Festival International de Mode et de Photographie à Hyères. Elle a reçu une bourse de la Fondation Jean et Louis Dreyfus Foundation à la Millay Colony of the Arts ainsi qu’une bourse de matériaux Kodak par Women in Photography/LTI-Lightside. Son travail a été publié dans New York Magazine, Artnews, and Creative Review.

www.breasouders.com

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Brea Souders [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/06/brea-souders-en/ Wed, 18 Jun 2014 08:55:56 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17834 A portfolio curated by Raphaëlle Stopin

The territory explored by American artist Brea Souders is her own memory. In this series, she explores a material that was left sleeping in drawers and subjects it to a radical metamorphosis.

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Version française

The territory explored by American artist Brea Souders is her own memory. In this series, she explores a material that was left sleeping in drawers – her own photographic archive – and subjects it to a radical metamorphosis.

Raphaëlle Stopin From your early work onwards, you have been exploring the memory of your family, and your own memories and inheritance. How did you reach this point, embodied by Film Electric, of exploring that same subject but with the help of the very foundation of the medium, the original?

Brea Souders I explore various concepts in my work, memory being one of them. With Film Electric, I am not so much interested in my own specific memories, but in the nature of memory itself. I happened upon this project accidentally, as I was cutting up old negatives from my archive. This archive spanned the past ten-plus years and there were many negatives that I knew I’d never use to make a print – negatives that were too light or dark, a blurry face, an awkward composition, strange colour shifts. The archive contained a true cross-section of my life – family vacations, pictures of loved ones and strangers, pets, plants, experiments, art projects, poetic musings, images of nothingness, everything. I cut these strips of film over a piece of clear plastic and observed that they clung to the plastic as I went to throw them away. Certain bits clung to the plastic, while others fell away. This invisible force – static electricity – determined what remained and what disappeared. I thought this an apt metaphor for the nature of memory itself. Why do some memories hover in the foreground of our mind, while others fall away? It reminded me of the often fragmented nature of the memories that stay with us – how we’ll remember an entire day in snippets, impressions, feelings half-felt, instead of the full scope of the experience as it was.

RS Some pieces from Film Electric seem to come out of some sort of vortex, gathering unidentifiable bits and pieces assembled in spiral shapes. It seems like they are all moved by a sense of a common destiny, as if they had understood a common design that they share and express. How did you go about these compositions? Where did these shapes emerge from?

BS The shapes are created by contorting the pieces of clear acetate, by literally bending and twisting them. When the film pieces cling to this material by static force, they don’t enter some kind of immediate stasis. They shift around as I manipulate the acetate. Sometimes the pieces will cluster together, creating a very dense spiral. Other times, most of the pieces will fall off the acetate and it will become a more minimal composition. This result is also affected by how many film pieces I add in the first place, the shape of the acetate, and so on. These decisions are based on how I feel that day and on my commitment to experimenting with forms.

RS You have always shown a great deal of interest and skill in mastering colour in your photos. How did you deal with it for Film Electric?

BS I’ve had to let go and embrace the inherent colour properties of film itself. Since I began shooting film I’ve been drawn to the red cast of negative film and its monochromatic nature. This was my starting point from which I proceeded to mix in slide film which can depict the world in “real” colour. I like when they intertwine in the same image, where real and abstracted colour coexist. Along with the neutral and pale backgrounds, I think the colour is quite striking in this project and I’m happy when those colours come to the foreground by chance. As I’ve said, the film pieces are all from my own archive, so the source material has all been shot with a particular colour palette that I’m drawn to, which is to say that though there is chance involved it’s all within a colour-world of my choosing.

RS What did it change for you, as a photographer used to building an entire new image in front of her camera, to be recycling pictures, and to choose this radical gesture of cutting an image into pieces and letting the compositions go?
Ultimately what image (of your memory and identity) did that lead you to?

BS It was a truly refreshing change of gears. I haven’t stopped building images from scratch, but the gesture of cutting my archive up has served as a release valve of sorts. Old work breathing fresh air into my process. It’s interesting to know exactly what methodology I will be working in when I enter the studio each day. I had hit a point in my work where I needed a mental break and to let go of myself somewhat. Now I’m again building from scratch, and may go back and forth between the two in the future, and who knows what else will come from that dynamic.

Brea Souders’solo show at Bruce Silverstein Gallery, New York: June 12th – August 1st 2014

Born in Baltimore, Maryland, Brea Souders now lives and works in New York City. She has studied art at the University of Maryland, Baltimore County.
She has exhibited in many galleries and festivals, notably: Bruce Silverstein Gallery, Abrons Arts Center, the Camera Club of New York and the Center for Photography at Woodstock in New York, as well as the Hyères International Festival of Photography & Fashion, France, the Singapore International Photography Festival and the Peel Art Gallery, Museum and Archives. She has received a Jean and Louis Dreyfus Foundation fellowship at the Millay Colony of the Arts and a Women in Photography/LTI-Lightside Kodak materials grant. Souders’ work has been featured in New York Magazine, Artnews, and Creative Review.

www.breasouders.com

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Trine Søndergaard & Nicolai Howalt : “MEGAFOSSIL” [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/06/trine-sondergaard-et-nicolai-howalt-megafossil-en/ Tue, 10 Jun 2014 16:32:48 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=18249 Version française Danish artists Trine Søndergaard and Nicolai Howalt are presenting Megafossil. In this series, which unfolds over four massive panels, the artists explore a monument of the Danish landscape, which stands in the woods of Jaegerspris, north of Copenhagen. Raphaëlle Stopin In an earlier series, How to Hunt, you explored the idea of the[.....]

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Version française

Danish artists Trine Søndergaard and Nicolai Howalt are presenting Megafossil. In this series, which unfolds over four massive panels, the artists explore a monument of the Danish landscape, which stands in the woods of Jaegerspris, north of Copenhagen.

Raphaëlle Stopin In an earlier series, How to Hunt, you explored the idea of the territory, as a space to be explored and experienced. This series was deeply rooted in your own country, Denmark. With Megafossil you are again exploring that national territory, albeit on a different scale. How did this project start?

Trine Søndergaard et Nicolai Howalt The Megafossil series has a historical starting point. We began by working with the images connected to the exhibition “Shaped by Time” at the National Museum of Denmark, 2012. We were invited by the museum to research and respond to the prehistoric collection, which is composed of historical artefacts from the end of the Ice Age to the Viking Age. Anything between 1500 and 2000 years old, and located in the Jaegerspris woods, the “Kongeegen” or “King’s Oak” is one of the oldest living organisms in Europe. We were fascinated by its connection to the past and the idea that it represents a direct link to the past.

RS How did you come to decide on a minimalist four-panel portrait, focusing not on the tree’s imposing stature but only on details, with close-ups of its thick and cracked skin? Why did you choose this visual synecdoche (as these four parts represent the whole) as a way of grasping your subject?

TS & NH Megafossil examines the concept of time. Standing in the presence of the King’s Oak there is a sense of connection with history. The tree is a witness to the passing of time and an image of something larger than us. Monumental in size, rich and immense in detail, the tree reminds us how small we are and how brief our time here is.
By focusing on parts and sections of the tree we wanted to take the tree out of context, away from its natural environment and into the museum space. We wanted to look at the tree in isolation, not only as a piece of nature, but also as an object.

RS You have chosen to print these photographs on wood using the silkscreen process, which implies overlapping layers of different inks, and therefore the presence of various strata on the paper. Was this an attempt to get closer to the physicality of your subject, to recapture a texture that a photographic print cannot convey?

TS & NH We wanted to look at the tree outside its forest, away from its natural environment. Cut out, it stands alone and the silkscreen process reinforces this method. Unlike photographic prints, our silkscreen prints have more than one layer. Printing the different layers of grey and the details of the tree on wooden plates enhances the physical presence of the tree.

RS In the final presentation of the work, you have included a branch from the tree. Why did you choose to complement the image with this real part of your subject?

TS & NH Installed in the museum space the branch almost assumes the status of a relic. We originally meant to keep it alive for the duration of the exhibition, but due to considerations concerning conservation and sterilisation this was not possible. Before we were able to bring the branch into the exhibition space it had to undergo a process of being frozen for 24 hours.

Trine Søndergaard is a Danish photography-based visual artist who lives and works in Copenhagen. In 1996 she graduated from Fatamorgana, the Danish School of Art Photography. In 2000 Trine Søndergaard received the Albert Renger-Patzsch Award and she has since received numerous grants and fellowships, including a three-year working grant from the Danish Arts Foundation. Søndergaard’s work has been shown in solo and group exhibitions around the world and is represented in major public and private collections, for instance: MUSAC, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, Spain; the Museum of Fine Arts, Houston; the Hasselblad Foundation, Gothenburg, Sweden; the Israel Museum, Jerusalem; and the Danish Arts Foundation, Copenhagen. She has completed public commissions for both museums and cultural institutions. Trine Søndergaard has published books with Steidl, Hatje Cantz and Hassla Books.

Nicolai Howalt graduated from Fatamorgana, the Danish School of Art Photography, in 1992. His works have been shown in numerous solo and group exhibitions in Denmark and abroad and are held in major collections and museums, including La Maison Européenne de la Photographie, France; MUSAC, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, Spain, and the New Carlsberg Foundation, Denmark. His books include 3×1, Boxer, Car Crash Studies and 78 Boxers.

www.trinesondergaard.com
www.nicolaihowalt.com

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Trine Søndergaard & Nicolai Howalt : “MEGAFOSSIL” http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/06/trine-sondergaard-et-nicolai-howalt-megafossil-fren/ Tue, 10 Jun 2014 16:32:45 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=18219 Dans cette série, qui se déploie en quatre images tableaux, les artistes explorent un monument du paysage danois qui siège dans la forêt de Jægerspris, au nord de Copenhague.

Un portfolio présenté par Raphaëlle Stopin.

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English Version

Trine Søndergaard et Nicolai Howalt, artistes danois, présentent Megafossil. Dans cette série, qui se déploie en quatre images tableaux, ils explorent un monument du paysage danois qui siège dans la forêt de Jægerspris, au nord de Copenhague.

Raphaëlle Stopin On se rappelle de votre série How to Hunt (Comment chasser) dans laquelle vous exploriez l’idée de territoire, perçu comme un espace à parcourir, dont il nous faut faire l’expérience. C’était une série profondément enracinée dans votre pays, le Danemark. Avec Megafossil, vous explorez également, cette fois à une toute autre échelle, une partie de ce territoire. Quel a été le point de départ de Megafossil ?

Trine Søndergaard et Nicolai Howalt Il est historique. Ce projet s’inscrit dans une exposition, organisée par le Musée National du Danemark en 2012, intitulée « Shaped by Time ». Dans le cadre de cette exposition, nous avons été invités par le musée à faire une recherche et une proposition en réponse à sa collection préhistorique, qui est composée d’artefacts allant de la fin de l’âge de Glace à l’âge Viking.
Vieux de 1500 ou 2000 ans, le « Kongeegen » ou le « Chêne du roi », situé dans un bois au nord de Copenhague, est un des plus anciens organismes vivants en Europe. Nous étions fascinés par sa connexion avec ce passé et l’idée qu’il puisse représenter ce lien direct avec ces temps reculés.

RS Comment en êtes-vous venus à cette extrémité : choisir de représenter ce personnage monumental, le Chêne du roi, par un portrait minimaliste articulé en 4 panneaux, se concentrant sur les détails de l’arbre, présentant non son imposante stature mais des gros plans de sa peau épaisse et craquelée. Pourquoi cette synecdoque visuelle pour saisir votre sujet ?

TS & NH Megafossil examine le concept du temps. Quand l’on se tient devant le Chêne du roi, l’on ressent en sa présence une connexion avec notre histoire. L’arbre est un témoin du passage du temps et en soi une image plus grande que nous. Il est monumental de par sa taille, riche et immense dans ses détails. L’arbre nous rappelle à quel point nous sommes petits et notre finitude.
En se concentrant sur les parties et les sections de l’arbre, nous voulions l’ôter de son contexte originel, de son environnement naturel, pour l’amener dans l’enceinte du musée. Nous voulions par là regarder l’arbre au-delà de l’élément naturel qu’il constitue, comme un objet.

RS Vous avez choisi de tirer ces photographies sur des panneaux de bois en utilisant la technique de la sérigraphie, qui implique le passage de plusieurs encres et donc la présence de différentes strates sur le papier. Le choix de la sérigraphie était-ce afin de vous rapprocher de la matière physique de votre sujet, pour rendre une texture que la surface du tirage photographique ne peut atteindre ?

TS & NH Nous voulions regarder l’arbre hors de la forêt. L’isoler et le faire tenir seul. Le procédé de sérigraphie ressort de cette volonté. Contrairement aux tirages photographiques, les sérigraphies consistent en plusieurs couches superposées. Imprimer ces différentes couches de gris et ces détails du tronc de l’arbre sur des panneaux de bois nous a permis d’accroître la présence de l’arbre à l’image.

RS Dans la présentation finale de cette œuvre, vous avez inclus une branche de l’arbre. Pourquoi avoir choisi de compléter l’image par ce segment réel de votre sujet ?

TS & NH Une fois installée dans l’espace du musée, la branche endosse le statut de relique. Nous voulions originellement la conserver vivante pour toute la durée de l’exposition mais pour des raisons relatives à la conservation et à la stérilisation, cela n’a pas été possible. La branche a ainsi dû être gelée 24 heures avant son entrée au musée.

Trine Søndergaard, artiste danoise, vit et travaille à Copenhague. En 1996, elle est diplômée de Fatamorgana, l’Ecole Danoise de Photographie. En 2000, elle reçoit le prix Albert Renger-Patzsch et a depuis reçu de nombreuses bourses dont une de trois ans accordée par la Fondation danoise pour les arts. Elle s’est vue consacrer plusieurs expositions personnelles, a participé à de nombreuses expositions collectives, et est présente dans diverses collections publiques et privées, dont celles du MUSAC, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, Espagne ; the Museum of Fine Arts, Houston ; the Hasselblad Foundation, Gothenburg, Suède ; the Israel Museum, Jerusalem ; et la Danish Arts Foundation, Copenhague. Trine Søndergaard a publié des livres chez Steidl, Hatje Cantz et Hassla Books.

Nicolai Howalt  est diplômé de Fatamorgana en 1992. Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions personnelles et collectives au Danemark et à l’étranger. Il figure parmi les collections de La Maison Européenne de la Photographie, France ; MUSAC, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, Espagne et the New Carlsberg Foundation, Danemark. Nicolai Howalt a publié les livres 3×1, Boxer, Car Crash Studies et 78 Boxers.

www.trinesondergaard.com
www.nicolaihowalt.com

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Petros Efstathiadis [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/05/petros-efstathiadis-en/ Fri, 16 May 2014 14:49:03 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17941 After his previous series featuring poetic objects of revolt, the photographer has chosen to address the social context in his home country – once the cradle of Europe and now its reluctant political and economic laboratory. The artist embraces the methods of opponents forced to get by with makeshift means.

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Version française

After his previous series featuring poetic objects of revolt (Eggs, Ropala, Bombs, etc.), the photographer has chosen to address the social context in his home country – once the cradle of Europe and now its reluctant political and economic laboratory. The artist embraces the methods of opponents forced to get by with makeshift means. For him, ready-mades are dictated by criteria of colour, composition and ultimately poetry, rather than anticipated danger or effectiveness.

In this world, transfigured by the photographer’s hand and eye, we encounter codes and images that are familiar or recently discovered: the prison environment and its extreme economy, as evoked in Robert Bresson’s film “A Man Escapes”, or the silhouettes of protesters seen in the media, shot on Kiev’s Maidan Square some time after the ones on Athens’ Syntagma Square.




Raphaëlle Stopin You have chosen to root your photography in your native village, located in the North of Greece, in the Balkans. Could you tell me about the place? How has it changed over the last years and accordingly how has your relationship to it changed, if it has?

Petros Efstathiadis It’s small village in northern Greece, not the kind of place you’d put on a postcard to attract tourists. The mentality of a village – a very small society – can be exciting when you are very young but after that nothing changes, so the excitement deflates rather quickly, as nothing new happens. People’s lives are repetitive year after year, doing the same small things day after day like a clock. An almost absurd discipline: small things are important and fulfilling. My relationship to the village has not changed apart from the fact that not living there any more makes me more objective and more grateful for the surreal uniqueness of this place.


RS In your very early work you photographed relatives and neighbours posing as heroic figures or fantasy characters in front of a plastic canvas serving as the studio backdrop. From these portraits, you moved to mises-en-scène involving sculpture and history. You started to build weird machines such as cannon and a whole range of artisanal bombs, as colourful as they are inoffensive. How did these poetic objects of protest come about in your work ?

PE My very first mises-en-scène, the portraits you mention, arose from my obsession with the stereotype of the photographer at the beginning of the age of photography. I found one image of my grandmother taken 80 years ago which was made in front of a dirty backdrop by a travelling photographer. Almost a century later it felt familiar and related to my ideas. I know that my backyard portraits are very much influenced by the simplicity, honesty and originality of that portrait. It was as if it had the power to create a continuous line through history.
My images are fictional and I try to take a distance from simply documenting my village or my country, but real life itself is evolving into something my photographs talk about. My weird machines are like part of my nature as much as part of my country. They make my narrative more precise and enable me to shift the meaning of a bomb, a cannon or a soldier. I am attracted by certain historical, social and political events and then I get excited with my wish to construct a microcosm around them. I have a sense of history, maybe because I was brought up with the image of heroic acts.


RS Your latest works are increasingly sculptural, this time in relation to the human figure. You have moved away from portraiture and towards the creation of monumental figures, totemic guardians all draped in some sort of absurd custom-made armour. In front of these characters, you have built intriguing environments, creating a new sense of confinement. You have chosen to frame the subject more closely, making the village behind it invisible. The interiors shot by Walker Evans during his FSA campaign during the Great Depression come to mind.
Can you tell how these two bodies of works, the guardians and the environment, relate to each another?

PE When I posed a boy dressed up in tinfoil like an amateur spaceman six years ago my intention was to make a heroic narrative, an odyssey. That was the first totemic guardian I sent in to space. It’s more like an evolution of that and to keep my ideas uncompromised that I “built” these heroes. The situation in Greece and the rest of the world is compelling and makes me want to speak out more, at least with images. I don’t live in a bubble and I can’t just sit on my sofa and not get dirty or be part of my army.
Walker Evans’ work from the time of the Great Depression now looks strikingly contemporary. I’ve been to places suffering serious economic depression and I was not there as a tourist. I can feel what’s there in Walker Evans’ pictures, there are many corners and walls in Greece and elsewhere in Europe that remind me of those miserable shelters he once photographed. In my later works, you could say I’m showing a similar story in the present time, with more colours.
The “lohos” photographs are about figures in the middle of a battlefield ready to fight what’s there. The prison is the scene of this battle, an improvised prison for improvised fighters.


RS Your photographs stand somewhere between tragedy and comedy, as well as between rawness, faked approximation, and true richness in the details and materials used. How do you manage to work on this thin line? Could you describe your working process, does it involve some sort of scenario or sketches?

PE All my photographs come out of an attraction to specific historical events. I have certain obsessions. I make storyboards and drawings and if an idea stays in my mind for some time, and after doing my research and I’m still excited, I construct it, I collect objects from my neighbours’ attics, and sometimes I go to the countryside looking for objects. Now I find it easy to know what suits my photographs and what does not. I have some favourite objects which I use again and again. Most of my objects are dirty, rusty, heavy. Once everything is ready I wait until the light is perfect. I take the photograph and then I put everything back. And move on to the next one. To be more effective and true to the nature of my thoughts, I have to follow certain rules, use specific objects and locations and layers and necessary details. I have to do things raw but not fake. In order not to lose the rawness of my constructions, I must do things instinctively. I immerse myself in the place, imagining there is no electricity, no internet, no technology and that I have to improvise and build everything with my own hands.
For example, in this picture I call the “kitchen” I had to find a way to get all these things from one place to another without a car or any help. I had to remember how people moved stones to build the pyramids.
Once you are alert you can find a way to do anything. Because everything is pure and instinctive, it can become colourful and detailed, funny and serious, logical and absurd: schizophrenic.
It’s always a thin line as you said, which I love to walk.


RS I know you are rather sceptical about wrapping your work into analytical discourse, but you do acknowledge a concern for your environment that your work reflects. To what extent are your absurd fantasies documents?

PE Obviously, there is a documentary element in any idea which comes from reality. Although it’s full of fantasy there is an event and story behind it.
I would say that in my most recent photographs I am heading towards photography which is about fictional symbols, fictions I want people to believe in. I want the pictures to bring the viewer into an ambiguous dimension, to lead him to the conclusion, quite against logic, that these scenes are truthful.
As a matter of fact, truthfulness is a very relative notion. What is an absurd and extreme fictional symbol for someone living in London might be routine somewhere in Africa, Latin America or the Balkans. For some people this is exotic and a million years from their reality but for others it is nothing more than everyday banality.
From time to time, I get caught up in this seeming reality that I build: I imagine and make artisanal bombs out of soap, string and daisies and later on, a bomb explodes in Athens. I create silhouettes with masks, got up with any old thing, and two months later, when I turn the TV on, I see them on the Maidan in Kiev.

A graduate of the University of Creative Arts, Farnham (Great Britain), Petros Efstathiadis lives in his native country, Greece. He featured in a group show at Xippas gallery in Athens in 2009 (“Realities and Plausibilities”) and in 2011 at the Ego gallery, Barcelona (Where the wild ones are). His work has been published in Wallpaper* and Monocle.
In 2013, he won the Grand Prix of the Photography Jury at the International Festival of Fashion and Photography in Hyères. As a result of this, his first solo show was held at the festival’s 2014 edition. His exhibit, entitled “Kipseli”, showcased photographs and videos, the works presented in this online portfolio.


Site officiel de Petros Efstathiadis

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Petros Efstathiadis http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/05/petros-efstathiadis-fren/ Fri, 16 May 2014 14:45:28 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17922 Un portfolio présenté par Raphaëlle Stopin

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English Version

À la suite de ses précédentes et récentes séries mettant en scène des objets poétiques de révolte (Eggs, Ropala, Bombs, etc.), le photographe aborde le récent contexte social de son pays, à la fois berceau de l’Europe et devenu, à ses dépens, son laboratoire politico-économique. L’artiste reprend à son compte la démarche de l’opposant contraint au système D, le ready-made répondant chez lui à des critères de formes, de couleurs, de compositions, in fine de poésie, en lieu et place de ceux de la dangerosité ou de l’efficacité escomptées.

Dans ce monde, on retrouve, transfigurés par la main tant que par l’oeil du photographe, des codes et des images que nous connaissons ou que nous avons récemment découvert : de l’univers carcéral et son économie de moyens tel qu’évoqués par Robert Bresson dans Un condamné à mort s’est échappé ou des silhouettes de manifestants vues dans les médias, prises sur la place Maïdan à Kiev, quelques temps après ceux de la place Syntagma à Athènes.




Raphaëlle Stopin Vous avez décidé d’ancrer votre photographie dans votre village natal, situé au Nord de la Grèce, dans les Balkans. Pourriez-vous expliciter le contexte de ce lieu ? Comment a-t-il évolué au cours des dernières années, votre relation à celui-ci a-t-elle elle-même changée ?

Petros Efstathiadis C’est un petit village du Nord de la Grèce, pas ce genre d’endroits que vous mettriez sur une carte postale pour attirer les touristes. La mentalité d’un village – une société miniature – peut être assez excitante quand l’on est très jeune, mais l’excitation s’essouffle vite, car rien de nouveau n’arrive. Les vies sont faites dans la répétition : les mêmes petites actions, jour après jour. Une existence réglée comme une horloge, suivant scrupuleusement une discipline presque absurde ; les petites choses y ont une importance, il y a une réelle satisfaction à leur accomplissement. Le fait de ne plus y vivre m’en donne une vision plus objective. Je lui reconnais davantage son caractère surréaliste unique.


RS Dans vos premières séries, vous photographiez des parents et des voisins, incarnant pour la photo personnages fantasmés et autres figures héroïques, postés devant une bâche de plastique tenant lieu de fond de studio. À partir de ces portraits, vous êtes allé encore davantage vers la mise en scène, mêlant cette fois la sculpture à l’histoire : vous avez entrepris la construction de machines hybrides tels que des canons ou des radeaux, ainsi que toute une gamme de bombes artisanales aussi colorées qu’inoffensives. Comment ces objets poétiques de contestation ont-ils peu à peu émergé ?

PE Mes premières mises en scène, ces portraits dont vous parlez, sont nés d’une obsession que j’avais pour la figure du photographe du début de siècle dernier, le portraitiste des jeunes heures de l’ère photographique. J’avais trouvé cette photographie de ma grand-mère, prise il y a 80 ans par un photographe ambulant, devant un fond de studio défraîchi, un peu sale. Tout m’y a paru familier, presque un siècle après, cette image faisait écho à ce que j’avais alors en tête. Mes premiers portraits pris dans les arrières cours du village sont très inspirés de cette imagerie simple, honnête, du caractère originale de cette photographie, comme si elle avait le pouvoir de tracer une ligne continue dans l’Histoire.
Mes images ressortent de la fiction, j’essaie d’apporter une distance vis à vis de l’histoire de mon environnement proche et de celle de mon pays, mais la vie, telle qu’elle s’y déroule, est bien présente dans mes images. Ces machines bizarres que je construis m’appartiennent, autant qu’à la terre dont elles émergent. Elles sont issues de mon esprit et du territoire qui est le mien. Grâce à elles, je peux rentrer dans la trame narrative que je veux construire, et changer l’angle de vision et la signification d’objets telles qu’un canon, une bombe ou d’un sujet, tel qu’un soldat.
Certains événements historiques, politiques, sociaux m’inspirent le désir de construire un microcosme à partir de leur matière. J’ai je crois ce sens de l’histoire, de la narration, peut-être parce que j’ai été élevé dans une certaine mythologie animée d’actes et de figures héroïques.


RS Dans vos derniers travaux, vous êtes dans un parti pris très sculptural, cette fois appliqué à la figure humaine. Il ne s’agit plus de portrait mais de création de figures monumentales, de gardiens totémiques, tous drapés dans leurs armures customisées, et dans une forme d’absurde.
Face à ces figures, vous avez élaboré un environnement, où vous instillez un sentiment, nouveau pour vos images, de confinement, cadrant plus serré, ne laissant plus apparaître le village dans lequel la mise en scène prend place. On pense aux intérieurs photographiés par Walker Evans lors de la campagne de la FSA (Farm Security Administration) pendant la Grande Dépression. Comment ces deux ensembles, ces gardiens monumentaux, et ces intérieurs mis en scène, se répondent-ils ?

PE Il y a 6 ans, j’ai photographié un petit garçon « drapé » dans du papier aluminium comme un cosmonaute amateur. Ce portrait était motivé par un désir, celui d’amorcer une narration, une odyssée héroïque. C’était en quelque sorte mon premier « gardien totémique », celui-là, envoyé dans l’espace. Mes « lohos » comme je les appelle, ces figures, en sont le prolongement. Me tenant à cette idée de personnages héroïques, j’ai commencé à « construire » des héros. La situation en Grèce et dans le reste du monde me dit qu’il y a urgence et me donne la volonté de prendre la parole davantage, ne serait-ce qu’en images. Je ne vis pas dans une bulle et je ne peux pas me résoudre à rester dans mon canapé, il me faut aller me salir et prendre part à mon armée.
L’œuvre constituée par Walker Evans au moment de la Grande Dépression est d’une contemporanéité frappante. J’ai traversé aussi des endroits de grande dépression, et je n’y étais pas en touriste. Je sens les images de Walker Evans familières, proches, beaucoup de recoins et de murs en Grèce et ailleurs en Europe me rappellent ces intérieurs de baraques miséreuses. Dans mes derniers travaux, c’est une sorte de version contemporaine d’une même histoire qui se joue, en couleurs.
Les photographies des « lohos » sont des figures postées sur un champ de bataille, prêtes à faire front. L’environnement qui les ceint est une sorte de prison, c’est la scène dans laquelle cette bataille doit avoir lieu. Une prison improvisée pour des combattants improvisés.


RS Vos photographies se situent quelque part à mi-chemin entre tragédie et comédie, et stylistiquement entre une sorte de brutalité, une approximation feinte, et une réelle richesse dans les détails et les matières. Comment vous maintenez-vous sur cette frontière étroite ? Pourriez-vous décrire votre processus de travail, celui-ci implique-t-il la construction préalable de scénarios, la réalisation d’esquisses ?

PE Mes photographies procèdent toutes de l’attraction qu’exercent sur moi certains événements historiques. Disons que j’ai certaines obsessions. Je fais des storyboards et des dessins et quand l’idée me taraude suffisamment longtemps, alors je fais mes recherches et si je sens toujours de l’excitation, alors seulement je me mets à la construction. Je collecte des objets dans les granges de mes voisins, et parfois je vais dans la campagne en ramasser d’autres. Maintenant je reconnais facilement ce qui a sa place dans mes images, j’ai des objets fétiches, que j’utilise encore et encore. La plupart sont sales, usés, rouillés et lourds.
Une fois que tout est prêt, j’attends la bonne lumière. Je photographie et remets tout à sa place, et passe à l’image suivante.
Pour être sincère envers mes idées je m’impose de suivre certaines règles, d’utiliser certains types d’objets, de lieux, de garantir la présence d’un certain degré de strates, de détails. Je dois laisser la matière brute, ne pas simuler cette brutalité et pour la garder intacte, je dois procéder de manière instinctive. Je m’immerge dans le lieu et j’imagine qu’il n’y a rien : ni internet, ni électricité ni aucune technologie et je dois alors improviser, tout construire avec le seul recours de mes mains.
Par exemple, pour cette image que j’appelle la « cuisine », j’ai dû trouver un moyen de déplacer et d’assembler tous ces objets, sans aide, sans voiture. J’ai pensé à la manière dont on déplaçait autrefois les pierres pour construire les pyramides. Une fois que l’on est alerte, on trouve le moyen de tout faire.
J’essaie d’atteindre cette qualité d’authenticité dans mes images, de les maintenir instinctives. Si j’y parviens, elles peuvent alors devenir colorées et pleines de détails, drôles et sérieuses, logiques et absurdes : schizophréniques. C’est une marche d’équilibriste en effet, c’est bien ça qui me plaît.


RS Je sais que vous êtes plutôt réticent à envelopper vos images dans des discours trop analytiques. Vous reconnaîtrez pourtant une préoccupation patente pour votre environnement, dont votre œuvre témoigne. A ce titre, quelle en serait la dimension documentaire ?

PE Il y a évidemment un degré documentaire dans toute idée qui prend racine dans le réel éprouvé. Et s’il y a beaucoup de fantaisie dans mes images, derrière chacune d’entre elles, il y a une histoire, un fait, un événement.
Je dirais que mes images ont de plus en plus à voir, de façon certaine, avec des fictions symboliques, des fables auxquelles j’ai envie que le spectateur croit. Je veux que mes images l’emmènent dans une dimension ambiguë, qu’il soit amené contre toute logique à croire à ce qu’il a devant les yeux, à y voir une réalité plausible.
La vraisemblance de fait est une notion toute relative. Ce qui peut paraître de l’ordre de la fiction la plus absurde pour quelqu’un vivant à Londres, peut sembler des plus réalistes à quelqu’un résidant quelque part en Afrique, en Amérique Latine ou dans les Balkans. Pour certains, cela sera totalement exotique et à des années lumière de leur quotidien, quand pour d’autres ce sera de la plus grande des banalités.
Et parfois, cette réalité plausible que j’essaie de construire me rattrape : j’imagine et réalise des bombes artisanales faites de fleurs, de savonnettes et de ficelles et une bombe explose un peu plus tard à Athènes. Je crée des silhouettes cagoulées et harnachées de bric et de broc dans ma campagne et deux mois plus tard en allumant la télé, je les vois sur la place Maïdan.

Diplômé de l’Université pour les arts créatifs de Farnham (Grande-Bretagne), Petros Efstathiadis vit dans son pays natal, la Grèce. Il a participé à l’exposition collective “Realities and Plausibilities” à la galerie Xippas d’Athènes en 2009 et en 2011 à Where the wild ones are à la galerie Ego Barcelone. Il a publié notamment dans Wallpaper* et Monocle.
En 2013, il remporte le Grand Prix du Jury Photographie au Festival International de Mode et de Photographie à Hyères et à ce titre, se voit consacrer lors de l’édition 2014 sa première exposition personnelle. Intitulée “Kipseli”, elle est constituée de travaux inédits, présentés dans ce portfolio, combinant photographies et vidéos.


Site officiel de Petros Efstathiadis

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David-Alexandre Guéniot & Patrícia Almeida: “ALL BEAUTY MUST DIE” http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/04/patricia-almeida-david-alexandre-gueniot-all-beauty-must-die/ Wed, 23 Apr 2014 12:14:41 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=16898 Un portfolio présenté par Raphaëlle Stopin

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Raphaëlle Stopin Vous avez déjà abordé précédemment dans votre travail l’âge adolescent. Cette fois le parti esthétique que vous avez adopté est radical : à la couleur vous avez substitué le noir et blanc du RISO (sorte de photocopieuse). La même radicalité se retrouve dans le titre : All Beauty Must Die, en référence à une phrase prononcée par Nick Cave dans l’une de ses chansons aux accents sombres et romantiques.
Ce choix du noir et blanc si contrasté c’était, au-delà de l’allusion à l’esthétique du fanzine, pour tuer la beauté, la douceur ? Pour instaurer un rapport plus brut aux êtres et aux paysages ?

Patrícia Almeida & David-Alexandre Guéniot Avec All Beauty Must Die, nous souhaitions explorer une atmosphère idyllique et romantique qui partait d’associations libres, spéculatives et sans hiérarchie, mélangeant des références au romantisme littéraire anglais du XIXe siècle et à la culture populaire de la musique Rock. En cela, le titre fait autant référence à la chanson Where the Wild Roses Grow de Nick Cave qu’à un vers d’Ode on Melancholy de John Keats: « She dwells with Beauty – Beauty that must die ». Dans chacun de ces imaginaires, romantique et Rock, nous trouvions une vision du monde centrée sur la jeunesse comme paroxysme de la vie humaine (du « Forever Young » et du « Live Fast and Die Young »), valorisant l’émotion et l’expérimentation, l’attraction envers la mort et l’amour tragique, la mélancolie des Modernes et les idéaux utopiques associés au désir de révolution et d’évasion.
Dans le titre All Beauty Must Die (Toute Beauté doit Mourir) – comme dans le poème de Keats – la mort apparaît comme une condition de la beauté. Avec ce titre, nous avons cherché à provoquer un renversement de perspective dans notre rapport aux images : non pas valoriser la beauté candide, l’insolente originalité ou le dynamisme révolté habituellement associés au stéréotype de la jeunesse mais plutôt la sensation de regarder les visages de futurs défunts. Au point que cette iconographie d’une jeunesse idyllique et romantique paraisse se pétrifier dans sa propre mort et façonne une statuaire de la jeunesse. L’idée était ainsi de faire sortir ces photographies du temps, comme si elles anticipaient et simultanément racontaient une histoire ancienne, un mythe originel.
Le choix d’un traitement en noir et blanc très contrasté, en dehors du fait qu’elle instaure un rapport plus brut (et expressif) aux êtres et aux paysages, est une décision « iconoclaste ». Elle permet de fissurer le lien entre la photographie et son référent. Mais elle est aussi en rapport avec la présence des messages manuscrits. En effet, en travaillant avec un noir et blanc très contrasté, il était possible de faire se rapprocher l’image et le texte : l’image photographique d’un coté et le texte des messages de l’autre. Ce rapprochement s’est opéré par une influence réciproque : d’un coté, faire émerger du dessin dans les photographies (les « aplatir » sur le papier, en quelque sorte) et, de l’autre, faire émerger de l’image, de la calligraphie dans les messages, rehausser les particularités graphiques de chaque message, leurs dynamiques, les individualiser en tant que prises de paroles singulières touchant à des sujets universels empreints de romantisme tels que l’amour, la mort ou l’urgence de vivre. Le but final était ainsi de faire en sorte que les messages et les images deviennent formellement équivalents.

RS Le projet a été réalisé à Sintra et ses environs, station balnéaire proche de Lisbonne, que vous connaissez bien tous deux. Les paysages photographiés alternent luxuriance et aridité extrême, ils ont une présence forte, à laquelle on ne peut échapper. L’homme y est souvent happé, la tête dans le sol ou le corps immergé. Comment avez-vous approché le portrait de ces personnes et le choix de ces environnements ? Et comment les avez-vous mis en correspondance ?

PA et DAG Certaines photographies ont effectivement été prises à Sintra – lieu de villégiature de l’aristocratie portugaise mais aussi anglaise au cours du XIXe siècle. Certains poètes anglais y ont séjourné, tels que Lord Byron, William Wordsworth ou Samuel Taylor Coleridge, pour citer les plus connus ; cependant la plupart furent réalisées au Nord du Portugal lors de festivals d’été de musique Rock. La relation homme/paysage est une fois de plus inspirée par certains principes romantiques, celui du mythe d’un retour aux origines. L’idée d’un âge d’or où l’homme cohabitait harmonieusement avec la nature, où il avait sa place au sein de la nature. Cependant, l’histoire de ce mythe est toujours l’histoire d’un échec, d’un impossible retour. Nous souhaitions montrer cette confrontation entre une figure humaine littéralement absorbée par le paysage (d’où la présence de l’eau, de corps à moitié avalés par des feuillages…) et de l’autre, l’artifice de cette relation symbiotique avec l’apparition de signes d’une culture urbaine par l’intermédiaire de références à la musique (habits, coiffures, tatouages, t-shirts…). Les personnes présentes dans les photographies sont les acteurs de ces paysages ; ils les activent mais ne s’y fondent pas pour autant, ils les influencent en y introduisant une note urbaine.
Par ailleurs, ce n’est pas la musique en tant que phénomène qui nous intéressait mais ce qu’elle catalyse socialement dans un temps et un espace donnés. Le festival en tant qu’agent de transformation d’une population dans un temps et un espace donné. Un microcosme où existe temporairement un lien social d’une nature très particulière. Le temps semble s’arrêter. On vit au rythme du festival, on campe sur un site, on mange, on dort, on se laisse vivre, libéré de la routine casanière, de la famille, des cours. C’est une forme d’évasion… Plus rien d’autre n’existe que ces heures paisiblement tendues vers les concerts du soir, que la douce alcoolémie d’une après-midi d’été, allongé sur l’herbe, la peau chauffée par le soleil, avec votre amoureuse qui vous enlève les points noirs du dos… Nous souhaitions aussi montrer cette ambiance, cette sensation de collectivité.

RS Entre les photographies s’intercalent des reproductions de morceaux de papier, parfois froissés, dessinés ou griffonnés. Ce sont des déclarations d’amour ou des prières d’un monde meilleur, et parmi ces adresses à l’humanité en général ou à l’être aimé, on voit surgir le nom de Patricia. Quel est votre engagement personnel dans ce travail ? À quelle distance (au sens figuré) vous tenez-vous de votre sujet ? Dans quelle mesure ce monde est-il le vôtre, quelle relation avez-vous entretenu ou entretenez-vous encore avec lui en dehors du moment de la prise de vue ?

PA Ces reproductions de textes et de dessins sont des messages qui furent laissés par les visiteurs de la première exposition du projet All Beauty Must Die, où étaient présentées des photographies en couleur, mais aussi des posters avec des paroles de chansons Rock et des poèmes romantiques du XIXe siècle. J’ai commencé à prêter attention à ces messages quand j’ai remarqué que certains d’entre eux proposaient des variations du titre, telles que : « Um dia vamos todos morrer » (« Un jour nous allons tous mourir ») ou « Slowly we rot » (« Lentement nous pourrissons »), qui renforçaient le coté tragique du titre.
À partir du moment où j’accepte qu’il existe une relation entre mes images et ces messages anonymes (à supposer que cette Patrícia qui est mentionnée au début du livre, c’est moi : « Chère Patricia, j’espère qu’un jour tes yeux s’ouvriront à la réalité »), commence alors un jeu de fiction entre ces messages et les photographies que j’ai ensuite travaillées dans la séquence du livre. D’ailleurs, il existe un caractère autobiographique dans ce projet. La musique, la culture pop et la littérature sont au commencement de ma pratique professionnelle car j’ai débuté en photographiant des musiciens, des écrivains et pour des magazines.

RS Vous avez vous-même une maison d’édition : Ghost. Vous y publiez vos propres ouvrages, des éditions d’autres photographes ainsi que des projets thématiques spéciaux. Le choix du livre s’est-il imposé à vous dès le commencement du projet ? Que change ce support dans votre appréhension et traitement du sujet ?

PA All Beauty Must Die a démarré comme projet de livre. Le support du livre me permet d’expérimenter des idées de séquence et de montage. Les relations qui s’établissent sur une double page, le rythme de lecture, le passage d’une image à une autre sont des ressorts très riches et puissants pour la construction d’une trajectoire et d’une ambiance avec des images.
Cependant il est rare que le dispositif de l’exposition et celui du livre coïncident formellement. Il s’agit de deux supports qui mettent en jeu des relations à l’espace, à la temporalité, au corps du lecteur (ou du visiteur) totalement différentes. Par exemple, l’exposition du projet « All Beauty Must Die » avec les images qui se trouvent dans le livre était composée d’une sélection de photographies accrochées au mur et d’une sélection de messages qui eux étaient collés sur des plaques, posés au sol et entre lesquels le visiteur pouvait déambuler.

PA et DAG Pour le livre, nous avons travaillé la relation entre les images et les messages selon un rapport d’intériorité/extériorité : ce qui se passe à l’intérieur/ce qui se passe à l’extérieur, où le texte des messages pouvait être soit un commentaire soit une extension de l’image mais jamais une explication de l’image ; toujours selon un soucis d’équivalence entre la valeur de l’image et celle du texte, sans pour autant être une redondance. L’enchaînement des images entre elles, du début jusqu’à la fin, est lui structuré en phases qui définissent différentes ambiances. Le livre commence dans une atmosphère onirique pour s’achever dans une ambiance plus pesante et mortuaire.

La maison d’édition GHOST est née de notre volonté d’explorer les potentialités du support du livre dans la création d’objets visuels et critiques. Nous avons commencé à travailler avec des photographes dont nous connaissions bien le travail et avec lesquels nous pouvions très librement échanger des propositions de construction et de montage. Nous avons ensuite élargi notre champ d’intervention à des projets visuels qui ne sont pas nécessairement des projets de photographes, mais aussi à des projets plus réactifs, plus politisés… Le fait d’avoir créé notre maison d’édition a certainement déplacé le centre de gravité de notre pratique vers un travail de montage d’images et de textes et vers la création de séquences et de relations entre images et entre images et textes; c’est-à-dire vers la formation d’une réflexion critique sur l’usage des images.

Patrícia Almeida est photographe et co-fondatrice des Editions GHOST. Elle vit et travaille à Lisbonne. Elle s’est formée en Histoire à la Universidade Nova de Lisbonne et en photographie au Goldsmiths College à Londres. Elle s’intéresse au langage de la photographie documentaire comme territoire de recherche et de création artistique. Dans ces expositions, coexistent fréquemment divers medias : photographies, textes, affiches, journaux, vidéos et projections de diapositives. Ses projets sont très souvent d’abord pensés comme livre ou publication d’artiste, un aspect important de son travail, ayant publié huit projets. En 2009, elle est nominée pour le prix Besphoto pour son exposition et le livre “Portobello”. Depuis 2013, elle est membre de POC/Piece of Cake, un réseau auto-organisé d’artistes européens et nord-américains travaillant avec la photographie et la vidéo.

David-Alexandre Guéniot est éditeur et co-fondateur des éditions GHOST. Il vit et travaille entre Paris et Lisbonne. Formé en Sciences politiques et en philosophie, il a codirigé, entre 1996 et 1999, la programmation artistique du Théâtre de l’Usine à Genève, ainsi que, jusqu’en 2010, les activités de RE.AL, une structure de production et de création fondée par le chorégraphe portugais João Fiadeiro. Il a ainsi participé à la mise en place de divers programmes de résidences artistiques internationales, notamment le projet LAB (entre 2000 et 2006), une plateforme créative et réflexive d’expérimentations artistiques. Ou encore les cycles de résidences “Restes, traces et empreintes – sur les pratiques de documentation dans la création contemporaine (2009-2010)” et “GHOST [Guest+Host]” (2011), initiative qui visait à créer des dispositifs de partage et de convivialité. En 2011, il fonde les éditions GHOST, en association avec Patrícia Almeida. GHOST émerge de la conjonction des pratiques et des intérêts de ses fondateurs (la photographie et les arts performatifs) pour donner corps à des projets éditoriaux et à des événements programmatiques.


Site officiel de Patrícia Almeida
Piece of Cake Project
Ghost Editions

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Lorenzo Vitturi : “Dalston Anatomy” [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/04/lorenzo-vitturi-dalston-anatomy-en/ Mon, 14 Apr 2014 08:00:27 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17206 Version française Raphaëlle Stopin You grew up in the streets of Venice, Italy, perhaps one of the European cities most impermeable to the changes induced by modern times (apart from erosion, not much has changed in the landscape) and you are now based in London, a high-tempo megalopolis. Dalston, a paroxysmal expression of urban activity[.....]

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Version française

Raphaëlle Stopin You grew up in the streets of Venice, Italy, perhaps one of the European cities most impermeable to the changes induced by modern times (apart from erosion, not much has changed in the landscape) and you are now based in London, a high-tempo megalopolis. Dalston, a paroxysmal expression of urban activity and its sometimes chaotic atmosphere, is now your home. How did this environment appear to you as a “subject” you wanted to deal with ?

Lorenzo Vitturi Venice has not changed as a landscape but socially the change has been dramatic. In the 60s there were 120,000 Venetians citizens, now there are only 60,000. What has already been happening in Venice for decades, is now happening in most of the major European capitals, where gentrification is profoundly changing their social geography: today only big brands or really rich people can afford to live in city centres, while the rest of the population is forced to the outskirts. The heart of the city is now transformed into a dry and standardised boutique.
Venice is now a Disneyland, a playground for millionaires and tourists, and London too is currently going through a harsh gentrification process, which is painful to see. So I continue to come across these places, and capture something of them as they are, at their rawest and most beautiful, with all their flaws and smells and things-to-be-done-differently, before they too warp and transform and disappear as we know them now, as time moves ever forward.
When I found myself in Dalston four years ago, I did what I always do. I searched for colour and excitement and life and found it all in Ridley Road Market, one of London’s oldest markets and the hub of the surrounding African, Asian and more recently, Latin-American communities. For me, Dalston is very much like Venice – a curious, fantastical cacophony of culture and colour, homes and voices, and again I felt the urge to capture the market, this community and distil it in the form of a photograph.

 

RS Dalston Anatomy, as a title for the project, implies that you observe, study, or otherwise dissect this body that the market would be: from its main characters – both clients and sellers – to its goods. Which part caught your attention first? Which aspect – of the portraits or still lifes – did you explore first? Does one necessarily induce the other ?

LV I like to compare my process to that of a visionary anatomist. To understand this you have to imagine the market, its products and its people as a whole single body, which I dissect using the camera as a surgeon’s knife and my studio as a laboratory. During the anatomy process I selected the elements/fragments which I thought were more interesting, exclusively in terms of their shape or colour. Following their selection, I brought all these fragments into my studio and I mixed them all together, during a sort of promiscuous game where sculpture, collage and painting melt together, and I recreated a series of new anatomies, whose features only exist in my own visionary world. The final output of the process is a heterogeneous series of images that mix different languages and photographic approaches, from snapshot and portraits taken on the street to photos of sculptures, from photographs of collages to scans of found materials.

 

RS Those two aspects – portraits and still lifes – echo one another, leading to some fascinating formal parallels, enhanced by your layout. Faces, hairdos, skin, are seen as materials and volumes, to the extent that portraits are sometimes literally taken as a starting point for the creation of another image (you enlarge a portrait you took, to which you apply pigments or other material taken from the market, re-photograph the whole to create a new image). The reality of your environment is then raw material that can be altered, but within your baroque fantasies you manage to create a space for a true document of the market as well. To be able to talk about the spirit of the place, to be somehow in the truth of this environment: was this one of your intentions when you started on this project ?

LV When I started Dalston Anatomy I just felt the instinctive need to freeze everything else that I was doing, to choose the biggest corner of my flat, build a studio corner, just start playing with the objects I could find in the nearby streets of Dalston, mainly debris and products from the market. That’s how everything started really.
For a couple of months I just walked up and down in the market. I selected materials, brought them back to the studio, used them as raw material to build precarious sculptures and photographed them before and after their collapse. Only then did I start asking myself what I was really doing and what was the rationale behind all this work.
I then realised that my neighbourhood was dramatically changing day after day, and its people were changing too, and new people were moving in. I also realised that the debris I was collecting was not just ordinary trash but it was in fact what was left of old flats and lives, parts of those interiors that were being refurbished for the arrival of a new class.
The last revelation was that all these images I was producing were in a way not just the result of my secret imagination but were deeply connected with a wider reality. They were fragments of a bigger picture, my own “bigger picture”, which also clearly includes the place I live in and the community that I love and care for.

RS Dalston Anatomy is primarily a book. Its cover is made with an African textile and when you open it, it feels as dense as Dalston’s streets: full-page images, few borders, very few white pages. Was it obvious to you that the project would be a book before anything else ?

LV From the beginning I knew that the book was one of the best mediums for showing what I had in mind. And from the beginning, throughout the process of collecting images, forging atmospheres, making sculptures, I was in fact already editing the book, and this helped me to find optimal visual coherence between the sculptural side of the work and all the different visual outputs I was coming up with. I treated every double-spread as an empty physical space ready to host a different composition. Everything has been edited together trying to create a fluid series of images using colours and anatomical similarities as a narrative binding agent. A sort of musical rhythm, an Afro beat if you will.

 

RS You made installations with your photographs in the market and glued posters of them in the market. Some of them were removed and reused by the inhabitants and passers-by. In this way you were placing yourself in this flux of merchandise / goods / exchanges. How do you see yourself, as an artist and citizen, within the frame of your image ?

LV As soon as I finished the project I felt the need to bring the work back to the people and the community of the market (who might be the most photographed people of East London yet never see any pictures of themselves). I wanted to see their reaction and to complete the cycle I began when I started the project. I did not like the idea of using the soul of a community and a place and then closing it off immediately in a gallery to show it only to a selected elite.
I think an artist should have an active role in his community and use his visionary capacity to show things in a different way, and to the widest public possible. By this I mean to say that if we still look at art as a medium for communicating grand concepts, and for reconnecting people to their most visionary ideas, then it is not only museum-goers who should consume art. It is precisely those who are busy shaping our society with their daily work who should be able to see how beautiful and meaningful the product of their work is. I remember one of the market stall-keepers being amazed at the way his vegetables, if just looked at from a different perspective, could turn into a piece of art.
Of course, when one shows an art project to the public, whose main interest is not photography or art, one has to be ready for all sorts of reactions: strong opinions, acceptance and refusal. Luckily the work has been appreciated and the majority of the people enjoyed it and understood Dalston Anatomy as what it is: a visual ode to Dalston, as a unique place where different cultures merge together but also a celebration of life as an expression of diversity and unstoppable energy.


Italian photographer based in London, Lorenzo Vitturi (Venice, 1980) studied photography and design at the Instituto Europeo di Design in Rome and then at the Fabrica research center of Benetton communication. From his previous experience in cinema (he was a painter and decorator), Lorenzo Vitturi has retained a taste for installation and staging.
Dalston Anatomy was selected in 2013 for the “Paris Photo – Aperture Foundation PhotoBook” Awards and simultaneously exposed to 3h FOAM in Amsterdam.


www.lorenzovitturi.com
Second edition of “Dalston Anatomy” by Lorenzo Vitturi
Self Publish Be Happy

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Les portfolios de Raphaëlle Stopin http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/04/les-portfolios-de-raphaelle-stopin/ Mon, 14 Apr 2014 08:00:22 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=17526 Raphaëlle Stopin présente : LORENZO VITTURI (Italie), PATRICIA ALMEIDA & DAVID ALEXANDRE GUÉNIOT (Portugal), TRINE SØNDEGAARD & NICOLAI HOWALT (Danemark), PETROS EFSTATHIADIS (Grèce), JASPER DE BEIJER (Pays-Bas), BREA SOUDERS (États-Unis), STEPHEN GILL (Royaume-Uni).

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Commissaire invitée à proposer une sélection de portfolios pour le magazine, RAPHAËLLE STOPIN a choisi de présenter les œuvres de 9 artistes : LORENZO VITTURI (Italie), PATRICIA ALMEIDA & DAVID ALEXANDRE GUÉNIOT (Portugal), TRINE SØNDEGAARD & NICOLAI HOWALT (Danemark), PETROS EFSTATHIADIS (Grèce), JASPER DE BEIJER (Pays-Bas), BREA SOUDERS (États-Unis), STEPHEN GILL (Royaume-Uni).


Raphaëlle Stopin est commissaire d’exposition free lance, critique et consultante en art et média.
Depuis douze ans, elle collabore au Festival International de Mode et de Photographie à Hyères, en tant que commissaire des expositions et du concours photographie ; manifestation au travers de laquelle elle défend des auteurs émergents et présente des figures établies telles que Erwin Blumenfeld, Melvin Sokolsky, Saul Leiter ou des artistes de la nouvelle scène tels que Jason Evans, Viviane Sassen, Charles Fréger. Cette année, elle exposera les œuvres de Steve Hiett et Oliver Sieber.
Elle a par ailleurs été commissaire invitée à The Photographers’ Gallery (Londres), la Biennale de Photographie de Mexico, UltraLounge Selfridges et les galeries photo de la FNAC. En 2013, elle est Mentor de la Section Expérimentale du Festival de Photographie de Cracovie.
Parmi ses publications, figurent les préfaces des oeuvres de Charles Fréger, Mathieu Bernard-Reymond, Loan Nguyen, Melvin Sokolsky, Joël Tettamanti, Cyrille Weiner, Laura Henno ainsi que des collaborations à Telerama, FOAM ou encore L’Officiel Art. Elle est régulièrement invitée à des jurys et lectures de portfolios (Rencontres d’Arles, Curators Network…).
Diplômée d’Histoire de l’Art à la Sorbonne, elle réside à Paris.

Raphaëlle Stopin is a free lance curator, writer and art & media consultant.
For the past twelve years, she has been curator in charge of the photographic section for the Hyères International Festival of Fashion and Photography where she aims to promote emerging photographers and in the frame of which she has exhibited the works of historical figures such as Erwin Blumenfeld, Melvin Sokolsky, Saul Leiter or names of the new scene such as Jason Evans, Viviane Sassen, Charles Fréger. For this year’s festival, she is curating solo shows dedicated to Steve Hiett and Oliver Sieber.
She has notably served as guest curator at The Photographers’ Gallery in London, the Mexican Photography Biennial, UltraLounge Selfridges and the FNAC Photo Galleries. In 2013, she is Mentor to the Experimental Section of the Photomonth, Krakow, Poland. Her publications include prefaces to the works of Charles Fréger, Mathieu Bernard-Reymond, Loan Nguyen, Melvin Sokolsky, Joël Tettamanti, Cyrille Weiner, Laura Henno and many more as well as collaborations with Telerama, FOAM or L’Officiel Art. She regularly takes part in juries and portfolio reviews (Rencontres d’Arles, Curators Network…). She is a graduate in Art History from the Sorbonne and is based in Paris.

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Lorenzo Vitturi : “Dalston Anatomy” [FR/EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/04/lorenzo-vitturi-dalston-anatomy/ Mon, 14 Apr 2014 08:00:05 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=16865 un portfolio présenté par Raphaëlle Stopin

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Des sons, des couleurs et des odeurs, à foison. Lorenzo Vitturi dresse un portrait très personnel de Dalston, quartier de Londres qu’il habite et où se tient un marché multiethnique. Dans ses portraits de passants, clients et vendeurs et dans ses natures mortes de marchandises abandonnées en fin de marché, se rencontrent l’exubérance propre au lieu et les fantaisies personnelles de l’artiste. Il y parle un langage de pigments, de textures et de formes sculpturales maintenues en un périlleux équilibre.


Raphaëlle Stopin Vous avez grandi dans les rues de Venise, la ville d’Europe peut-être la plus impassible face aux bouleversements induits par les temps modernes (érosion mise à part, le paysage y a peu changé) et avez choisi Londres, mégapole fiévreuse, pour ville d’adoption. Le quartier de Dalston, paroxysme de l’activité et du chaos urbain, est devenu le vôtre. Comment cet environnement s’est-il imposé comme votre sujet ?

Lorenzo Vitturi Le paysage de Venise n’a pas changé, c’est vrai, mais socialement, le bouleversement a été drastique. Dans les années 1960, la ville comptait 120 000 résidents. Aujourd’hui elle n’en dénombre plus que 60 000. Ce qui se passe aujourd’hui dans la plupart des villes européennes majeures s’est déroulé à Venise il y a plusieurs décennies déjà. La gentrification change profondément la géographie sociale ; aujourd’hui, seules les grandes marques ou les personnes très riches peuvent se permettre de vivre dans les centres-villes, quand le reste de la population est contrainte à vivre en périphérie. Le cœur de la ville a été transformé en un lieu sec et standardisé, comme une boutique.
Venise est aujourd’hui un Disneyland, un terrain de jeu pour millionnaires et touristes, et Londres est en train de connaître le même processus, dur, violent, de gentrification, qui fait si mal à voir. Je poursuis donc ma promenade dans ces lieux et capture quelque chose de ce qu’ils sont, à l’état le plus cru, le plus brut et beau, avec tous leurs flux, odeurs et façons de faire différentes, avant qu’ils ne soient transformés, qu’ils ne disparaissent, emportés par le temps qui ne cesse de passer.
Quand je me suis retrouvé à Dalston il y a 4 ans, j’ai fait ce que j’avais toujours fait. J’ai cherché la couleur, l’excitation et la vie. J’ai trouvé tout cela en un endroit, au marché de Ridley Road, l’un des plus vieux marchés de Londres et le point de rencontre des communautés africaines, asiatiques et plus récemment, latino-américaines. Pour moi, Dalston est très semblable à Venise –une curieuse et fantastique cacophonie de cultures et de couleurs, de maisons et de voix– et j’ai ressenti ce besoin de capturer le marché, cette communauté puis de les distiller sous forme de photographies.

RS Le titre Dalston Anatomy pose l’idée que vous observez, étudiez voire disséquez le corps que serait ce marché : de ses acteurs – clients et vendeurs – à ses marchandises. Sur quelle partie s’est d’abord arrêté votre regard ? Quelle forme, des portraits ou des natures mortes, avez-vous exploré de prime abord ? L’un appelle-t-il nécessairement l’autre selon vous ?

LV J’aime comparer mon processus à celui d’un anatomiste éclairé. Il faut imaginer le marché, ses produits et ses gens comme un seul et même corps, que je dissèque utilisant mon appareil comme le scalpel du chirurgien et mon studio comme laboratoire. Lors de cette étude d’anatomie, je sélectionne les fragments que j’ai trouvé les plus intéressants, pour leurs formes ou leurs couleurs. Une fois sélectionnés, je les ramène dans mon studio et je les mélange tous, dans une sorte de libertinage plastique où se mêlent sculpture, collage et peinture. Je recrée ainsi de nouvelles anatomies dont les traits n’existent que dans mon monde visuel. Le résultat final de ce processus est une série hétérogène d’images, qui mêle différents langages et approches photographiques : des snapshots, portraits de rue, photographies de sculptures en studio ou de collages et scans de matériaux trouvés.

RS Entre ces deux aspects – portraits et natures mortes – surgissent des parallèles formels étonnants, que la mise en page de votre livre ne fait que renforcer. Les visages, les chevelures, les peaux sont abordés comme des volumes et des matières. Les portraits sont même parfois littéralement supports pour des compositions (vous tirez un portrait sur papier, sur lequel vous intervenez avec des pigments, des tissus, re-photographiant l’ensemble pour obtenir une deuxième image). Le réel est ainsi pris pour matière malléable et transformable. Pourtant dans cette fantaisie baroque, vous constituez un vrai document sur le marché. Dire l’esprit de ce lieu, était-ce une volonté à l’initiative du projet ?

LV Quand j’ai commencé Dalston Anatomy, j’ai juste ressenti le besoin instinctif de geler tout ce que je pouvais faire d’autre à côté, j’ai choisi le coin le plus large de mon appartement, transformé un studio, et j’ai commencé à jouer avec les objets que je pouvais trouver dans les rues avoisinantes de Dalston. C’est comme cela que le projet a démarré. Pendant plusieurs mois j’ai parcouru le marché de long en large, j’ai sélectionné des matériaux, les ai ramenés au studio, ai construit ces sculptures à l’équilibre précaire, les ai photographiées avant et après leur chute. Ce n’est qu’après un certain temps que je me suis demandé ce que j’étais en train de construire, ce qu’il y avait derrière tout cela.
J’ai réalisé que mon environnement était en train de changer à toute allure, les gens changeaient aussi, de nouvelles personnes emménageaient. J’ai aussi pris conscience que les débris que je ramassais dans la rue n’étaient pas des débris ordinaires, mais qu’il y avait parmi ceux-ci des restes provenant d’anciens appartements qui avaient été vidés afin d’être rénovés pour une classe plus aisée.
Ce n’est qu’à ce moment là que j’ai éprouvé le sentiment que ces images n’étaient pas uniquement le résultat de mon imagination la plus secrète mais qu’elles étaient également connectées à une réalité bien plus large : elles faisaient partie d’un tout, d’une « bigger picture » comme on dit en anglais, ma « bigger picture » incluant bien évidemment l’endroit où je vis, la communauté que j’aime et dont je me préoccupe.

RS Dalston Anatomy c’est avant tout un livre. La couverture est faite d’un textile africain très coloré et l’intérieur est aussi dense que les rues de Dalston : images pleine page, sans marges, et peu de pages blanches. En quoi cette forme était-elle porteuse d’évidence ?

LV Dès le départ j’ai su que le livre serait le meilleur moyen de montrer ce que j’avais en tête. Depuis les prémices du projet, des premières collectes d’objets à la création d’atmosphères et la fabrication de sculptures, j’étais en fait déjà dans le processus d’éditing d’un livre et cela m’a aidé à trouver une cohérence visuelle optimale entre l’ensemble des sculptures et les autres matériaux ou formes d’images. J’ai traité chaque double-page comme un espace physique prêt à accueillir une composition différente.
Tout, sculptures, portraits, instantanés, scans de matériaux trouvés, (comme ces feuilles de maïs), a été édité ensemble afin de créer une séquence fluide d’images utilisant les couleurs et les similitudes anatomiques comme liant narratif. Un rythme musical, de l’afrobeat en quelque sorte.

RS Vous avez fait des installations avec vos images dans le marché, vous avez collé des posters de vos photographies sur les palissades ; certaines ont été décollées et réutilisées par les habitants. Vous vous placez là aussi dans le flux des marchandises. Comment vous inscrivez-vous vous-même, en tant qu’artiste et en tant que citoyen, dans votre image ?

LV Dès que j’ai eu fini le projet, j’ai senti la nécessité de le rendre aux gens du quartier, à la communauté du marché (qui doivent être les personnes les plus photographiées d’East London, sans pour autant avoir jamais vu une seule de ces images). Je voulais voir leur réaction et compléter le cycle que j’avais ouvert quand j’ai commencé. Je n’aimais pas l’idée d’utiliser l’âme d’une communauté et d’un lieu pour l’enfermer immédiatement dans une galerie et la montrer à quelques personnes triées sur le volet.
Je crois qu’un artiste doit avoir un rôle actif dans sa communauté et utiliser sa capacité de vision pour montrer les choses dans une perspective différente, au public le plus large possible. Ce que j’entends par là c’est que si nous cherchons toujours à ce que l’art soit un moyen de communiquer de grands concepts, de reconnecter le monde avec ses idées les plus visionnaires, alors l’art ne doit pas être une denrée réservée à une élite fréquentant les musées. C’est précisément ceux qui sont occupés à construire et modeler notre société par leur travail quotidien que l’on doit amener à voir à quel point le fruit de leur travail est beau et significatif. Je me rappelle un des vendeurs du marché qui était émerveillé de voir que ses légumes, vus sous un angle différent, pouvaient devenir des œuvres d’art.
Bien sûr, quand on montre un projet artistique dans un espace public, où l’intérêt premier n’est pas focalisé sur l’art ou la photographie, il faut être prêt à toutes sortes de réactions : des opinions fortes, l’acceptation, comme le rejet. Heureusement, le projet a été apprécié et la majorité des personnes de la communauté ont pris Dalston Anatomy pour ce qu’il est : une ode visuelle à Dalston, comme un endroit unique où se mêlent différentes cultures mais aussi une célébration de la vie en tant qu’expression de la diversité et d’une énergie inépuisable.

Photographe italien installé à Londres, Lorenzo Vitturi (Venise, 1980) a étudié la photographie et le design à l’Instituto Europeo di Design à Rome puis à la Fabrica, centre de recherche en communication de Benetton. De son expérience antérieure dans le cinéma (il y était peintre décorateur), Lorenzo Vitturi a gardé le goût pour l’installation et la mise en scène.
Dalston Anatomy a été sélectionné en 2013 pour le prix « Paris Photo – Aperture Foundation PhotoBook Awards », et simultanément exposé à FOAM 3h à Amsterdam.



www.lorenzovitturi.com
“Dalston Anatomy” de Lorenzo Vitturi, seconde édition
Self Publish Be Happy

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Ester Vonplon, The Uncanny (EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/03/ester-vonplon-the-uncanny-en/ Thu, 28 Mar 2013 11:35:43 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=13407 a portfolio curated by Françoise Docquiert
Invisible Cities is a rather strange book, a cross between fiction and poetry. In it, Italo Calvino paints the portraits of 55 cities bearing women’s name, as described to the emperor Kublai Khan by Marco Polo.

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Invisible Cities is a rather strange book, a cross between fiction and poetry. In it, Italo Calvino paints the portraits of 55 cities bearing women’s name, as described to the emperor Kublai Khan by Marco Polo. The narrative is intercut with an imaginary dialogue between the Venetian traveller and the Tatar emperor.

Although their themes are very different, Ester Vonplon’s photographic series irresistibly remind me of Calvino’s text, not only for their titles – Ester’s images offer their meaning only when we look at them attentively, and they may seem banal, almost invisible for those who do not know how to read them – but also by the constant tension that informs these images which are almost always in black and white, making them strange and familiar at the same time.

Right from the first series, Cudesch da visitas, (2006-2007), the experience of travel, usually solo, makes the narrative of these images a discourse of memory based on a multitude of visions of landscapes interlarded with occasional portraits, all overexposed and freighted with contrasts. The digital silver prints are often saturated and this heightens the isolation of the forms.

The two series from 2007-2009 showing a family of Roms from Kosovo – Es gibt nicht mehr Sonne, and Wenn das Wetter nicht mehr kaputt ist, werden wir spazieren gehen – began with a request from the Gashi family for visual keepsakes, which may make them seem marginal in the photographer’s work. However, they are in fact “silent” narratives which affirm the existence of a failing culture as a point of fragility and weakness. For Ester they inaugurate the use of Polaroids, but without changing her continuing use of digital silver prints.

In the more recent series, Surselva and Ruinalta, Vonplon intensifies her dialogue between nature and the human. She makes portraits – landscapes, faces – and uses light to institute an aesthetics of disappearance, creating a network of silent connections. Mental images come before us through the almost monochrome veils of the pictures. Colour enters certain images, always faded by time.

But what gives Vonplon’s work generally its power and intriguing elegance is above all the sense of familiar strangeness that unfailingly occurs in all her series. The banal, universal experiences, mix with ghosts and memories of dreams. As in Calvino, Vonplon’s work stands out for a real, dream-like density. It shares the writer’s taste for paradox and feints. In it we discover imagined universes that probe this world of ours.

Françoise Docquiert, 2013

Ester Vonplon was born in Switzerland. In her youth she was a professional snowboarder and skateboarder. In 2002 she moved to Berlin to work for a film production company. She came to photography almost by chance but acquired a taste for it and enrolled at the Fotografie am Schiffbauerdamm, graduating in 2007. After initial recognition in Switzerland, Vonplon’s work became internationally known in 2011 when she won the Foam Talent Prize. She is represented by Galerie Vu and lives and works in Zurich and Castrisch.

Links

Ester Vonplon, official website
Ester Vonplon, Galerie VU’

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Ester Vonplon : L’étrangeté familière (FR/EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/03/ester-vonplon-etrangete-familiere-fr/ Thu, 28 Mar 2013 11:33:38 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=13276 Un portfolio présenté par Françoise Docquiert
Les Villes Invisibles est un livre un peu étrange, entre la fiction et le recueil de poésie. Italo Calvino y peint 55 portraits de ville aux noms de femmes que Marco Polo décrit à l’empereur Kublai Khan.

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Les Villes Invisibles est un livre un peu étrange, entre la fiction et le recueil de poésie. Italo Calvino y peint 55 portraits de ville aux noms de femmes que Marco Polo décrit à l’empereur Kublai Khan. Le récit est entrecoupé d’un dialogue imaginaire entre le voyageur vénitien et l’empereur des Tatars.

Les séries d’Ester Vonplon, avec des thématiques pourtant différentes, me font irrésistiblement penser au texte d’Italo Calvino. Par le titre – les images d’Ester ne dévoilent leur sens qu’en les regardant attentivement et peuvent paraître banales et presque  invisibles pour celui qui ne sait pas les interroger – mais aussi par une tension constante qui nourrit ses images presque toujours en noir et blanc et nous les rend à la fois étranges et familières.

Dès la première série – Cudesch da visitas, 2006-2007 – l’expérience du voyage, le plus souvent en solitaire, fait de la narration de ces images, un discours mémoriel basé sur une multitude de visions de paysage entrecoupées encore de quelques portraits, tous surexposées de lumière et chargées de contrastes. Les tirages argentiques numériques, sont souvent saturés et accentuent l’isolement des formes.

Les deux séries de 2007-2009 sur une famille de roms du Kosovo – Es gibt nicht mehr Sonne, et Wenn das Wetter nicht mehr kaputt ist, werden wir spazieren gehen – parce qu’elles  répondent d’abord à la demande de photographies souvenirs de la famille Gashi, semblent un pas de coté dans le travail de la photographe. Elles sont, en fait, des narrations « silencieuses » affirmant l’existence d’une culture défaillante comme point de fragilité et de faiblesse. Elles Inaugurent pour Esther la pratique du polaroid sans pour changer l’usage à terme des tirages numériques argentiques.

Avec les séries plus récentes – Surselva et Ruinalta –  Ester Vonplon intensifie son dialogue entre nature et humain. Elle réalise des portraits – des paysages, des visages -, joue de la lumière pour installer une esthétique de la disparition et crée un réseau de connivences muettes. Des images mentales surgissent cliché après cliché à travers des voiles presque monochromes. La couleur s’invite dans certaines images, toujours lessivée par le temps.

Mais ce qui fait la force et l’élégance intrigante de l’ensemble du travail d’Ester Vonplon, c’est avant tout une étrangeté familière que l’on retrouve inexorablement à l’aune de toutes ses séries. Le banal, le vécu universel se mêlent à l’apparition de fantômes, de souvenirs ou de rêves. Comme chez Calvino, le travail d’Ester Vonplon se démarque par une densité onirique véritable et par le même goût des paradoxes et de la feinte. On y découvre des univers imaginés qui sont autant d’interrogations sur le monde.

Françoise Docquiert, 2013

Ester Vonplon est née en Suisse. Plus jeune, elle était snowboardeuse et skateboardeuse professionnelle. Elle s’installe en 2002 à Berlin pour travailler dans une société de productions de films. Presque par hasard, elle s’essaie à la photographie, y prend goût, entre à  la Fotografie am Schiffbauerdamm dont elle sort diplômée en 2007. Ester Vonplon, dont le travail a tout d’abord été salué en Suisse, obtient une reconnaissance internationale en 2011 : elle est l’une des lauréats du prix Talent du Foam. Elle est représentée par la Galerie Vu. Elle vit et travaille à Zürich et Castrisch.

Liens

Ester Vonplon, site de l’artiste
Ester Vonplon, Galerie VU’
Way of Women (WOW Magazine) : « Storytelling Photography : Ester Vonplon »
GoSee « A Silent Visit but not an unnoticed one by Ester Vonplon at Vu Gallery, Paris »

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Elika Hedayat (EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/02/elika-hedayat-en/ Thu, 14 Feb 2013 10:53:13 +0000 http://lemagazine.jeudepaume.org/?p=12372 When Elika Hedayat arrived in France in 2004 – she had been admitted to the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, from which she would graduate with the congratulations of the jury in 2008 – she was surprised by how little people knew about her home country, Iran.

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When Elika Hedayat arrived in France in 2004 – she had been admitted to the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, from which she would graduate with the congratulations of the jury in 2008 – she was surprised by how little people knew about her home country, Iran. But while her work certainly talks about Iranian society and its contradictions, it also looks beyond that to the complexity of a multiform, changing world.

Hedayat often mixes personal accounts and experimental documentary, drawing her inspiration from Iranian folk art, which is a long way from classical Persian art. Her stories, though, are contemporary and her characters real. And while the presentation and composition is always important, what she addresses through the different media she explores – video, sound installation, drawings, performances – is always the same political content. She is constantly questioning identity, origins, complexity and cultural schizophrenia, whether in Iran or elsewhere.

It is because she doesn’t want to forget her childhood, her upbringing, the war and the censorship imposed in her native country that she doggedly invents forms that recycle, rethink and update the collective history of a generation living under dictatorship. Her work generally revisits historical references, transferring them onto the terrain of personal experience, using mainly the various possibilities of her repertoire as a narrative document and tool for recuperating memory. Reality, memory and the imaginary interpenetrate in a highly personal narrative always linked to the struggle against the blindness of oppression.

Her drawings are infused with irony and suggest a contestation of the established order. In the time-honoured tradition of the grotesque, represented among others by Rabelais, Kakfa, Paul Klee and the Dadaists, she creates a tribe of strange people who come straight out of contemporary bestiaries, in which the human figure sometimes mixes with the animal and the animal with the vegetal. The work is falsely extravagant and designates a hybridity that has in all ages been an object of delectation and debate, pleasure and resistance.

While Hedayat’s work is essential for the power of its narrative, in my view it is her drawing that is its true foundation. Her usually untitled series, made with ballpoint, black felt pen and acrylic on paper, project qualities of lightness, speed and transparency – there are no hesitations or second thoughts –, from their colouring to their pictorial and sculptural dimensions. The emphasis and precision of line and stroke question the author’s obsessions, focusing the gaze on a central figure, or on a sequence of elements, mixing and partially dismembered.
For FIAC 2012, Hedayat joined with an Israeli artist of her generation, Tamara Erde, for a performance. This was a symbolic act in that each artist is banned from the other’s territory. It offered further proof that a work of art is an act of resistance and sign of independence with regard to the surrounding context.

Françoise Docquiert, 2012

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Elika Hedayat, Sans titre, 2010. Vidéo, 1 min 10.Courtesy galerie Aline Vidal.

Elika Hedayat was born and grew up in Iran. After studying at the College of Arts in Tehran she entered the École Nationale Supérieure des Beaux Arts (attending the seminars of Christian Bernard and atelier of Annette Messager). While there, she went on a year’s exchange to Vancouver in Canada. In 2008, she left the ENSBA, graduating with among the highest honours of her year. She then spent two years at the Studio National des Arts Contemporains du Fresnoy. Elika Hedayat is represented by Galerie Aline Vidal. She lives and works between France and Iran.

Links

Elika Hedayat, blog
Elika Hedayat, Galerie Aline Vidal

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Elika Hedayat (FR) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/02/elika-hedayat/ Thu, 14 Feb 2013 10:52:50 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=12331 Un portfolio présenté par Françoise Docquiert

Si elle met en scène la société iranienne et ses contradictions, le travail d’Elika Hedayat va bien au delà, et parle de la complexité d’un monde multiforme et changeant.

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En arrivant en France en 2004, après avoir été admise à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts dont elle sort avec les Félicitations du Jury en 2008, Elika Hedayat a été surprise de la méconnaissance sur son pays d’origine, l’Iran. Si elle met en scène la société iranienne et ses contradictions, son travail va bien au delà et parle de la complexité d’un monde multiforme et changeant.

Dans ses œuvres, l’artiste mélange souvent les témoignages et le documentaire expérimental puisant son inspiration dans l’art populaire iranien bien loin de l’art perse classique. Mais ses histoires sont contemporaines et ses personnages réels. Si elle s’emploie à les mettre en scène et en espace, c’est toujours le même contenu politique qu’elle crée sous des formes différentes : vidéos, installations sonores, dessins, performances. Elika Hedayat s’interroge en permanence sur la question de l’identité, de l’origine, de la complexité et de la schizophrénie culturelle existant en Iran ou ailleurs.

C’est parce qu’elle ne veut pas oublier son enfance, son éducation, la guerre, la censure mise en place dans son pays natal qu’elle s’acharne à développer en permanence des formes qui recyclent, repensent et mettent à jour l’histoire collective d’une génération face à une dictature. L’ensemble de son œuvre revisite des références historiques, les transférant sur le terrain de l’expérience personnelle, utilisant principalement les diverses possibilités de son répertoire comme document narratif et outil de récupération de la mémoire. Réalité, mémoire et imaginaire s’interpénètrent dans un récit très personnel toujours lié à un combat contre la cécité de l’oppression.

L’ironie s’empare de ces dessins et s’apparente clairement à une contestation de l’ordre établi. Dans la tradition ancienne du grotesque à laquelle se sont attachés Rabelais, Kakfa, Paul Klee et les dadaïstes, elle crée un peuple d’êtres étranges, tout droit sortis de bestiaires actuels où la figure humaine s’entremêle parfois à l’animal et l’animal au végétal. L’œuvre est faussement délirante et désigne une hybridité qui, de tout temps, a été un objet de délectation et de débat, de plaisir et de résistance.

Si l’œuvre d’Elika Hedayat est essentielle par la force de son récit, c’est son dessin qui à mes yeux en est l’élément fondateur. Ses séries, pour la plupart sans titre – stylo et feutre noir, acrylique sur papier – s’affirment par des qualités de légèreté, de rapidité, de transparence, sans aucun repentir, des mises en couleur aux dimensions picturales et sculpturales. L’importance et la justesse de la ligne et du trait questionnent les obsessions de l’auteur, focalisent le regard sur une figure centrale ou sur une suite d’éléments s’entremêlant et partiellement démembrés.

Pour la Fiac 2012, Elika Hedayat s’est associée pour une performance à une artiste israélienne de sa génération, Tamara Erde. Acte symbolique puisque toutes deux sont interdites sur le territoire de l’une et de l’autre. Preuve supplémentaire qu’une oeuvre d’art est un acte de résistance conçu comme indépendance vis-à-vis du contexte qui l’entoure.

Françoise Docquiert, 2012

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Elika Hedayat, Sans titre, 2010. Vidéo, 1 min 10.Courtesy galerie Aline Vidal.

Elika Hedayat est née et a grandi en Iran. Après des études à l’Université d’Art de Téhéran, elle intègre l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts (séminaire de Christian Bernard et atelier Annette Messager). Pendant ce cycle, elle fait une année d’échange à Vancouver au Canada. En 2008, elle sort de l’ENSBA première parmi les Félicités. Elle est ensuite inscrite deux ans au Studio National des Arts Contemporains du Fresnoy. Elika Hedayat est représentée par la galerie Aline Vidal. Elle vit et travaille entre la France et l’Iran.

Liens

Elika Hedayat, blog
Elika Hedayat, Galerie Aline Vidal

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Véronique Ellena : Les choses même (EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/01/veronique-ellena-en/ Wed, 30 Jan 2013 15:18:26 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=11560 "When speaking to me of her career, Véronique described her first images – photo novels – and her youth as a punk, a period one might have expected to have disappeared into the smoother persona of the modern woman. But let us make no mistake: the apparent fragility of her images hides a latent violence which uses the formal language of photography to speak powerfully about essential matters... » Françoise Docquiert

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When speaking to me of her career, Véronique described her first images – photo novels – and her youth as a punk, a period one might have expected to have disappeared into the smoother persona of the modern woman. But let us make no mistake: the apparent fragility of her images hides a latent violence which uses the formal language of photography to speak powerfully about essential matters.

Ellena’s work is that of a patient observer. It unfolds and reveals itself in series. Her memory-works reflect her obsession with the precise capture of reality. Hence these apparently obvious details, these everyday objects, the still lifes, clothes and body fragments – modest antidotes to the overkill of the often aggressive modern world. Her images speak to us of photography, of the pleasure it provides, of her delight in it.

Over the last fifteen years, Ellena has composed a veritable iconography of contemporary life. In each photograph she sets out to capture fragments of reality, showing that everyday subjects offer all the materials needed to construct a poetic language of extraordinary richness.

Les dimanches, Les grands moments de la vie, Les classiques cyclistes, Ceux qui ont la foi, Nature morte, L’Argent – all these series concern everyday mythologies enriched with the values of permanence, eternity or, simply, the stilling of time, and these qualities are heightened by her distinctive approach to photography. Ellena is sparing in the number of images she makes, and always works with a view camera, coming at the subject frontally and in daylight. Exposure times are long, the prints large-format.

Les invisibles was made in Genoa, Rome and Turin in 2009. The series shows the homeless, photographed at dawn. The body is central here. This is the subject of these views of monuments, amidst the folds of the sheets that cover them or the blankets that they recently threw off. These physical bodies are also a social body, a situation. Behind this anonymity are real people, like ourselves, city-dwellers who suffer from precariousness and isolation.

In Les choses mêmes Ellena uses photography to let in the sounds of her childhood, to hold back life. An only daughter, when her mother died she returned to Bourg-en-Bresse to empty the family home. There she became interested in the evocative power of humble, everyday objects such as jars of fruit in alcohol or syrup, kitchen towels, sunglasses, a pair of red pumps, and a white bridal gown. She arranged these for the camera like a contemporary Vanitas. The power of the resulting photographs comes from the fact that what they represent is not objects or places, or even moments, but the relations enveloping objects, place and time. In this attempt to inventory and work through a portion of life, Ellena takes an approach that is almost conceptual and close to abstraction. On occasions, the spirituality of a painter like Mondrian comes to mind.

Françoise Docquiert, 2012

Véronique Ellena was born in Bourg-en-Bresse. After a year at the École des Beaux Arts de Nancy et de Dijon, she entered the École Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre in Brussels, specialising in photography. This training was completed by a postgraduate diploma at the École Nationale Supérieure des Beaux Arts de Nantes. The winner of numerous prizes and residencies, including a year at the Villa Medici in 2008, Ellena has exhibited in group and solo shows worldwide. She now lives and works in Paris, where is represented by Galerie Alain Gutharc.

Links

Véronique Ellena, official website
Véronique Ellena, Galerie Alain Gutharc

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Véronique Ellena : Les choses-même (FR) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/01/veronique-ellena-les-choses-meme-fr/ Sun, 20 Jan 2013 15:09:12 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=11452 Un portfolio présenté par Françoise Docquiert :

Parlant de son parcours, Véronique me racontait ses premières images - des photos romans - et son passé de jeune fille punk qu’on pourrait croire englouti dans une image plus lisse et sans aspérités de femme moderne.

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Parlant de son parcours, Véronique me racontait ses premières images – des photos romans – et son passé de jeune fille punk qu’on pourrait croire englouti dans une image plus lisse et sans aspérités de femme moderne. Mais il ne faut pas s’y méprendre : l’apparente fragilité de ses images cachent une violence latente qui emploie le langage formel de la photographie pour parler fort des choses essentielles.

Le travail de Véronique Ellena est celui d’un observateur patient qui se découvre au travers de séries. Ses objets-mémoire traduisent son obsession de fixer une certaine réalité au plus près. D’où les détails choisis dans leurs apparentes évidences, objets de tous les jours, natures mortes, vêtements, fragments de corps. Des antidotes modestes à une overdose d’un monde contemporain souvent agressif. Ses images parlent de la photographie, du plaisir qu’elle procure, de la jouissance qu’elle lui donne.

Au fil d’une quinzaine d’années, Véronique Ellena a recomposé une véritable iconographie de la vie contemporaine. Elle s’attache à cerner des fragments de réalité dans chacune de ses photographies, montrant que les sujets du quotidien offrent en permanence tous les matériaux nécessaires pour construire un langage poétique d’une richesse inouïe.

Les dimanches, Les grands moments de la vie, Les classiques cyclistes, Ceux qui ont la foi, Nature morte, L’Argent, autant de représentations de mythologies quotidiennes enrichies de valeurs de permanence, d’éternité ou simplement d’immobilisation temporelle qu’accentue encore son travail très spécifique de photographe. Véronique Ellena fait peu d’images, toujours à la chambre avec des prises de vues frontales, le plus souvent réalisées à la lumière du jour, de longs temps de poses et tirées en grand format.

La série Les invisibles a été réalisée en 2009 à Gènes, Rome et Turin. Des photographies de sans-abris à l’aube. Au centre, il y a les corps. C’est d’eux qu’il s’agit dans ses vues de monuments, dans les plis des draps qui les recouvrent ou sur les couvertures qu’ils ont délaissées depuis peu. Ces corps physiques sont aussi un corps social, en situation. Il y a bien quelqu’un dans cet anonymat, un semblable qui vit dans les villes pris entre la précarité et l’isolement.

Avec Les choses mêmes, Véronique Ellena ouvre la porte de la photographie pour y faire rentrer les bruits de son enfance, y retenir la vie. Fille unique, elle est retournée à Bourg-en-Bresse à la mort de sa mère pour vider la maison familiale. Elle y a retrouvé des objets sans qualité chargés de mémoire – bocaux de fruits à l’alcool et au sirop, torchons de cuisine, lunettes de soleil, paires d’escarpins rouges, robe blanche de mariée -. Elle les a mis en scène à la manière de vanités contemporaines. Toute la force de la série tient en effet en ce qu’elle ne photographie pas des objets, ni des lieux ni des instants mais des rapports où sont pris les objets, les lieux et le temps. Avec cette tentative d’inventaire et d’épuisement d’une portion de vie, Véronique Ellena prend une posture presque conceptuelle, proche de l’abstraction évoquant parfois la spiritualité d’un Mondrian.

Françoise Docquiert, 2012

Véronique Ellena est née à Bourg en Bresse. Après une première année à l’Ecole des Beaux Arts de Nancy et de Dijon, elle intègre l’Ecole Nationale Supérieure des arts Visuels de la Cambre à Bruxelles dans la section photographie, formation qu’elle complètera par u post-diplôme à l’Ecole nationale supérieure des Beaux Arts de Nantes. Lauréate de nombreux prix et résidences, elle est en 2008 pensionnaire de la Villa Médicis. Son travail a fait l’objet de présentations partout dans le monde dans des expositions collectives ou solos. Véronique Ellena est représenté par la galerie Alain Gutharc. Sa série Les choses même est actuellement exposée à H2M – Espace d’Art Contemporain, Bourg-en-Bresse, suite à une résidence. Elle vit et travaille aujourd’hui à Paris.

Liens

Véronique Ellena, site de l’artiste
Véronique Ellena, Galerie Alain Gutharc

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Khaled Jarrar: I.Soldier (EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/01/khaled-jarrar-en/ Tue, 08 Jan 2013 13:08:01 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=10990 a portfolio curated by Françoise Docquiert

Among the last things you’d expect to see in a gallery is postage stamps and an artist who is a professional soldier. Now, I don’t have much affinity with armies anywhere, but I was really bowled over by the work of Khaled Jarrar, represented by Bernard Utudjian’s Polaris gallery in Paris.

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French version

Among the last things you’d expect to see in a gallery is postage stamps and an artist who is a professional soldier. Now, I don’t have much affinity with armies anywhere, but I was really bowled over by the work of Khaled Jarrar, represented by Bernard Utudjian’s Polaris gallery in Paris.

Kahled Jarrar is a talented artist, but also a singular one in several ways: he is Palestinian and has made no attempt to get away from his homeland (he lives and work in Ramallah); he is also a captain in the unarmed Palestinian Presidential Guard. While his work is certainly political in its constant critique and derision of domination in any form, its materials also appeal to the senses. His works are an ideal vehicle for thinking, analyzing and articulating his ideas.

The land is the major element. Palestine. Jarrar’s performances, videos, photographs and sculptures all explore its isolation, manifesting his faith in the image’s ability to reveal oppression.

Voyage 110 – Journey 110 (2009) shows Palestinian men and women getting past the wall running between Jerusalem and the West Bank by taking a secret tunnel. It is a raw, uncompromising document. His most recent creation, Infiltrators, winner of two prizes at the Dubai Festival in 2012, explores the same theme in a 70-minute film.

In Soldier (2011) Jarrar moves away from pure narrative. Filmed from a low angle, a military parade become a frighteningly homogenous block of movement denying any kind of individuality. The power of the work is heightened by the play on shadow and the geometry of forms.

Other works use mockery. Wet Suit is an ironic video in which a man in a frog suit hunts for water in the streets of Ramallah, a place where that resource is as valuable as gold. At the Paris FIAC in 2012 Jarrar caught the attention with a cement football extracted from the separating wall between Israel and the West Bank.

On 30 November 2012 the General Assembly of the United Nations granted Palestine the status of non-member observer state. This was an important event for Jarrar, who seems to have anticipated it with the “State of Palestine” stamps that he created in 2010, using the postal service online programme for creating stamps. Accepted by the Dutch and German post offices, his stamps were rejected by France. He also invented an “official” Palestinian stamp which he applied to the passports of (willing) tourists at the 2011 FIAC and at the Berlin Biennale in 2012. In 2011 he built a Ramallah bus station (West Bank). In these pieces, Jarrar reaches beyond traditional art-world confines to directly engage the viewer.

The political energy of this prolific artist’s work comes not only from its subjects, but also from the emotions it inspires by putting us in direct contact with another world and the sufferings of its people. If his art references topical problems, it is effective above all because it allows us to enter and find our place in the world it presents. The artist, an active participant in his country’s history, plays with great intelligence on art’s ability to engage the viewer.

Françoise Docquiert, 2013

« State of Paletine #1 », C-print sous diasec, diamètre 125cm, 2011
© Khaled Jarrar, Galerie Polaris

Khaled Jarrar : State of Palestine, planches de timbres sérigraphiées, édition limitée, 2011©Khaled Jarrar, GaleriePolaris

Khaled Jarrar : « Concrete Palestine #1 », ciment, diamètre 16 cm, 2012
© Galerie Polaris

Khaled Jarrar was born in Jenin, Palestine. Following the family tradition, he started life as a carpenter, working in Nazareth (Israel), before studying Interior Design at the Palestine Polytechnic University and enrolling in the Art School of Ramallah in its first year. He graduated in 2011, and the following year his film Infiltrators won the FIPRESCI prize for best documentary director and the Special Jury Prize at the Dubai International Film Festival
In addition to his artistic activities, Khaled Jarrar is a captain in the (unarmed) Palestinian Presidential Guard. He lives and works in Ramallah.

Links

Khaled Jarrar, Galerie Polaris
Khaled Jarrar, « Stamp for Palestine »
« Live and work in Palestine »

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Khaled Jarrar I.Soldier (FR) http://lemagazine.jeudepaume.org/2013/01/khaled-jarrar-fr/ Tue, 08 Jan 2013 07:10:53 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=10851 Un portfolio présenté par Françoise Docquiert

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English Version

Quoi de plus surprenant que de voir dans une galerie des timbres postes et un artiste militaire de carrière ? En général, je n’ai pas d’empathie pour les armées quelles qu’elles soient. Mais j’ai eu un vrai coup de foudre pour Khaled Jarrar représenté par Bernard Utudjian, directeur de la galerie Polaris.

Pour moi, Kahled Jarrar est un artiste de talent mais il est à part et pour plusieurs raisons : il est palestinien et ne cherche pas à s’éloigner de son pays d’origine — il vit et travaille à Ramallah —. Il est plasticien et est capitaine de la garde palestinienne non armée. Si, dans son oeuvre, le souci politique est affirmé — chaque pièce ravive la pratique d’un art critique qui tourne en dérision toute forme de domination —, les moyens employés sont souvent de l’ordre du sensible. Ses oeuvres sont un terrain de prédilection pour penser, analyser, articuler son propos.

L’élément majeur de son registre est sa terre, la Palestine. Jarrar décline cette thématique de l’isolement d’un pays dans toute son oeuvre — performance, vidéo, photographie, sculpture — et avec des propositions qui attestent de sa foi dans des images capables de montrer des formes de l’oppression.

En 2009, Voyage 110 – Journey 110 décrit concrètement le passage d’hommes et de femmes palestiniens de l’autre côté du mur entre Jérusalem et la Cisjordanie en empruntant un tunnel clandestin. Un documentaire brut sans concession. Sa plus récente création Infiltrators primée deux fois au Festival international de Dubai 2012, reprend la même thématique mais sous la forme d’un long métrage de 70 mn.

2011 : Soldier, Khaled Jarrar s’affranchit de la narration pure. Filmée en contre-plongée, cette parade militaire apparaît comme un bloc homogène en mouvement niant toute individualité et est, de fait, effrayante. Un cadre conceptuel jouant sur les ombres et la géométrie des formes donne sa force à l’oeuvre.

Avec certaines de ses pièces, Khalled Jarrar préfère la dérision : ironie de la vidéo Wet Suit où un homme en tenue de plongée cherche de l’eau dans les rues de Ramallah quand ce liquide est presque de l’or noir pour ses habitants. A la Fiac 2012, c’est une balle de football en ciment qui faisait l’événement : il avait été prélevé par l’artiste sur le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie.

30 novembre 2012 : L’Assemblée générale des Nations Unies vient d’accorder à la Palestine le statut d’Etat non membre observateur. Une date importante pour Khaled Jarrar dont une des propositions artistiques semble avoir anticipé cet événement majeur. Début d’années 2010, il crée des timbres « State of Palestine » en utilisant les programmes des postes permettant de réaliser des vignettes à la demande. Acceptés par les postes néerlandaises et allemandes, ils seront refusés par la France. Il invente également un tampon fictif de l’Etat palestinien qu’il appose sur les passeports de touristes (consentants) à Paris pendant la Fiac 2011 et à Berlin pour la Biennale 2012 et qu’il a réalisé dans un premier temps à la station de bus (West Bank) de Ramallah en 2011.. Avec ces deux pièces, Jarrar sort des lieux traditionnellement dédiés à l’art pour interpeller directement le spectateur.

Car l’énergie politique de l’ensemble du travail de cet artiste prolixe ne tient pas uniquement à ses sujets mais aussi aux émotions qu’ils suscitent, nous plaçant au voisinage d’une souffrance autre, d’un monde autre. Si ses oeuvres renvoient à des problèmes d’actualité, leur efficacité vient surtout du fait qu’elles nous offrent la possibilité de faire partie du monde qu’elles nous font voir et d’y trouver une place. J’y vois là l’intelligence d’un travail jouant sur
le face à face constant oeuvre/spectateur et dont l’auteur est un protagoniste actif de l’histoire de son pays.

Françoise Docquiert, 2012

« State of Paletine #1 », C-print sous diasec, diamètre 125cm, 2011
© Khaled Jarrar, Galerie Polaris

Khaled Jarrar : State of Palestine, planches de timbres sérigraphiées, édition limitée, 2011©Khaled Jarrar, GaleriePolaris

Khaled Jarrar : « Concrete Palestine #1 », ciment, diamètre 16 cm, 2012
© Galerie Polaris

Khaled Jarrar est né à Jenin en Palestine. Il travaille d’abord comme charpentier à Nazareth en Israël, une tradition dans sa famille de père en fils. Il intègre l’Ecole de Design de Naplouse et fait partie de la première promotion de l’Ecole des Beaux Arts de Ramallah dont il sort diplômé en 2011. Dans le cadre du 9ème Festival international du film de Dubai 2012, il vient de recevoir deux prix pour son film « Infiltrators » : meilleur documentaire pour le Prix international de la Critique des films arabes attribué par la Fédération internationale des critiques de films et le Prix spécial du Jury.
Parallèlement à son travail d’artiste, Khaled Jarrar est capitaine de la garde présidentielle (non armée) palestinienne. Khaled Jarrar vit et travaille à Ramallah.

Liens

Khaled Jarrar, Galerie Polaris
Khaled Jarrar, L’art après les armes

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Alexandra Catiere : Land without Shadows (EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/12/alexandra-catiere-en/ Tue, 11 Dec 2012 16:34:33 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=10616 > French version I met Alexandra Catiere a few months ago when she was at the Musée Niépce in Chalon-sur-Saône, on a residency organised at the initiative of its director François Cheval and the BMW Foundation. Most of her images represent faces, bodies and everyday elements. The images are fairly smooth, almost classical, and often[.....]

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> French version

I met Alexandra Catiere a few months ago when she was at the Musée Niépce in Chalon-sur-Saône, on a residency organised at the initiative of its director François Cheval and the BMW Foundation.

Most of her images represent faces, bodies and everyday elements. The images are fairly smooth, almost classical, and often in black-and-white, meticulously printed. Her photography has a timeless quality as well a manifest concern for the subject that might seem to locate it in the humanist tradition.

But a closer look is required here. The photograph reveals itself only gradually, abstracting the habitual referents of photography. There is much more to these images than meets the eye: they prove that there is nothing more surreal and abstract than reality.

For Alexandra, the camera is a substitute, a metaphorical representation of the eye, an instrument for getting the century on paper and questioning it. Like any artist, Alexandra manipulates us the better to make us enter her world. Her images visually relate a narrative that she appropriates. By selecting and ordering the pictures, she offers her own singular, subjective viewpoint as the truth.

Because her photographs are also born of her memory, and often resonate with her personal life, Alexandra works in a personal, contemplative space, which is what gives her work its richness. Through these images which are neither reportage, fiction or witness she communicates emotions that we can all share, that concern and move us. Her engagement is expressed more in aesthetic than thematic choices. She affirms that form produces meaning. Each image requires a particular format, often in black and white, with or without a frame, occupying a full or double-page.

Alexandra does her own printing. She is attracted to photographic material and know that printing is one of the main ways of defining the image’s effect, by making it lighter or darker, warmer or colder.

The series Land without Shadows – the name originally given to Coney Island because its position in relation to the sun means that the beach is sunny all day long – illustrates this. The subjects are photographed from behind, sitting on a bench and looking out to sea. We see only the tops of the bodies, and their relative distance from each other suggests different degrees of friendship, love or empathy. The photos were taken from less than two metres away using a Fuji 6X9 without a light meter or motor. The format is similar to that of a hand-held view camera, which enabled the photographer to go unnoticed. This sense of intimacy is heightened by the very small, postcard-size format. Land without Shadows discourages anecdote. This construction multiplies the internal tensions that constitute the photograph and give it its power, as is the case in all Alexandra Catiere’s work.

Françoise Docquiert,2012
Credits portfolio : Land without Shadows, gelatin silver prints, 11x17cm @ Alexandra Catiere, 2012

Alexandra Catiere was born in Minsk (USSR, now Belarus). In 2000 she moved to Moscow and began to take an interest in photography, then travelled to New York in 2003 to study at the International Center of Photography (ICP). In 2005 she began working in the studio of Irving Penn. She came to Paris in 2008. In 2011, after a residency at the GwinZegal art centre in Guingamp, she was the first winner of the BMW Foundation residency prize at the Musée Nicéphore Niepce in Chalon-sur-Saône, and had an exhibition at the Rencontres Internationales de la Photographie in Arles. Alexandra Catiere is a regular contributor to the press (The New Yorker, The New York Times, FOAM, Le Monde). She lives in Paris.


Liens

Alexandra Catiere, official website
Alexandra Catiere at Musée Niépce, Chalon sur Saône
Alexandra Catiere, catalogue

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Alexandra Catiere : Land without Shadows (FR) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/12/alexandra-catiere-fr/ Tue, 04 Dec 2012 16:20:21 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=10534 Un portfolio présenté par Françoise Docquiert

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J’ai rencontré Alexandra Catiere il y a quelques mois en venant au musée Niépce à Chalon sur Saône où elle était en résidence à l’initiative de son directeur François Cheval et de la fondation BMW.

La plupart de ses images représentent des visages, des corps, des éléments du quotidien. Des clichés assez lisses, presque classiques, souvent en noir et blanc avec des tirages très soignés. Une photographie en partie liée à une certaine intemporalité dont l’intérêt pour le monde pourrait la rattacher à la tradition humaniste de l’image.

Mais il faut regarder plus attentivement ce travail qui se dévoile avec le temps et faire abstraction des référents habituels liés à la photographie. Alors ces images vont bien au delà de ce que l’on y voit au premier coup d’œil : elles sont la preuve qu’il n’y a rien de plus surréel, de plus abstrait que la réalité.

Il est vrai que l’appareil, pour Alexandra, est un substitut, une représentation métaphorique de l’œil, un instrument pour mettre en page son siècle et le questionner. Alexandra, comme tout créateur, nous manipule pour nous faire entrer dans son monde : elle tire partie de ses images pour explorer visuellement une narration qu’elle s’approprie. Par la sélection et le choix d’un ordre, elle nous propose comme vérité de partager son point de vue, singulier et subjectif.

Parce que ses photographies sont nées aussi de sa mémoire, souvent en résonnance avec sa vie personnelle, Alexandra  travaille alors à partir d’un espace de contemplation qui lui est propre et qui fait sa richesse.

Elle restitue à travers ses images –  ni reportage, ni fiction, ni témoignage – des émotions que nous partageons tous, qui nous concernent, nous émeuvent. Son engagement passe par des choix esthétiques plus que par des thématiques. Elle affirme que la mise en forme est productrice de sens. Chaque image demande un format particulier, souvent en noir et blanc, cadré ou non, en plein ou sur une double page.

Pour ses clichés, Alexandra fait elle même ses tirages. Elle aime la matière photographique et sait que le tirage est un des principaux moyens de donner un écho à l’image selon qu’on la rend plus claire ou plus sombre, plus chaleureuse ou plus froide.

La série Land without Shadows – le nom original donné à Coney Island parce que sa position par rapport au soleil garde la plage ensoleillée tout le jour durant – en est l’illustration. Les sujets sont de dos, assis sur un banc et regardent la mer. D’eux, on ne voit que le haut des corps dont la proximité ou l’écart invitent à imaginer de l’amitié, de l’amour et de l’empathie. La prise a été faite à moins de deux mètres avec un Fuji 6X9 sans cellule et sans motorisation, dans un format ressemblant à une chambre utilisable à main levée, qui permet au photographe de se rendre invisible. Cette notion d’intimité est renforcée par le format, très petit, celui d’une carte postale. Land without Shadows décourage toute anecdote. Cette construction multiplie la tension interne, constitutive de la photographie et lui donne sa force, à l’image de l’ensemble du travail d’Alexandra Catiere.

Françoise Docquiert, 2012

Crédits portfolio : Land without Shadows, gelatin silver prints, 11x17cm @ Alexandra Catiere

Alexandra Catiere est née à Minsk, actuelle Biélorussie. En 2000, elle s’installe à Moscou et commence à s’intéresser à la photographie. Elle part en 2003 à NYC et étudie à l’International Center of Photography(ICP). En 2005, elle rejoint le studio d’Irving Penn. Elle s’installe à Paris en 2008. En 2011, après une résidence au Centre d’art de GwinZegal à Guigamp,  elle est lauréate de la première édition de la résidence BMW au musée Nicéphore Niepce de Chalon sur Saône et présente une exposition aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles. Alexandra Catiere collabore régulièrement avec  la presse (The New Yorker, The New York Times, FOAM, Le Monde….). Elle vit et travaille à Paris.

Liens

Alexandra Catiere, site de l’artiste
Alexandra Catiere en résidence BMW au Musée Niépce, Chalon sur Saône
Alexandra Catiere, catalogue

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LaToya Ruby Frazier : The Notion of Family [EN] http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/11/latoya-ruby-frazier-en/ Tue, 20 Nov 2012 11:00:12 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=10231 a portfolio curated by Françoise Docquiert
January last: at the opening of the Americans in New York put on by Ami Barak at Galerie Michel Rein, I immediately find myself being drawn to the work of LaToya Ruby Frazier, which I knew from only a few prints.

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[FR]


January last: at the opening of the Americans in New York put on by Ami Barak at Galerie Michel Rein, I immediately find myself being drawn to the work of LaToya Ruby Frazier, which I knew from only a few prints. A first glance at her photos: black-and-white, fairly classical looking, between intimacy and social documentary, subjects in the great tradition of American photography – the work done for the Farm Security Administration come to mind: steel workers, townsfolk afflicted by population, poverty and illness. A brutal denunciation of a system long thought to be efficient.


From the outset of her career, LaToya Ruby Frazier has moved freely between photography, video and performance. This way of exploring the image while conceiving different ways of getting her pictures allows her to escape the limits of documentary photography  — she has often been compared to Dorothea Lange and even Diane Arbus — and to arrange other forms in order to transpose ordinary speech and ensure that other voices are heard.

Her perception of the real is overtly critical. Contexts are conveyed with a sense of socio-political realities. The photolithographs of the Campaign for Braddock Hospital (Save Our Community Hospital) series record the protests against the closure and destruction of the community hospital and the instrumentalisation of the inhabitants of Braddock by Levi Strauss & Co. This is an environment that was largely shaped for and by industry. But the use of very large formats makes these works closer to 1920s agitprop or German Dadaism.

In what is probably her most famous series, The Notion of Family, LaToya offers over nine years’ worth of images of her own family and contributes towards the creation of a previously non-existent family romance, a story articulated her grandmother’s chronic illness, her mother’s cancer with its many relapses, and, finally, the lupus eating away at her. Here again, though, the portraits are active. It was above all from her mother and grandmother that LaToya learnt the photographic techniques that determine her way of taking photos, of putting in place the sets, and who improvise the framing.

But why I am so taken with the work of LaToya Ruby Frazier? Because I see there what I love in contemporary photography, in the work of Nan Goldin,  Francesca Woodman and artists closer to performance such as Gina Pane, Marina Abramovic or even Jenny Holzer: conscious risk-taking, putting herself in front of the camera to manifest her anger and fears. An intelligence, a rightness and an authenticity in the way of using her body and that of those around her by producing a language of reality. Finally, a creative radicalism accompanied by a sensibility that is never mawkish.

Because I find there two themes that have always concerned or inspired me: politics and history. Not the official history that is rolled out before us without really being seen, but the individual history that feeds into official History, the history lived by the men and women in LaToya’s images. And above all, I love the incredibly vitality of these images. Here LaToya Ruby Frazier becomes the “indignant” thirty-something of a globalisation that is positive at last.

Françoise Docquiert, 2012



LaToya Ruby Frazier was born and raised in Braddock, Pennsylvania. After studying photography at Syracuse University, she joined in 2011 the curriculum of the Whitney Museum of American Art Study Program in NYC. Recently, she is Associate Curator for the Mason Gross Galleries at Rutgers University where she also teaches.


Links

LaToya Ruby Frazier, official website
LaToya Ruby Frazier, biography, press release / Galerie Michel Rein
A Documentary about LaToya Ruby Frazier’s pictures / New York Close Up, by Art21
About Frazier’s performance against Levi’s Braddock ads / Interview magazine

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LaToya Ruby Frazier : The Notion of Family [FR] http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/11/latoya-ruby-frazier-fr/ Tue, 20 Nov 2012 10:00:28 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=9902 Par Françoise Docquiert, janvier 2012
« Vernissage à la galerie Michel Rein de l’exposition Americans in New York proposée par Ami Barak. Je suis tout de suite attirée par le travail de LaToya Ruby Frazier dont je connaissais seulement quelques tirages. Premier regard sur ses photographies : du noir et blanc apparemment assez classique entre intimité et documentaire social, des sujets dans la tradition de la grande photographie américaine — on pense à la section photo de la Farm Security de la fin des années trente : ouvriers sidérurgiques, population locale livrée à la pollution, à la misère et à la maladie. »

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[EN]

Janvier dernier, vernissage à la galerie Michel Rein de l’exposition Americans in New York proposée par Ami Barak. Je suis tout de suite attirée par le travail de LaToya Ruby Frazier dont je connaissais seulement quelques tirages. Premier regard sur ses photographies : du noir et blanc apparemment assez classique entre intimité et documentaire social, des sujets dans la tradition de la grande photographie américaine — on pense à la section photo de la Farm Security de la fin des années trente : ouvriers sidérurgiques, population locale livrée à la pollution, à la misère et à la maladie. Une dénonciation brutale d’un système dont on a longtemps voulu croire à l’efficacité.


Dès le début de son travail, LaToya Ruby Frazier a oscillé entre la photographie, la vidéo et la performance. Investir le champ de l’image et concevoir autrement les opérations de prise de vues lui permettent de sortir du support de la photographie documentaire — on l’a souvent comparée à Dorothea Lange ou même à Diane Arbus — et d’arranger d’autres formes pour transposer une parole ordinaire et faire entendre d’autres voix.

La perception du réel se fait ici ouvertement critique avec une traduction des contextes de vie selon un regard socio-politique. Preuve à l’appui : les photolithographies de la série Campaign for Braddock Hospital (Save our community Hospital) rendent compte de protestations contre la fermeture et la destruction de l’hopital communautaire et de l’instrumentalisation des habitants de Braddock par la marque Levi Strauss & Co. Un environnement qui a été essentiellement dessiné pour et par l’industrie. Mais, avec l’utilisation des très grands formats, elles s’apparentent plus à de l’agit prop des années 20 ou aux dadaistes allemands.

Avec sa série probablement la plus célèbre The notion of family, LaToya met en scène ses proches pendant plus de neuf ans et contribue à la reconstruction d’un roman familial inexistant et d’une histoire portée par la maladie chronique de sa grand mère, le cancer de sa mère et ses nombreuses rechutes, et enfin le lupus qui la ronge. Mais, là encore, les portraits sont actifs. C’est principalement sa mère ou sa grand mère à qui LaToya a appris les techniques photographiques qui déterminent la manière de prendre les images, de mettre en place le décor et qui improvisent les cadrages.

Mais pourquoi le travail de La Toya Ruby Frazier me séduit il autant ? Parce que j’y vois ce que j’aime dans la photographie contemporaine : celle de Nan Goldin, de Francesca Woodman et d’artistes plus liées à la performance comme Gina Pane, Marina Abramovic ou même Jenny Holzer. Une prise de risques assumée en se mettant elle même en scène pour afficher sa colère et ses frayeurs. Une intelligence, une justesse et une authenticité dans la manière d’utiliser son corps et celui de ses proches en en produisant un langage de la réalité. Enfin, une radicalité créative doublée d’une sensibilité jamais mièvre.

Parce que j’y retrouve deux thèmes qui m’ont toujours concerné ou porté — le politique et l’histoire, non pas l’histoire officielle qu’on déroule devant nous sans la voir mais l’histoire individuelle qui nourrit l’Histoire officielle, celle que vivent les hommes et femmes des images de LaToya.

Et surtout parce que je me délecte de la vitalité incroyable de ces images. LaToya Ruby Frazier devient alors une « indignée » trentenaire d’une mondialisation enfin positive.

Françoise Docquiert, 2012



LaToya Ruby Frazier est née et a grandi à Braddock en Pennsylvanie. Après des études de photographie à l’Université de Syracuse, elle intègre en 2011 le cursus du Whitney Museum of American Art Study Programme à NYC. Femme militante, c’est avec la photographie qu’elle signe ses séries les plus célèbres. Depuis peu, elle est conservatrice adjointe pour les Galeries Mason Gross de l’Université Rutgers où elle enseigne également.


Liens

LaToya Ruby Frazier, site de l’artiste
« Un monde miné : La Toya Ruby Frazier à la galerie Michel Rein » / Blog Le Beau Vice
LaToya Ruby Frazier, biographie, revue de presse / Galerie Michel Rein
A Documentary about LaToya Ruby Frazier’s pictures / New York Close Up, by Art21
About Frazier’s performance against Levi’s Braddock ads / Interview magazine

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Six portfolios proposés par Françoise Docquiert http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/11/six-portfolios-proposes-par-francoise-docquiert/ Tue, 20 Nov 2012 09:41:48 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=10109 Le magazine invite Françoise Docquiert, figure incontournable des sciences et techniques de l’exposition et plus généralement des questions liées au commissariat à l’université Paris 1, à proposer une sélection de six portfolios d’artistes

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LATOYA RUBY FRAZIER — ALEXANDRA CATIÈRE — KHALED JARRAR — VÉRONIQUE ELLENA — ELIKA HEDAYAT — ESTER VONPLON présentés par FRANÇOISE DOCQUIERT

Après Wilfrid Estève, le magazine invite Françoise Docquiert, figure incontournable des sciences et techniques de l’exposition et plus généralement des questions liées au commissariat à l’université Paris 1, à proposer une sélection de six portfolios d’artistes. Elle a choisi de présenter une série de travaux qui l’ont interpelée par leur engagement. Certains évoquent directement le fait politique, des événements, ou encore la dimension coercitive du pouvoir, mais les portfolios de ces six artistes révèlent avant tout le politique tel qu’il se joue dans un entre-deux : entre l’intime et l’espace public, parfois même à l’intérieur de l’intime… Ces portfolios montrent et activent les médiations qui permettent de se constituer comme individu, dans le rapport à l’autre, au groupe ou à la société. Françoise Docquiert a donc choisi ces artistes pour leur conscience du monde, un monde globalisé dans lequel la notion de citoyenneté est perturbée. LaToya Ruby Frazier, Alexandra Catiere, Khaled Jarrar, Véronique Ellena, Elika Hedayat et Ester Vonplon ont tous le souci de « raconter leur monde », de la relation avec l’autre et de donner un pouvoir au spectateur.

 

Biographie

Françoise Docquiert est maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et directrice adjointe du département Arts et sciences de l’Art ( UFR 04). Elle est, d’autre part, responsable d’un master 2 autour du Commissariat d’exposition (art contemporain et photographie). Ses recherches et publications portent sur l’esthétique de l’art contemporain, la médiation et la photographie. Françoise Docquiert dirige le colloque officiel des Rencontres d’Arles depuis dix ans, est commissaire d’exposition (Raphael Dallaporta septembre 2012) et est l’auteur d’une série documentaire « Enquête d’Art » France Télévisions.

Françoise Docquiert, photo Adrien Chevrot © Jeu de Paume 2012

Département : UFR Arts et Sciences de l’Art (UFR 04)
Disciplines principales : esthétique, médiation culturelle.
Françoise Docquiert dirige le colloque officiel des Rencontres d’Arles (photo) depuis dix ans :
« Histoire de photographes, rupture, une notion centrale pur la photographie aujourd’hui » juillet 2009
« Photographie : collectionner, enseigner, exposer » juillet 2010
« Photographie, internet et réseaux sociaux «  juillet 2011
« Intensités de la photographie » juillet 2012

Autres responsabilités :

Directrice de la formation Métiers des Arts et de la Culture (L3, M1)
Directrice du master 2 Sciences et Techniques de l’Exposition (M2)
Séminaire « Paroles de galeriste » INHA 2011/2012.
Chercheur, Institut ACTE. (Art/Création/Théorie/Esthétique) UMR 8218 CNRS

Sujets de recherche : Art contemporain, Photographie, Institutions culturelles.
Dernières publications :

Revue « Commissariat comparé » éditions Paradox 2011
« Image et Politique » éditions Actes Sud

En préparation :

Revue « Paroles de galeriste » Editions Paradox à paraître janvier 2013
« La photographie du XXIème siècle «  éditions La Martiinière fin 2013
Auteur de la série Enquête d’Art diffusion France 5 (30 documentaires de 26 mn réalisés) dont :
« Paul Alexandre de profil, dessin d’Amadeo Modiglinai » Musée des Beaux arts de Rouen 2011
« Démocrite, Velasquez » Musée des Beaux arts de Rouen 2011
« Robert Doisneau, le regard oblique » musée Nicephore Niepce documentaire 26 mn France 5 2012.
« Photographie, internet et réseaux » colloque officiel Rencontres d’Arles 2012
« Vue du Cannet, Bonnard » musée Bonnard 2012

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Studio Marlot & Chopard : « Vitrines », 2008/2012 http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/07/studio-remy-marlot-ariane-chopard/ Wed, 25 Jul 2012 13:20:17 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=8524 Une série inédite présentée par Ariane Chopard.

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Apparue dans le premier tiers du XIXème siècle, avec la révolution commerciale qu’a déclenchée l’apparition des premiers grands magasins, la vitrine fait aujourd’hui entièrement partie de notre décor urbain. Sa fonction première, commerciale, ne se donne d’autre but que d’attirer le regard du passant et de provoquer son désir des objets qui s’y trouvent exposés, afin de susciter un achat.

Dans cette série de photographies commencée à Paris en 2008, les vitrines n’attirent pourtant que par leur étrangeté. Intitulée simplement « Vitrines« , la série laisse toutefois l’aspect documentaire pour basculer dans la fantasmagorie, ce que vient renforcer le noir et blanc qui accentue l’aspect nocturne et mystérieux de la plupart de ces images. Les Vitrines nous offrent le spectacle d’un monde un peu bizarre et décalé, avec sa vie propre, dont nous serions seulement séparés par une vitre qui rend les objets qu’elle contient aussi proches qu’inaccessibles, et, par là-même, désirables. Si les éclairages sur les objets, la mise en scène et les objets eux-mêmes captent le regard du passant, ce qui se joue derrière la vitre n’en est pas moins dérangeant, comme ces rats taxidermisés ou ce buste grotesque, figé pour l’éternité dans la laideur d’une grimace dégoûtée. Si nous sommes encore attirés, c’est avant tout la curiosité qui nous retient.

De fait, les photographies de la série renvoient bien plus au cabinet de curiosités qu’à la vitrine, comme une collection d’objets et de scènes étranges, tels ce personnage furieux devant l’horloge arrêtée, une collection d’œufs d’oiseaux sous cloche de verre qu’un improbable parent empaillé veille à la lumière des lampes, une peau d’ours un peu ridicule, coiffée d’un massacre, ou ces rats qui dansent joyeusement devant les flacons de mort-aux-rats qui ont scellé leur sort, eux-mêmes guettés dans une autre image de la même vitrine, par un corbeau prêt à fondre sur ses proies.

D’autres images de la série, jouant sur l’illusion d’optique des reflets sur la vitre, opèrent un autre type de décalage. Ainsi, une scène surréaliste se déroule dans la vitrine du coiffeur allemand, comme si la jeune femme de l’affiche, dont l’image rendue transparente par le jeu des reflets, s’affairait sur la tête à coiffer de la devanture. Les images de la rue viennent elles-mêmes se superposer à celles des vitrines pour troubler notre perception, comme ce jeune cerf majestueux, singulière apparition chargée de symboles, dont on peut rêver qu’il vient de traverser la rue de Seine.

Au delà du questionnement sur la perception du réel qu’induit le jeu des reflets sur la vitre, c’est la mort qui domine la série comme un leitmotiv. Les Vitrines s’imposent alors comme autant de natures mortes et nous donnent à voir un monde figé dans l’apparence de la vie, monde qui semble cependant pouvoir s’animer loin des regards, à l’image de cette armure qui paraît habitée et prête à se mouvoir. Se constitue alors sous nos yeux comme un monde parallèle, au delà de la vitre, le reflet, légèrement décalé, du monde dans lequel nous vivons. Les animaux naturalisés, rats, renard, ours, cerf, corbeau, fleurs conservées sous des cloches de verre comme les couronnes des mariées d’une autre époque deviennent ainsi les images et les symboles de vanités contemporaines. Si l’on veut s’amuser à reprendre la classification d’Ingvar Bergström, la vanité des richesses et du pouvoir s’y trouve représentée par un sac-à-main vernis, le caractère éphémère de nos existences, par les bougies des chandeliers, l’horloge ou la cohorte d’animaux morts et le cerf vient symboliser la résurrection et la vie éternelle. Finalement, les images extravagantes d’une armée de têtes de mannequins, emprisonnées derrière la grille épaisse du magasin, comme décapitées sous leurs perruques, ou les monstres, zombies et squelettes de plastique de la vitrine du magasin de farces et attrapes, viennent nous dire, ironiques et dérisoires, que la vie comme la mort ne sont qu’une farce. Signe des temps et de l’ère de la publicité, le crâne à la rose, memento mori par excellence, n’est plus seulement une vanité, mais il est estampillé au front, emportant la marque de sa futilité jusque dans la mort. Et omnia vanitas.

Ariane Chopard-Guillaumot

Biographies

RÉMY MARLOT est né en 1972. Il vit et travaille à Paris
Après avoir étudié la photographie avec les conservateurs du musée Niepce à Chalon sur Saône où il passe son enfance et son adolescence, Rémy Marlot poursuit ses études à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Dijon, puis à Paris 8 et la Sorbonne . Il met en rapport dans son travail les notions de nature et de culture et expose pour la première fois dans le jardin du Musée Zadkine en 1996. A partir de 1999, il oriente son travail autour des questions du paysage, naturel ou urbain, du patrimoine architectural, mais aussi des rêves et de la nuit, au travers d’oeuvres tant photographiques que vidéographiques.

En 2002, Rémy Marlot réalise la série de photographies “Sans titre” pour l’Exposition Nationale Suisse (Expo02) à Morat. En 2006, le centre d’art contemporain Passages à Troyes lui consacre une exposition qui présente notamment la série des “Black Houses”, dont plusieurs tirages sont acquis par le FNAC et le FRAC Haute-Normandie. La série “Black Churches”, exposée dans divers musées (Kunsthalle de Mayence, musée de l’Abbaye à Saint-Claude, musée Malraux du Havre) festivals (Nuit de l’Europe, Identités photographiques européennes à Arles, L’été photographique de Lectoure 2010) et dernièrement dans sa totalité à la galerie Photo du Pôle Image Haute-Normandie, ainsi qu’une partie de la série “The Valley” (dont 3 tirages seront prochaînement exposés au musée de la Roche-sur-Yon), sont réalisées fin 2008, lors d’une résidence en Rhénanie- Palatinat. Aujourd’hui, Rémy Marlot poursuit une partie de ses recherches autour du patrimoine architectural, avec des séries comme “Opéra” et « Palais », ou une série sur la ville de Montauban qui sera prochainement exposée au Centre du patrimoine de la ville, tout en poursuivant ses travaux sur le paysage avec les « Paradis artificiels » qui feront l’objet d’une exposition personnelle à la Galerie Yvonamor Palix de Houston en 2013. Un ouvrage est consacré à son travail en 2009, avec des textes de Quentin Bajac et Michel Poivert aux éditions Analogues. Son travail est présent dans les collections publiques (FNAC, FRAC Haute-Normandie, Stiftung Rheinland-Pfalz für Kultur, musée Malraux du Havre…) comme privées (Groupe Lhoist, collections privées), en France et à l’étranger.

ARIANE CHOPARD-GUILLAUMOT

Ariane Chopard-Guillaumot est née en 1974. Elle étudie la philosophie auprès de Guy Lardreau, en khâgne, à Dijon avant d’obtenir une maîtrise d’esthétique à l’université Paris 8 sous la direction de Jacques Rancière sur la question de l’art et de la vérité. Depuis 2002, elle collabore étroitement au travail de Rémy Marlot en assurant, d’une part la direction artistique de l’oeuvre (contrôle des tirages, choix de la couleur, editing des séries pour la photographie, bande sonore et conseil artistique au montage pour les vidéos…) et d’autre part, la communication du travail (critiques, textes de présentation, communiqués de presse…). Elle est également l’auteur d’un texte sur les vidéos de Rémy Marlot aux éditions Analogues (in Rémy Marlot, 2009).

Lien

Studio Marlot & Chopard : site officiel

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PHILIPPE CHANCEL: « DATAZONE » http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/07/philippe-chancel-datazone-fren/ Mon, 02 Jul 2012 09:45:27 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=8294 Genuine "work in progress", Datazone is a remarkable portfolio in Philippe Chancel's work. Five "destinations" are brought together: North Korea, the Emirates, Kabul, Port-au-Prince, Fukushima..

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Genuine « work in progress », Datazone is a remarkable portfolio in Philippe Chancel’s work.  Five « destinations » are brought together:  North Korea, the Emirates, Kabul, Port-au-Prince, Fukushima… So many regions, event settings and cultures picked out by the photographer over the past five years.  Philippe Chancel is one of those artists who struggle against the fast pace of life and strive to renew the meaning of the photographic image in contemporary reporting.

What can photography still express about our world?  Does it still have that personal power that it used to possess to reveal the forging of identities and thus display the unknown side of contemporary cultures?  This kind of belief has to be apprehended almost like ethics, a pursuit that one might consider desperate as our daily lives and even our imagination are now taken over by visual images, so abundant that we hardly notice them anymore.

Philippe Chancel opposes disillusionment with enthusiasm, an energy that every explorer needs. This enthusiasm doesn’t merely lie in the simple belief that one needs to explore our planet but that one needs to explore it differently.  The photographer succeeds in creating a singular script by using new recording technologies and defining a distance and style that coincide with his subjects. Whether with regard to the omnipresent authoritarian regime in North Korea, the caricatural ultra capitalism in Dubai or disasters hyped by the media, Philippe Chancel presents accurate detailed images, stripped of stylistic effects and poses.  The photographer sticks to reality, his images thus avoiding the pitfall of exoticism or other forms of sensationalism.

Philippe Chancel toys with different scales in order to approach reality – close-ups, middle shots, landscapes – from which emerge details that convey an active role in the reception of images, and that save them from any form of authority.

For Philippe Chancel, everything starts from the existent.  No special effects, no desire for staging.  The conditions in which the images are produced, the choice of moments and locations, the articulate and frontal style, all allow humankind to materialise in an extremely rich « Datazone », where the definition of « living together in harmony » is more global than ever.  The author produces his subjects in a continuous process which eludes the mirage of progress.  As such, Datazone originates in an anthropology of globalization.

Text by Damien Sausset and Adrien Chevrot / Translation and coordination by Cécile Poimboeuf

Find out « DATAZONE, Work in Progress », an exclusive edition (30 copies) signed by the artist at the Jeu de Paume Bookshop.This edition was produced by Philippe Chancel on the occasion of the publication of the portfolio « DATAZONE » on the online magazine of the Jeu de Paume.


Links

Philippe Chancel official website
Books by Philippe Chancel
Prix Pictet : « Fukushima, The Irresistible Power of Nature »

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Marco Scozzaro : « Semi-Detached » http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/05/marco-scozzaro-en/ Mon, 28 May 2012 16:07:15 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=7921 Semi-Detached is the latest series from young Italian photographer Marco Scozzaro. The project was created in 2011 during his residency at the School of Visual Arts in New York. Over time, Marco Scozzaro’s photographical practice builds up to form the experience of the ‘I’, the ‘ego’, within contemporary society. Photography is an integral part of[.....]

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Semi-Detached is the latest series from young Italian photographer Marco Scozzaro. The project was created in 2011 during his residency at the School of Visual Arts in New York. Over time, Marco Scozzaro’s photographical practice builds up to form the experience of the ‘I’, the ‘ego’, within contemporary society. Photography is an integral part of his every day, personal research. His previous works have had the power to suggest a secret visual diary — Io mi annoio / I Get Bored, to sketch the outlines of distended narratives in the suburbs of Modena and Milan — Défricher-Déchiffrer, to create imaginary relationships — Ti Cerco, and even to induce tension between mind and body as in his series of portraits and auto portrait — Mirror Neurons.

Construction of a series

Semi-Detached was formed in several stages. Marco Scozzaro first chose exurban landscapes in which a few emblematic elements of American society are visible (pick-up trucks, flags, sky scrapers etc.) Here and there we perceive the famous Manhattan skyline and Coney Islands’ Cyclone Rollercoaster. It was through a process of self-interrogation with regards the notions of ‘domesticity’ and lack of geographical landmarks that the expatriate photographer came to choose these locations. He then chose passers-by. From this he draws a series of full-length portraits, characterized by the regularity of the frame and a consistent distance from the subject, who is always centralised. These suburban landscapes are very clear, evoking the moment of extreme clarity before a fade out. They work almost like scenery. However, from these posed, homogenous photos, comes instability; suspense is established in the relationship between the photographer, the subject and the environment.

At the same time as these street portraits, Marco Scozzaro began a second, more experimental project. He placed an ad on the site Craigslist requesting volunteers willing to pose naked in his school’s photography studio. In these portraits, he allows parts of the set to be seen on the edges of the images. This detachment is how the photographer further questions his own role as a photographer as well as the role of images produced in studios. Body, place, limits: this series raises questions about conventions.

A participative element is introduced to the photograph; Marco Scozzaro asks if the models would like to wear their favourite pair of shoes. As small a detail as it may be, it is a part of the process which creates links, even emotion. The models are reincarnated and an unexpected humanity emerges from the conventional studio setting. Without pretence, the photographer is showing us the most basic of encounters between two people.

Ads placed on Craiglist.com

In seeking volunteers to pose naked, but this time in the street, his project is enriched. His photography thus borders on performance, the photos becoming simply declarations of an act that has taken place in the public sphere and for which the model shoulders all the responsibility. For what interests the photographer is not the body itself, but the discrepancies that develop between it and an environment. Image after image sees convention tested. These individuals, almost entirely naked, remind us to what extent the image of a body is constructed and imaginary. Such street nudes act as contemporary hybrids of nature and culture, and may be interpreted as a form of stripped down political activism.

Existential Portraits

These images were combined into a single series as they were the product of the same research. Beginning with a widespread sense of unease, the photographer seeks a space and time that he calls « liminal », a concept first defined in 1924 by the French anthropologist Arnold Van Gennep in his famous book Folklore. As part of the ritual, there is a transient phase characterized by the indeterminacy of the individual who has lost his former status but has not yet acquired his new status.

Liminality is a transitional stage where the subject’s identity remains a virtual reality. Thus, the photographer takes his pictures by following the ritual of those simple meetings which are necessary for the establishment of an individual and social identity. He searches a threshold, that is to say, spatiotemporal coordinates in which the body may take its place in the world and, within certain limits, from whence he could eventually establish an exchange with ‘the other’.

It therefore defines the relational field in which identity can be built: « The articulation of time and space defines the conditions for inter-subjectivity and for the political sphere of the media and communication, as worlds which underpin the identity of the subject. »2. His portraits are kinds of micro experiences of inter-subjectivity: it is through ‘the other’ that an identity can be built, through face to face interaction which, according to Lacan ‘imitates the mirror relationship and establishes the identity of the subject’. But Marco Scozzaro does not pass this liminal state: the person who is represented, is not subject to interpretation. What matters is the invisible, the possibility for change, the possibility of a journey.

Marco Scozzaro’s images fall within the category of existential photography, in the primary sense of the word (ex-sistere: exit « out of »). Scozzaro involves his own presence and he questions the relationship to ‘the other’ through the presence of the body in a landscape, in a suburban environment, in a studio … His images do not refer to a psychological approach, nor a sociological or an anthropological one. Furthermore, he does not seek to present a critique of photography.

Instead, as its title indicates, Marco Scozzaro is partially present in his images. The measured distance that he has chosen, the regularity of the homogeneous framework and the clear aesthetic of his images are paradoxically as much an expression of this integral uncertainty. The photographer presents the viewer with open-ended images which provoke thoughtful doubt. Are the images about to reveal some great truth or indeed, begin to fade away? Their clarity is such as to lead to this contemplative viewing.

Semi-Detached flits from one place to another, in itself a reference to the vacuum between attachment and detachment. The naked bodies are objects of fascination and projection, be they posed in the studio or an urban space. When mixed amongst their clothed counterparts they achieve a kind of serenity, albeit an abnormal one.

The political dimension of this series, with its accordeonesque structure, is eventually developed through this play on formal inter-changeability of individuals: what is the meaning of ‘togetherness’ in today’s society?

Adrien Chevrot / Translated by Kate-Marie Glover

Marco Scozzaro, « Semi-Detached », artist limited edition 5 ex, 2012


Biography

Marco Scozzaro is an Italian artist based in Brooklyn, NY.
His early life was spent moving all around Italy before moving to New York. While playing in several experimental bands and electronic music projects he earned his degree in Psychology, then made the transition to visual artist, pursuing a practice in Photography. Self thought photographer, he was awarded a scholarship to take part on a one year artist residency at the School of Visual Arts.
His work has been exhibited in solo and group shows in galleries and museums in Europe and USA such as Galleria Civica (Modena, I) Galerie Villa des Tourelle (Paris, FR), Mala Stanica National Gallery (Skopje, MK), New York Photo Festival (NY, USA), GRID Photography Biennial (Amsterdam, NL) among others. His editorial work has been published by international magazines including Vogue, GQ, Rolling Stone, Vice, Brownbook, Wad, Ozon.

Link

Marco Scozzaro: artist website

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PHILIPPE CHANCEL « DATAZONE » (FR/EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/05/philippe-chancel-datazone/ Tue, 15 May 2012 09:00:53 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=7818 Véritable « Work in progress », Datazone est un portfolio singulier dans l’œuvre de Philippe Chancel. Cinq "destinations" y sont réunies : la Corée du Nord, les Émirats, Kaboul, Port-au-Prince, Fukushima…

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English version

Véritable « Work in progress », Datazone est un portfolio singulier dans l’œuvre de Philippe Chancel. Cinq « destinations » y sont réunies : la Corée du Nord, les Émirats, Kaboul, Port-au-Prince, Fukushima… Autant de lieux, de configuration d’événements et de cultures choisis par le photographe ces cinq dernières années. Philippe Chancel fait partie des artistes qui luttent contre le temps rapide et qui renouvellent la signification même de l’image photographique dans le reportage contemporain.

Que peut encore dire la photographie sur notre monde ? Possède-t-elle encore ce pouvoir qui fut autrefois le sien : montrer les modes de construction des identités et ainsi présenter l’impensé des cultures contemporaines ? Ce type de conviction doit se lire presque comme une éthique, une quête que certains qualifieront de désespérée tant notre quotidien foisonne de ces visuels qui colonisent nos vies et même nos imaginaires au point que nous ne les regardons plus véritablement.

Au désenchantement, Philippe Chancel oppose l’enthousiasme, énergie nécessaire à tout explorateur. Cet enthousiasme ne se réduit pas à la simple conviction qu’il faut de nouveau arpenter notre planète mais surtout qu’il faut l’arpenter autrement. Le photographe se forge une écriture singulière en utilisant les nouvelles techniques d’enregistrement et en définissant une distance et un style qui font œuvre avec ses sujets. Qu’il s’agisse du pouvoir autoritaire et omniprésent en Corée du Nord, de l’ultra capitalisme caricatural de Dubaï, ou de catastrophes surmédiatisées, Philippe Chancel présente des images précises, détaillées, sans effet de style et dénuées d’affect. Le photographe se tient au réel, ses images évitant les écueils que sont l’exotisme ou toute autre forme de merveilleux.

Le photographe joue avec différentes échelles d’approche du réel — gros plans, plans moyens, paysages, desquels émergent les détails qui confèrent un rôle actif à la réception des images, et qui les sauvent de toute autorité.

Chez Philippe Chancel tout part du réel. Nul trucage chez lui, nulle volonté de mise en scène. Les conditions de production des images, les moments et lieux choisis, un style clair et frontal, laissent advenir une humanité possible à l’intérieur d’une « Datazone » extrêmement riche, où la définition du vivre-ensemble est plus que jamais globale. L’auteur réalise ses sujets, dans une continuité de traitement, déjouant le mirage du progrès. À ce titre, Datazone procède d’une anthropologie de la globalisation.

Texte : Adrien Chevrot et Damien Sausset / Coordination du projet : Cécile Poimboeuf

RETROUVEZ « DATAZONE, Work in Progress » en exclusivité à la librairie du Jeu de Paume : édition numérotée (30 ex) et signée par l’artiste. Prix : 15€. Cette édition a été réalisée par Philippe Chancel à l’occasion de la publication du portfolio « DATAZONE » sur le magazine en ligne du Jeu de Paume

 

Liens

Site officiel de l’artiste
Philippe Chancel à la librairie du Jeu de Paume
Prix Pictet : portfolios

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Marco Scozzaro : « Semi-Detached » (FR/EN) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/05/marco-scozzaro/ Thu, 10 May 2012 08:05:34 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=6246 Semi-Detached est la dernière série du jeune photographe italien Marco Scozzaro. Il a réalisé ce travail en 2011 dans le cadre d’une résidence à la School of Visual Arts, New York.

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« Quand je regarde le paysage, je suis tout au plus le paysagiste, qui est vu dans le paysage d’un autre paysagiste, éventuellement. »

Jacques Jouet1

Semi-Detached est la dernière série du jeune photographe italien Marco Scozzaro. Il a réalisé ce travail en 2011 dans le cadre d’une résidence à la School of Visual Arts, New York.
Marco Scozzaro poursuit une pratique de la photographie qui se constitue au fil du temps comme une expérience du « Je » dans la société contemporaine. La photographie fait partie intégrante d’un processus de recherche personnel et quotidien. Ses précédents travaux ont pu prendre l’aspect d’un journal intime visuel – Io mi annoio / I Get Bored, esquisser des formes narratives distendues dans les zones périurbaines de Modène et Milan – Défricher-Déchiffrer, créer des relations imaginaires – Ti Cerco, ou encore mettre en tension corps et esprit par une série de portraits/autoportrait avec Mirror Neurons.

Construction d’une série

Semi-Detached s’est constituée en plusieurs étapes. Marco Scozzaro a tout d’abord choisi des paysages périurbains où apparaissent quelques éléments emblématiques de la société américaine (Pick-up, drapeaux, gratte-ciels…). Ici et là se dessinent la célèbre silhouette de Manhattan et le grand huit de Coney Island. Le photographe expatrié a en effet choisi ces lieux en s’interrogeant sur la notion de « domesticité » et du manque de repères géographiques. Puis il a choisi des passants. Il en tire une série de portraits en pied, qui se caractérisent par la régularité du cadrage et de la distance au sujet, toujours placé au centre. Ces paysages suburbains sont très clairs, comme au début d’un effacement. Ils fonctionnent presque comme des décors. De ces photos très posées et homogènes se dégage pourtant une instabilité, une incertitude dans le rapport qui s’instaure entre le photographe – le photographié – l’environnement.

Parallèlement à ces portraits de rue, Marco Scozzaro a mené un second projet, plus expérimental, en passant une annonce sur  le site Craigslist.org. Il recherche alors des personnes volontaires pour poser nues dans le studio de photographie qu’il utilise dans le cadre de sa résidence. Dans ces portraits, il laisse apparaître quelques éléments de décor sur les bords de l’image. Par cette distanciation, le photographe interroge plus avant son propre statut de photographe, et celui des images produites en studio. Le corps, le lieu, les limites : c’est la norme qui fait l’objet d’une interrogation ici. Marco Scozzaro introduit également un critère participatif en proposant à chaque modèle de porter sa paire de chaussures favorites. Aussi minimal soit-il, il s’agit d’un élément créateur de lien, voire même d’émotion. Les personnes photographiées sont réincarnés et retrouvent une humanité inattendue. Sans faux-semblant, le photographe nous présente donc une rencontre. Puis il enrichit encore son dispositif : il recherche des volontaires pour poser nus, mais dans la rue. Il amène alors la photographie aux frontières de la performance, où la photo ne serait plus que l’énoncé d’un acte dans l’espace public, dont le modèle endosse par ailleurs l’entière responsabilité. Ce qui intéresse le photographe, ce n’est pas tant le corps en soi que les décalages qui se créent entre celui-ci et un environnement. D’images en images, la norme est mise à l’épreuve. Ces individus presque totalement nus, rappellent à quel point l’image du corps est construite et imaginaire. De tels portraits de rue, formes hybrides de nature et de culture, pourraient relever du degré zéro de l’activisme politique…

Annonces postées par Marco Scozzaro

Portraits existentiels

Ces images ont été réunies en une série unique car elles procèdent d’une même recherche. Partant d’un sentiment de malaise diffus, le photographe est à la recherche d’un espace-temps qu’il qualifie de « liminal », concept défini pour la première fois par l’ethnologue français Arnold Van Gennep en 1924 dans son célèbre ouvrage Le Folklore. Il s’agit, dans le cadre du rituel, d’une phase transitoire qui se caractérise par l’indétermination de l’individu qui a perdu son ancien statut et n’a pas encore acquis son nouveau statut, autrement dit un stade transitoire où l’identité du sujet est en devenir. Ainsi le photographe prend ses images en suivant un rituel de rencontre simple, nécessaire à l’établissement de toute identité individuelle et sociale. Il recherche le seuil, c’est-à-dire des coordonnées spatiotemporelles d’où le corps peut prendre place dans le monde, selon certaines limites, pour établir un échange avec l’autre. Il définit ainsi le champ relationnel dans lequel l’identité pourra se construire : « L’articulation du temps et de l’espace définit l’espace spéculaire de l’intersubjectivité et l’espace politique des médias et de la communication politique comme des mondes qui fondent l’identité du sujet.»2. Ses portraits ressemblent ainsi à autant de micro expériences spéculaires : c’est à travers l’autre qu’une identité peut se construire, dans ce face à face qui, selon Lacan, met en œuvre la relation de miroir et fonde ainsi l’identité du sujet » Mais Marco Scozzaro ne dépasse pas cet état liminal : le sujet représenté ne fait pas l’objet d’une interprétation. Ce qui importe, c’est l’invisible, la possibilité d’un changement, d’une trajectoire.

Les images de Marco Scozzaro relèvent bien d’une photographie existentielle, au sens premier du terme (ex-sistere : sortir « hors de »). Ses portraits se situent dans un espace où rien n’est encore advenu, à un moment où tout est possible. Le photographe met en jeu sa présence au monde et interroge la relation à l’autre, la présence du corps dans un paysage, dans un environnement suburbain, dans un studio… Ses images ne relèvent pas distinctement d’une approche psychologique, sociologique ou anthropologique, ni même d’une posture critique de la photographie. Au contraire, comme l’indique son titre, Marco Scozzaro est partiellement présent dans ses images. Cette distance moyenne qu’il a choisie, la régularité du cadre et la clarté homogène de l’ensemble des images sont paradoxalement autant de signes de cette incertitude propre au seuil. Le photographe remet au spectateur des images ouvertes, instiguant un doute pensif. De même, la clarté des images, dont on ne sait si elles sont sur le point de se révéler plus franchement, ou de commencer à disparaître, est propice à un regard méditatif.

Semi-Detached navigue entre ici et ailleurs, du référent au vide, de l’attachement au détachement. Les corps nus, objets de fascination et de projection, qu’ils soient posés dans le studio ou dans l’espace urbain, se mélangent dans une sereine anormalité parmi leurs semblables habillés. Cette série, qui prend la forme d’un accordéon, développe finalement une dimension politique grâce au jeu de l’interchangeabilité formelle des individus : quel est aujourd’hui le sens d’ « être ensemble » .
Adrien Chevrot

Marco Scozzaro, « Semi-Detached », édition d’artiste 5 ex, 2012

1. Jacques Jouet, monostique, cité in Liminialité et motivation paysagère de Richard Pereira de Moura, 20/07/2011

2. Bernard Lamizet, Penser la médiation, séminaire, 19 juin 2008

 

Biographie

Marco Scozzaro est né à Turin en 1979. Il travaille désormais à Brooklyn, New York. Il obtient une maîtrise en psychologie à l’Université de Parme en 2004. Il participe alors à des projets de musique expérimentale ou électronique, avant de s’engager dans les arts visuels. Son travail est principalement axé sur la photographie, à laquelle il associe fréquemment son, vidéo et installation. Son travail a été exposé dans des galeries et musées en Europe et aux Etats-Unis.

Expositions (sélection)

2012 Documented. GRID Photography Biennale, Amsterdam
2011 Joyride. Bicycle Film Festival. Spencer Brownstone Gallery, New York.
Photo Global: New Releases 2011. New York Photo Festival 2011. 111 Front Street Galleries, Brooklyn (NY).
FOTOGRAFIA D’AUTORE. De Pino Institute, Maratea.
FNG Photo Issue 2010. Four Roses Gallery, Milano.
Dis-Orienteering. Studio Vetusta Gallery, Modena.
Open Studio, Malagatelier, Milano.
I get bored, festivalfilosofia, Omnis Grace Temporary Gallery, Modena.
Looking for you, Museum of Modern and Contemporary Art, Galleria Civica di Modena.
Défricher / Déchiffrer. « Perspective on the suburban landscape ». Galerie Villa des Tourelles, Nanterre.
… And you?, Project Room XS, Arteteca, Modena.
2010 Benevento Biennial. ARCOS Museum of Contemporary Art, Benevento.
Skopje/Emilia-Romagna. Tassoni Building, Ferrara.
Photo-Video Impulses. D’Architettura, Fano.

Liens

Marco Scozzaro, site officiel

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«  La Palestine comment ? » de Virginie Terrasse et Wilfrid Estève (6/6) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/03/la-palestine-comment-de-virginie-terrasse-et-wilfrid-esteve-66/ Fri, 09 Mar 2012 17:00:57 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=6816 «  Un petit groupe silencieux d’ouvriers palestiniens se presse. Aveuglés par la lumière et la poussière, nos paupières sont mi-closes…. »

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Le point de vue de Wilfrid Estève

Un petit groupe silencieux d’ouvriers palestiniens se presse. Aveuglés par la lumière et la poussière, nos paupières sont mi-closes. L’air enflammé fait danser des silhouettes. Son Mamiya autour du cou, Virginie s’éloigne et contourne la barrière de séparation. Je prends la direction inverse et décide de longer le mur, que je découvre toujours en cours de construction.

Il fait très chaud, le chantier fait miroiter un métal bouillant. Face à moi, des pans de béton de huit mètres de haut sont en train de prendre racine. Je mesure mon souffle et cherche l’ombre. Derrière des barbelés, j’entends crier : « Yala, yala ». Est-ce l’envie de fuir le soleil ou ce monde qui me paraissait si étrange ? J’ai longtemps marché ce jour là, interrogeant l’espace du regard, avec mes pensées d’homme libre pour seules compagnes.

Une photographie au pluriel.

La série présentée a été réalisée par deux auteurs. Elle se veut une métaphore, une représentation du conflit et de la colonisation, de l’enfermement dans l’espace et dans le temps ; de l’errance et des détours incessants d’une population civile prise en otage. Elle documente les aspects d’une partition territoriale imposée par la force et rendant impossible la cohabitation entre Israéliens et Palestiniens. Défaisant la géographie et les territoires, elle contextualise les difficultés à vivre en Cisjordanie.

Aujourd’hui, au-delà des photographies, des bruits de lieux me sont restés. À Naplouse, celui de l’orage après les déflagrations, il était court et intense. À Jérusalem la douceur de l’appel à la prière de la mosquée Al Aqsa. Dans la vieille ville désertée d’Hébron, théâtre d’un conflit à ciel ouvert, nous étions proches du silence. À Bil’in, les manifestants fuyant le feu des armes dans les champs d’olivier le rendait fort et prolongé. Le long du mur il m’est familier, c’est celui d’un chantier.

À ses pieds, ce mur n’en est plus un, il apparaît tel un labyrinthe. Composée d’une barrière de séparation, de check-points et d’enclaves de clôtures, il ne cesse de s’étendre et de se ramifier.

Un mur et des vies.

« Tracé sinueux, muni ou non d’embranchements, d’impasses et de fausses pistes, destiné à perdre ou à ralentir celui qui cherche à s’y déplacer ». Une autre logique est révélée, celle d’un Rhizome, ce labyrinthe sans fin qui déconstruit aussi l’ordre perceptif et social. Au-delà de l’usage violent qui est fait de la terre, il révèle la complexité de la condition humaine.

Le labyrinthe est aussi une représentation du devenir, qui implique une vision cyclique de l’histoire : « Tout revient éternellement, mais avec une dimension nouvelle ». Symbole de voyage, c’est l’image même de l’individu qui traverse une épreuve et qui doit sacrifier une partie de lui-même pour survivre.

Si dans les années 1970, Claude Lanzmann retrace à travers Pourquoi Israël  les accomplissements et les contradictions d’une nation en train de se forger ; 40 ans plus tard, cette affirmation laisse place à une interrogation : la Palestine comment ?

Good morning beautiful, goodbye world.

Lors de notre dernier voyage, dans le camp d’Aida au nord de Bethléem, un rêve m’a éveillé. Emplissant la ville, le chant du muezzin résonne encore en moi. Je distinguais la lune et le soleil levant, dans la pénombre se profilait le mur. Une nouvelle nuit va prendre fin, le jour se lève. Si la main de l’homme a rendu le visage aveugle, ici règne une paix divine.

Une lecture de Samantha Rouault

[audio:http://012fae3308.url-de-test.ws/wp-content/uploads/2012/03/AGK-LA-PALESTINE-COMMENT-SON2.mp3|titles=AGK LA PALESTINE COMMENT]
Création sonore : Alice Guerlot Kourouklis
Crédits textes : 1-« Le lanceur de dés » (extraits), de Mahmoud Darwich, traduction de l’arabe (Palestine) de Elias Sanbar, lecture Adrien Chevrot. Acte Sud 2010 / 2-Samantha Rouault

L’intention des auteurs

Le conflit israélo-palestinien est quasiment le seul conflit au monde autour duquel il est impossible de discuter sans se retrouver dans un face à face dans lequel chaque protagoniste se sent obligé de choisir un camp. Le fait qu’il soit souvent présenté comme la confrontation de deux groupes religieux incapables de pouvoir vivre en paix, explique en partie l’existence de ces réactions péremptoires. Il nous a semblé nécessaire de proposer un regard différent et d’inviter le public à la réflexion. L’installation « La Palestine comment ? » propose de (re)découvrir des situations à l’origine de malaises et source d’incompréhensions. Il s’agit d’une invitation à saisir les notions d’effacement et d’enfermement. L’effacement et la réécriture de l’histoire contemporaine d’une région et d’une identité ; l’enfermement de populations qu’il soit spatial ou psychologique.

La Palestine comment ?_POM « Le mur » from Wilfrid Esteve on Vimeo.

Biographie

Virginie Terrasse

Virginie Terrasse vit à Paris. Autodidacte, elle devient photographe freelance en 2002. Elle réalise des reportages et des portraits pour la presse française (Le Monde 2 et Le Monde Hors-Séries, La Croix, Courriers de l’Atlas, L’expansion, Regards, Libération, Marianne, Pelerin magazine, NVO, Liaisons sociales). Son travail personnel ne cesse d’interroger les rapports que l’homme entretient avec son environnement, afin de documenter une époque, un lieu, un pays… Parallèlement à son travail de photographe, elle réalise des Petites Oeuvres Multimédias, enseigne la photographie et ses nouvelles formes à l’EMI-CFD, l’ENSBA, Le 104 et le CFPJ. En 2007 elle co-fonde le studio de création «Hans Lucas» avec deux autres photographes, Wilfrid Estève et Lorenzo Virgili. Son travail a été présenté dans de nombreux festivals Français et Européens. En 2010 elle est lauréate du prix photographique de la ville de Levallois-Epson pour son travail « La Palestine comment ? »

Wilfrid Estève

Photojournaliste cofondateur de l’Œil Public, Wilfrid Estève est en charge de la direction artistique et éditoriale du studio de production multimédia Hans Lucas et du département photo, à l’École des métiers de l’information. Président de l’association FreeLens, il est en 2010 vice-président de l’Union des Photographes Professionnels (anciennement UPC) et a reçu en 2005 en tant qu’écrivain, la mention spéciale du prix Nadar pour l’ouvrage Photojournalisme, à la croisée des chemins. Depuis 1995, le travail photographique de Wilfrid Estève est basé sur le témoignage et l’enquête ; une démarche documentaire souvent réalisée sur les terrains de l’actualité ou dans les zones de tension (Afrique de l’Ouest, Europe et Moyen-Orient). En parallèle, il poursuit un travail sociétal sur la France et collabore avec ELLE, Libération, Le Monde, Géo, Marie-Claire, National Geographic, Paris Match et VSD.

Son travail photographique a fait l’objet d’expositions individuelles et collectives dont :
« De l’air s’expose » exposition à la galerie AGNÈS B et au festival RÉVÉLATION #4 à Paris ainsi qu’au musée de la Photographie André Villers à Mougins en 2010.
« Projets abandonnés » exposition à l’espace d’art contemporain IMMIX à Paris en 2010.
« Don de vie » exposition à la Chapelle Saint-Louis de la Pitié Salpêtrière à Paris, vente aux enchères et édition d’un livre en 2008.
« Territoires » lors de la Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels de Liège en Belgique en 2008.
« Territoires de fictions » durant le « Ayvalık Fotoğraf Festivali’ne Doğru » en Turquie et les Rencontres numériques de La Villette à Paris en 2007.
« Madame la Présidente » commande photographique des Rencontres internationales de la photographie d’Arles en 2007.
« France à quoi tu penses ? » durant le festival européen de photographie de Reggio Emilia en Italie en 2007.

Liens

Virginie Terrasse
Wilfrid Estève

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«  Spree » de Dorothée Smith (5/6) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/01/dorotheesmith/ Fri, 20 Jan 2012 14:30:10 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=6091 un portfolio proposé par Wilfrid Estève.

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Une lecture de Samantha Rouault

[audio:http://012fae3308.url-de-test.ws/wp-content/uploads/2012/02/AGK-SPREE-SON-2-EPURE.mp3]

Textes : Paul Verlaine Romance sans paroles — Ariettes Oubliées VIII, The Garden de Einstürzende Neubauten, traduit et lu par Dorothée Smith, Tu as fait un rêve… de Samantha Rouault. Création sonore Alice Guerlot Kourouklis.

Le point de vue de Wilfrid Estève


Des visages dans des cheveux d’or
Qui… oublient leur vertu
Mais c’est pas vrai
Qu’ils ont l’air d’un conquistador
Asexués une fois dévêtus
Qui croit quand on les voit comme ça
Excitant toutes les petites filles
Pourquoi on n’y croit plus comme ça
Isolé dans un corps presqu’île

Lorsque Nicola Sirkis chante « 3e sexe », hymne à la tolérance sexuelle et au droit à la différence, Dorothée Smith a six mois. Alors qu’à Paris, Christo emballe le Pont Neuf, la Spree longe le symbole d’une Europe déchirée par le Rideau de fer. La rivière sépare en deux la capitale allemande et à l’image de ces quatorze Berlinois de l’Est qui en 1962 ont enivré le capitaine d’un bateau pour franchir le mur sous les coups de feu, elle a aussi été promesse d’espérance et de liberté pour des Berlinois appelés à vivre entre deux systèmes. Et deux identités.

Aujourd’hui encore il existe des murs, invisibles certes, mais tout aussi réels.

— —
Une fille au masculin
Un garçon au féminin
— —

Trop tôt pour se glisser dans la peau de Bogdan W. Rousseau, c’est Dorothée qui entre au Cadran du Faubourg. Elle sort de la galerie des Filles du Calvaire, l’accrochage vient de se terminer. Demain, le vernissage. Les articles sur « Hear us marching up slowly » commencent à sortir, Dorothée regrette les clichés et les étiquettes qu’on lui colle.

Tout en grignotant mes frites, elle commande un café. « J’ai toujours pratiqué la photographie. Enfant, j’avais un appareil Kodak ». Dorothée est une digital native, elle a grandi avec internet et dans un environnement numérique. En 2001, elle tient un « live journal », une sorte de blog privé [You don’t have permission to access]. Une activité solitaire qui lui permet de partager ses images et d’entrer en contact avec les autres. Il s’agit d’écrire compulsivement. Confidentiellement. Elle découvre les forums et les communautés, fait de la critique en amateur. « Depuis la sixième, je passais mon temps sur le web. Je photographiais avec un Contact T3 sans mise au point. Je ne faisais pas poser les personnes ». Dorothée scanne directement ses négatifs, sans développer de tirages. Une mise en ligne sans trop de commentaires qui lui permet de développer un réseau international. À l’époque, elle rencontre Victoria, qui est devenue une « collaboratrice permanente » et a travaillé sur l’exposition. L’année dernière, elle a fêté les dix ans de ce journal virtuel.

À l’ENSP d’Arles, elle apprend les bases de la photographie : « jusqu’en deuxième année, j’exposais mal mes photos ». Peu de connaissance académique, « et c’est bien car je n’ai pas peur d’essayer pour voir ce que cela donne ».

Puis, une rencontre, un stage avec Antoine D’Agata dans le cadre de l’atelier de visu. Enfin, une résidence d’un mois au cours de sa dernière année d’étude. « J’aime pas Marseille mais j’ai eu un vrai souhait pour Antoine. Il fait corps avec ses photos, une seule entité ». La série issue de cette rencontre reste à ce jour la série préférée de Dorothée : « Là je m’y retrouve ».

— — —
J’ai pas envie de la voir nue
J’ai pas envie de le voir nu
Et j’aime cette fille aux cheveux longs
Et ce garçon qui pourrait dire non
— — —

La question du genre, qui en langue anglaise est dissocié du sexe, fonde une problématique qui décide de la façon de considérer les identités. Le sexe serait biologique et le genre, culturel. Dès lors, le « masculin » se libère du « mâle » et le « féminin » de la « femelle ».

« Les travaux sur les trans et la manière dont c’est réalisé me parlent peu ». Ses préférences : « Les Amies de Place Blanche » de Christer Strömholm ou .« Trouble dans le genre » de Judith Butler. « Cela a soulevé des questionnements chez moi. J’ai essayé de tout réunir dans des images, qui renvoient à une problématique plus abstraite. »

« Je ne souhaite pas de photos bavardes », juste susciter des interrogations que l’on retrouve dans un parcours trans. Pourquoi citer Verlaine ? « C’est le poète de l’indéterminé. Il parle peu à la première personne. C’est souvent brumeux, voilé, on sent un avant, un après, rien de figé ». On se sent proche des post ados, des « entre-deux identités », de la transition. « Verlaine me tient car c’est le poète de la fadeur ». La fadeur, c’est une ouverture aux champs des possibles, « une indétermination car rien n’est impossible ». Dorothée précise que « le fait que la fadeur existe ne nie pas la saveur ». Rester dans la réserve, la retenue pour être disponible à tous les changements. « Avec Spree, j’ai tenté de rendre visible cet état d’indétermination ». Des paysages en friche, en jachère, en ruines et « pour les portraits, c’est la même chose ».

— — — —
Des robes longues pour tous les garçons
Habillés comme ma fiancée
Pour des filles sans contrefaçons
Maquillées comme mon fiancé
Le grand choc pour les plus vicieux
C’est bientôt la chasse aux sorcières
Ambiguë jusqu’au fond des yeux
Le retour de Jupiter
— — — —

Dorothée regrette « cette obligation, dans la société, de faire un choix ». Elle évoque l’histoire d’Herculine Barbin, dite Alexina B, hermaphrodite français considéré comme une femme à la naissance, mais réassigné(e) comme un homme après une liaison amoureuse et un examen physique. « Déformations, monstruosités », la science et la médecine n’ont pas été tendres avec Herculine. Elle se suicidera en 1868. On parle beaucoup de Michel Foucault et de son cours au collège de France : Les Anormaux.

Pour en revenir à Spree, Dorothée précise : « l’indétermination conditionne ma démarche, pas le côté sexuel. J’ai beaucoup de clichés sur mon travail ». Il a permis à Dorothée de trouver certaines réponses et de se poser d’autres questions.  « Beaucoup de mes amis s’identifient comme trans. La société juge cela subversif et t’oblige à faire un choix. Un parcours du combattant s’opère. Souvent humiliant ».

— — — — —
Dans la rue des tenues charmantes
Maquillés comme mon fiancé
Des garçons, filles l’allure stupéfiante
Habillés comme ma fiancée
Cheveux longs cheveux blonds colorés
Toute nue dans une boîte en fer
Il est belle, il est beau décrié
L’outragé mais j’en ai rien à faire
— — — — —

« Je n’ai pas de définition de mon approche. Je photographie ce qui me passe par la tête, sur le moment . On ne reconnaît pas les personnes que j’ai photographiées. Il n’y a ni titre, ni légende ». Spree est la deuxième série d’un cycle de trois : Loon, Spree et Löyly. Elle aborde moins la question du genre et fait converser des portraits avec des paysages. Dorothée n’a rien négocié dans ses photographies, elle a photographié des amis, la plupart du temps au réveil. « J’ai peu parlé ». Le titre tient du fait qu’elle l’a réalisé à Berlin et aimait  la consonance du mot.

C’est aussi dans les bras de cette rivière que fut retrouvé, en 1919, le corps de Rosa Luxemburg. Assassinée et jetée dans la Spree, elle était journaliste. Progressiste, elle a marqué le socialisme révolutionnaire. Opposée à la Première Guerre mondiale, cette féministe s’est battue pour le droit de vote des femmes et pour la désobéissance. Elle a mené avec Clara Zetkin une campagne internationale pour que la journée du 8 mars soit retenue comme “journée internationale de la femme”.

La galerie Les Filles du Calvaire présente une exposition de Dorothée Smith, « Hear us marching up slowly », jusqu’au 25 février 2012.

L’intention de l’artiste

Opening on an exhaustion, displaying images of a nature always-already tracked and of worn-out, strip-minded characters, this series called spree tends to illustrate the experience of a complete breathlesness, and the feeling of running out of steam. Disparating humongous figures such as dinosaurs or jesus christ himself, these images also depict the drawn-out down-fall of the latent, burdensome authority discourse. Through the provocating fadeur of its tones, and the constant indetermination which characterizes its subjects, Spree may echoe Paul Verlaine’s Romances sans paroles aesthetics.

Biographie

Dorothée Smith est née à Paris en 1985

Formation

2010-12 Résidence au Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, Tourcoing, France
2010 Diplôme de l’Ecole Nationale Supérieure de la photographie, Arles, France
2009 Taik / Aalto, University of Arts and Design, Helsinki, Finlande
2007 Master de Philosophie, La Sorbonne, Paris, France

Expositions personnelles

2012 Galerie Les filles du calvaire, Paris
2011 Le Château d’Eau, Toulouse, France
Studio Vortex, Atelier de Visu, Marseille, France
Festival PhotoPhnomPenh 2011, Pnom Penh, Cambodge
2009 Chapelle Sainte Croix, Metz, France
Dask Gallery, Copenhague, Danemark
Société de curiosités, Paris, France
Divan du monde, Paris, France
2008 AnnexOne Gallery, Copenhague, Danemark

Liens

Site web de Dorothée Smith
Galerie Les Filles du Calvaire
Le Techno-agneau dévorant les loups
Site officiel de Einstürzende Neubauten

Présentation de C19H28O2 (Agnès), une installation de Dorothée Smith
Production le Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, 2011

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« DEGEABA » Bucharest 20 Years Later, d’Émilien Urbano (4/6) http://lemagazine.jeudepaume.org/2012/01/emilienurbano/ Wed, 18 Jan 2012 16:45:48 +0000 http://012fae3308.url-de-test.ws/?p=5926 un portfolio proposé par Wilfrid Estève.

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Le point de vue de Wilfrid Estève

Si en août 2010 Ceauşescu s’était présenté aux élections, il aurait été élu président avec 41% d’opinions favorables. Le résultat de ce sondage, réalisé par l’Institut Roumain pour l’Evaluation et la Stratégie, 21 ans après la mort du dictateur laisse perplexe et donne à réfléchir.

Nicolae Ceauşescu, apprenti cordonnier communiste transformé en Père Ubu, fut, après 24 ans de règne, exécuté à la suite d’un simulacre de procès. Sous sa conduite, la Roumanie va d’abord connaître une période de forte croissance, n’hésitant pas à afficher son indépendance à l’égard de Moscou. À partir de 1971, la folie des grandeurs du « Guide Roumain » va conduire le pays dans de sombres heures : culte de la personnalité et des ancêtres de la nation, népotisme du régime, toute-puissance de l’appareil policier… Alors que la population souffre de famine, Nicolae, témoin de sa propre édification se baptise « Génie des Carpates ».

Le 25 décembre 1989 l’histoire se terminera en une farce macabre, durant laquelle le despote est brusquement mis à nu. Pris en chasse par des insurgés, puis enterré en cachette pendant la nuit, son cadavre finira sous une croix portant un faux nom. Quatre journées d’insurrection suffiront à mettre fin à la tyrannie.

Pour la première fois de l’histoire, le monde entier vivra en simultané une parodie de révolution. Le bouleversement sera télévisuel, permettant de suivre jusqu’aux dernières heures la chute du régime, puis du couple présidentiel. L’information en direct a parfois un prix, et tout comme les journalistes sur le terrain et les Roumains, les téléspectateurs se feront manipuler par le faux charnier de Timisoara, les faux combats de rue, les faux tirs de la securitate. Grâce à la télévision, la bataille de l’imaginaire fut rapidement gagnée, permettant au nouveau pouvoir de s’installer. La cerise sur le gâteau va venir de cette dernière mise en scène, une représentation tragi-comique jouée à guichet fermé, qui livrera en pâture des journaux de 20h le procès expéditif et l’exécution sommaire du couple Ceauşescu. Vive la liberté criera le peuple !

Aujourd’hui, le corps du dictateur a été retrouvé et inhumé. Il repose à Bucarest dans un lieu de pèlerinage : une tombe surplombée par des croix en marbre érigées par les nostalgiques, sur laquelle est inscrit : «  Nicolae Ceauşescu, président de la République socialiste de Roumanie, 1918-1989 ». Le traumatisme collectif est toujours aussi palpable et une dictature en a chassé une autre. Celle du capitalisme s’est bien installée.

Fin décembre 2009, Émilien Urbano décide de partir pour Bucarest sur un coup de tête. Ce jeune photographe à l’élégance anglo-parigote, est un oiseau de nuit. Dans les sixties, il aurait été un « mod », ces jeunes urbains qui se caractérisent par un mode de vie festif et hédoniste. Émilien a un rapport particulier avec la Roumanie, qu’il découvre à 8 ans à l’occasion des vacances d’été avec son beau-père. Nous sommes en 1994, tout est en pleine reconstruction, il se retrouve dans une belle famille qui est encore rationnée et qui vit avec l’eau chaude un jour par semaine et durant trois heures. Dehors le fantôme de Ceauşescu est partout, les anciens de la securitate sont maintenant propriétaires de commerces et mélangés à leurs victimes. La ville est «visuellement très oppressante avec une architecture uniforme », dans ses rues dépouillées, le décalage de mode vestimentaire est flagrant. Trois mots vont résumer cette découverte : « béton, froid, chaotique ». Émilien Urbano est d’autant plus impressionné, que sa famille est originaire des Pouilles et jusqu’alors, les étés se passaient dans le sud de l’Italie. Bucarest le « marque au fer rouge » mais néanmoins, il en garde un bon souvenir « j’ai ressenti surtout une grande souffrance ».

À la veille des 20 ans de la chute de Ceauşescu, Émilien suit l’actualité des journaux roumains et retient la Une de l’un d’eux, sur le putsch : « Coup d’état ou manipulation médiatique ? ». Il décide alors de revenir sur les endroits de la révolution et certains lieux de combat pour comprendre « ces hommes et cette histoire ». A son arrivée, « il faisait moins 20 degrés, les trains étaient bloqués et je n’ai pas pu sortir de Bucarest », la recherche des racines du mal débutera difficilement. Émilien va se forcer à regarder et à photographier dans des conditions extrêmes. Le fatalisme et la mélancolie de l’ancien régime transpirent, « Le travail de mémoire est inexistant et douloureux car on ne connaît pas la situation exacte du coup d’état. Les services secrets roumains ont marqué les esprits. Une paranoïa est restée car les familles étaient infiltrées. En lisant les dossiers, les personnes se sont aperçues qu’elles ont été balancées par des proches ». Durant cinq jours, il va errer et photographier cette ville, issue des délires mégalomanes et totalitaire de Ceauşescu, et rebondir au gré des rencontres. Le comité central, la maison du peuple, l’aéroport, l’organe de presse de l’état… Entre égarement et distanciation, enquête et voyeurisme, sa promenade va documenter les zones de combat ou neutres.

De Bucarest, Émilien retiendra surtout une phrase peinte sur les murs « 89-09: Degeaba », qui se traduit par « 89-09 : rien ». Le régime « semi démocratique en évolution » a accouché d’une crise identitaire du peuple roumain, l’absence de projet national et le manque de direction fait que beaucoup se sont mis à chercher des repères dans le passé. On regarde sa vie au quotidien en exprimant une forme de nostalgie irresponsable. Le « c’était mieux avant » revient souvent dans les conversations. En 2009, Émilien rencontre des jeunes « qui veulent le changement mais pas en parler », des quarantenaires « dont le désir est de vivre comme à l’ouest. Ils veulent le pouvoir d’achat et la consommation » et des soixantenaires emprunts de nostalgie, « nous avions tous un travail et de la viande dans le frigo ».

Et si en 1989 les Roumains ne savaient pas à qui se fier, en 2012, leur Histoire existe-t-elle vraiment ?

 

Une lecture de Samantha Rouault

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Création sonore : Alice Guerlot Kourouklis. Alice Guerlot Kourouklis est compositeur, créatrice sonore et membre du studio Hans Lucas. Textes et voix : Samantha Rouault et Émilien Urbano. Samantha Rouault est critique d’art. Elle a publié plusieurs articles pour la revue Sorbonne Art.

 

L’intention de l’artiste

En ces derniers jours de décembre 2009, je cherche en ces lieux témoins de la Révolution de 1989, les traces, les commémorations de la chute du dictateur Nicolae Ceauseșcu, 20 ans plus tôt.

Travail de mémoire certes douloureux, mais qui me semble nécessaire à tout être, à tout peuple blessé et humilié.

De cela il n’y a rien ou si peu.

Le 25 décembre 1989, à la suite d’un procès expéditif de 55 minutes rendu par un tribunal auto-proclamé, réuni en secret dans une école de Târgovişte à 50 km de Bucarest, Nicolae Ceaușescu et Elena Petrescu, déclarés coupables de génocide, étaient condamnés à mort et aussitôt fusillés dans la base militaire de Târgoviște.

De tous les pays de l’Est ayant renversé le régime communiste après la chute du mur de Berlin au cours de l’automne et de l’hiver 1989-1990, la Roumanie a été le seul où cette métamorphose s’est faite dans le sang : 1 104 morts (dont 564 à Bucarest, 93 à Timişoara, 90 à Sibiu, 66 à Braşov, 26 à Cluj-Napoca) et 3 321 blessés (dont 1 761 à Bucarest).

 

Liens

Site officiel d’Émilien Urbano

«  Visualisations du bouleversement », une réflexion sur le statut des images produites au cours de l’effondrement du bloc communiste.

Irina Botea : «  Un instant de citoyenneté » au Jeu de Paume

L’article « DEGEABA » Bucharest 20 Years Later, d’Émilien Urbano (4/6) est apparu en premier sur le magazine.

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